L'Expert indépendant chargé de la question de la protection contre la violence et la discrimination liées à l’orientation sexuelle et l’identité de genre, M. Victor Madrigal-Borloz, consacrera son rapport à la 53ème session du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies à une exploration du droit à la liberté de religion ou de conviction en relation avec l'orientation sexuelle et l'identité de genre. En prenant comme points de départ le droit international des droits humains et une approche centrée sur l'indivisibilité et l'interdépendance, l'Expert Indépendant explorera la dynamique juridique, politique et éthique entre les droits humains des personnes ayant des orientations sexuelles et des identités de genre diverses et le droit humain à la liberté de religion ou de conviction, ainsi que les récits entourant la mise en œuvre de ces ensembles de droits.
Le rapport examinera les discours, qu’ils soient établis de longue date ou émergents, à l'origine des contradictions perçues entre liberté de religion ou de conviction et l'absence de violence et de discrimination fondée sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre, en référence à des concepts juridiques tels que l'objection de conscience, les aménagements raisonnables pour les croyances religieuses et les lois et politiques publiques anti-discrimination. En analysant les liens et les points de tension apparents entre les deux systèmes de droits,1 l’Expert Indépendant analysera leur potentiel à se limiter, ainsi que leurs synergies. L'objectif est de fournir des récits juridiques et politiques pour s'éloigner d’une analyse à somme nulle et concilier les bases théoriques de la jouissance des droits humains par toutes les personnes. Le rapport formulera des recommandations aux États et aux autres parties prenantes concernées pour qu'ils se conforment pleinement à leurs obligations en vertu du droit international des droits humains de protéger et d'autonomiser les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, trans et de genre divers (LGBT) afin qu'elles puissent rechercher le bonheur, exercer et jouir de tous leurs droits humains, et choisir comment contribuer à la société sur un pied d'égalité avec toutes et tous, notamment par une participation effective à la vie religieuse, culturelle, sociale et publique.
À propos
Avec la reconnaissance juridique des droits humains internationaux et les promesses de les protéger, les acteurs étatiques et non étatiques ont reconnu le droit à la liberté religieuse personnelle ainsi qu'à l'autonomie religieuse institutionnelle. Les récits religieux et spirituels ont également été historiquement utilisés pour promouvoir, permettre et tolérer la violence et la discrimination institutionnelles et personnelles contre des individus sur la base de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre (réelle ou présumée) ; réprimer la diversité sexuelle et de genre ; et promouvoir les normes cisgenres et hétéronormatives. Il en résulte une variété de constructions normatives discriminatoires qui sont renforcées au fil du temps. Comme le souligne le mandat de la Rapporteuse spéciale sur la liberté de religion ou de conviction, l'exercice des droits de cette manière est contraire à la base même du système des droits humains.2 Ces pratiques ne peuvent être justifiées sous la liberté de religion ou de conviction, ou tout autre droit humain, pour contourner et restreindre les droits des populations marginalisées.3
En outre, l'idée que la religion - et donc la liberté de religion ou de conviction, y compris le droit de manifester de telles convictions - est fondamentalement antithétique aux personnes LGBT+ et de genre divers et à leurs droits humains repose sur des hypothèses essentialistes concernant la substance des traditions religieuses à travers l'espace et le temps. Les preuves exploratoires auquel le mandat a accès suggèrent que de nombreuses attitudes anti-LGBT+ apparentes dans certains courants de systèmes de croyances religieuses aujourd'hui sont d'origine relativement récente. Même au sein de ces traditions religieuses, de nombreuses personnes ont aujourd'hui adopté (ou réembrassé) les identités LGBT+ et considèrent l'absence de violence et de discrimination fondée sur l'orientation sexuelle ou l’identité de genre comme un élément essentiel de leur foi.
Ainsi, une première étape potentielle vers le renforcement juridique des droits humains des personnes LGBT+ à l'intersection avec la liberté religieuse est de remettre en cause la soi-disant contradiction inhérente entre la liberté de religion ou de conviction et l'absence de violence et de discrimination basée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre. Le rapport thématique de l'Expert Indépendant vise à présenter les voix des systèmes de croyance inclusifs des personnes LGBT+, des communautés autochtones et des communautés de foi LGBT+ en tant que parties prenantes clés. L’Expert indépendant entend également ouvrir un espace dans le discours et la pratique des droits humains pour mieux reconnaître et protéger l'accès des personnes LGBT+ à la foi et à la spiritualité, en tant que personnes libres et égales en dignité et en droits, et conformément à leur propre droit à la liberté de religion ou de conviction.
1/ L'absence de violence et de discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre est entendue dans ce document comme un ensemble de conditions dérivées de diverses valeurs et obligations transversales en matière de droits humains, y compris l'absence de torture et d'autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, le droit à la vie privée, le droit à la liberté d'expression, le droit à la santé et la dignité humaine.
2/ A/HRC/43/48, par. 43-52.
Appel à contributions
L'Expert indépendant invite tous les États intéressés, les organisations de la société civile, les institutions confessionnelles, les chefs religieux et cheffes religieuses, les universitaires, les organisations internationales, les institutions nationales des droits de l’homme, les militants et militantes, les entreprises et autres, à fournir des contributions écrites aux questions suivantes pour son rapport thématique.
Les contributions sont limitées à un maximum de 2 500 mots. Des documents d'appui supplémentaires, tels que des rapports, études universitaires et autres types de documents de référence peuvent être annexés à la soumission.
- Quels sont les points de tension réels ou perçus (le cas échéant) entre le droit de manifester sa liberté de religion ou de conviction et la protection contre la violence et la discrimination fondées sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre ? Y a-t-il des domaines dans lesquels ils s'excluent mutuellement ?
- Existe-t-il des moyens par lesquels le droit à la liberté de religion ou de conviction et la protection contre la violence et la discrimination fondées sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre se renforcent mutuellement ?
- Existe-t-il des exemples où la diversité de genre et sexuelle a été utilisée dans des récits ou des valeurs religieuses, traditionnelles ou autochtones d'une manière qui favorise l'acceptation des personnes LGBT+ ou protège les personnes LGBT+ contre la violence et la discrimination ? Cela a-t-il éclairé des interventions juridiques ou des politiques publiques ?
- Quelles sont les principales tendances ou les exemples significatifs de pratiques discriminatoires ou abusives de la part de fournisseurs individuels de biens ou de services dans la sphère publique à l’encontre des personnes LGBT+ et d’identités de genre diverses qui s'appuient sur des récits religieux ?
- L'État a-t-il adopté, dans l'ordre public, la législation ou la jurisprudence, des normes prétendument fondées sur la protection de la liberté de religion ou de conviction qui promeuvent, permettent et/ou tolèrent la violence et la discrimination à l'égard des personnes fondées sur l'orientation sexuelle ou l'identité de genre ? Si oui, veuillez donner des exemples, accompagnés de commentaires si nécessaire pour expliquer le contexte, leur portée et leur application.
- Y a-t-il eu une contestation judiciaire de ces politiques/dispositions en vertu de dispositions nationales, régionales ou internationales relatives aux droits humains ? Si oui, indiquez le résultat et la raison d'être de l'affaire. Si ce n'est pas le cas, donnez votre avis sur les raisons pour lesquelles une telle contestation n'a pas encore été intentée.
- Existe-t-il des exemples de restrictions étatiques fondées sur la prévention de la violence et/ou de la discrimination à l'encontre des personnes LGBT+ qui interdisent ou limitent les pratiques entreprises au nom de la religion ou de la spiritualité, telles que les protections contre la discrimination dans les hébergements publics ? Si oui, ont-ils été légalement contestés sur la base de la liberté de religion ou de conviction ? Si oui, expliquez le résultat et la raison d'être de ces exemples.
- Quel rôle (le cas échéant) le concept d'objection de conscience a-t-il joué dans la limitation du plein exercice du droit à la protection contre la violence et la discrimination fondées sur l’orientation sexuelle et l'identité de genre ?
- La portée et l'application de l'objection de conscience ont-elles été suffisamment définies, limitées et/ou réglementées pour trouver un juste équilibre entre la manifestation de sa liberté de religion ou de conviction et la protection contre la violence et la discrimination fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre ? Lorsque la doctrine est invoquée pour autoriser la rétention de biens ou de services aux membres de la communauté LGBT+ (comme dans le contexte des soins de santé sexuelle et reproductive, de la fourniture de licences de mariage, de l'accès aux biens de consommation, etc.), les lois de l'État prévoient-elles des accès alternatifs aux biens ou aux services ?
- Lorsque la législation ou la politique de l’État exige un aménagement raisonnable des croyances, pratiques et/ou institutions religieuses, existe-t-il des cas où ces lois ou politiques limitent la liberté contre la violence et la discrimination à l'égard des personnes LGBT+ et d’identités de genre diverses ? Ceux-ci peuvent inclure, mais sans s'y limiter, des exemptions de la législation anti-discrimination et/ou des aménagements sur le lieu de travail, les établissements d'enseignement, les établissements de santé, le système judiciaire, etc. Y a-t-il des rapports de violence, d'abus spirituel et/ou d'autres formes de discrimination à l'égard des personnes LGBT+ et de genres divers à cause de ces pratiques ?
- Bonnes pratiques:
- Fournir des exemples de bonnes pratiques - au niveau international, national ou local - où les acteurs étatiques et non étatiques (y compris les chefs religieux et cheffes religieuses, les groupes et les organisations, les organisations internationales, les organisations de la société civile et le système des droits humains des Nations Unies) ont pris des mesures efficaces protéger et promouvoir la liberté de religion ou de conviction des personnes LGBT+ et d’identités de genre diverses, et déployé des efforts pour prévenir, atténuer et répondre à toute violence et/ou discrimination justifiée au nom de la religion.
- Donnez des exemples de mesures prises par des acteurs étatiques ou non étatiques pour assurer la participation effective des personnes ayant des orientations sexuelles et des identités de genre diverses à la vie religieuse, culturelle, sociale et publique. Veuillez fournir des exemples pertinents où des personnes LGBT+ ont affirmé leurs droits individuels ou collectifs d'accéder à (ou d’établir) des cadres et des institutions religieux ou spirituels.
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