Répondre aux problèmes rencontrés par les défenseuses des droits humains dans une perspective de genre
Groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles
En 2016, le Groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles a décidé de mieux faire connaître les obstacles auxquels les défenseuses des droits humains sont confrontées à travers le monde. Ces obstacles s’appuient sur une discrimination profondément ancrée à l’égard des femmes et de stéréotypes sur les rôles « appropriés » des femmes dans la société.
Attaques misogynes et autres risques spécifiques
Tous les défenseurs et défenseuses des droits humains peuvent faire l’objet de menaces, d’attaques et de violences. Les femmes qui exercent dans ce domaine sont exposées à des risques supplémentaires et uniques. Les défenseuses des droits humains sont la cible d’attaques misogynes et de violence fondée sur le genre. Elles ne sont pas protégées et n’ont pas accès à la justice. En outre, leurs organisations ne disposent pas de ressources financières suffisantes.
Par ailleurs, la discrimination à l’égard des femmes est alimentée par la montée actuelle des fondamentalismes de tous ordres, du populisme politique, des régimes autoritaires incontrôlés et de la cupidité sans limites, qui ont pour effet de multiplier les obstacles auxquels se heurtent les défenseurs et défenseuses des droits humains. Par exemple, les personnes qui travaillent sur les droits des femmes en matière de santé sexuelle et procréative et celles qui dénoncent les agissements des entreprises et des industries extractives sont exposées à un risque accru d’attaques et de violence.
La parole aux défenseuses des droits humains : trois événements phares
Le Groupe de travail a décidé de tirer parti de sa capacité de mobilisation pour offrir des espaces où les défenseuses des droits humains peuvent faire entendre leur voix, à une époque où le champ d’action de la société civile est de plus en plus restreint, y compris au sein des forums officiels des Nations Unies. Nous avons organisé trois événements : deux dans le cadre des sessions ordinaires du Groupe de travail et le dernier lors de la 63e session de la Commission de la condition de la femme.
Renforcement des réseaux de protection des défenseuses des droits humains pour lutter contre la discrimination : enjeux et possibilités dans le contexte actuel
18 mai 2017, Palais des Nations, Genève
Plus de 40 délégations étaient présentes à cet événement phare. Les États et d’autres parties prenantes ayant pris la parole ont salué l’initiative, réitéré leur soutien à cette cause et souligné leurs actions respectives dans ce domaine.
Déclarations des intervenants :
Discours d’ouverture d’Alda Facio, Présidente du Groupe de travail
Déclaration de Marusia Lopez, JASS (Just Associates)
Déclaration d’Alejandra Burgos, initiative méso-américaine pour les défenseuses des droits humains
Déclaration de Winnet Shamuyarira, JASS Afrique australe
Recommandations :
Les réseaux de protection des défenseuses des droits humains ont fourni des recommandations dans le but de renforcer leurs actions pour lutter contre la discrimination, notamment :
- Encourager les États à évaluer de manière critique leurs progrès dans la mise en œuvre des résolutions relatives aux femmes, à la discrimination et à la violence fondées sur le genre, et aux défenseuses, y compris la résolution de l’Assemblée générale de 2013 sur les défenseuses des droits humains, en particulier dans les situations où des acteurs non étatiques sont responsables de ces violations ;
- Demander aux États de fournir et de garantir un environnement favorable aux défenseuses des droits humains et à leurs organisations, afin qu’elles puissent exercer leurs droits légitimes à la liberté d’association, d’expression et de réunion, et continuer à défendre leurs droits et ceux de leurs concitoyens ;
- Fournir des ressources politiques et économiques pour renforcer et légitimer le travail des défenseuses des droits humains.
Lire la liste complète des recommandations de la délégation et des réseaux
Vingt ans après la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme : la responsabilité des États envers les défenseuses des droits humains
26 juillet 2018, Siège de l’ONU, New York
Intervenants/modérateurs présents :
- Ivana Radačić, Présidente, Groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes, dans la législation et dans la pratique
- Michel Forst, Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains
- Andrew Gilmore, Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme, Chef du bureau du HCDH à New York
- Lolita Chavez, Conseil du peuple quiché (Consejo de Pueblos Kiché Guatemala)
- Lydia Alpizar, initiative méso-américaine pour les défenseuses des droits humains
- Brenda Kugonza, réseau ougandais des défenseuses des droits humains (Ouganda)
- Asha Kowtal, Forum des droits de toutes les femmes dalits (Inde)
- Marusia Lopez, Jass (Just Associates)
- Guadalupe Marengo, Amnesty International
- Alda Facio, Groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes, dans la législation et dans la pratique
- Pooja Patel, International Service for Human Rights
- Miriam Miran, OFRANEH (Honduras)
- Mélanie Sonhaye Kombate, Réseau ouest-africain des défenseurs et défenseuses des droits humains (Togo)
Résumé :
Les participants ont attiré l’attention sur les risques et vulnérabilités spécifiques aux défenseuses des droits humains, notamment celles qui travaillent sur les questions environnementales, les droits des minorités, y compris les peuples autochtones et les dalits, les droits des LGBTI, et la santé et les droits en matière de sexualité et de procréation. Ces personnes font notamment face à des agressions physiques, à la privation de soins médicaux, à des fouilles dégradantes, à des menaces visant leur famille et leur communauté, à la diffamation publique et à des attaques contre leur « honneur », à la détention arbitraire, à la violence sexuelle et fondée sur le genre, et à des assassinats, entre autres. Ces défenseuses des droits humains risquent également d’être rejetées par leurs communautés et d’être à nouveau victimes de violations si elles signalent des actes de violence.
Tous les intervenants et plusieurs autres défenseuses des droits humains des Philippines, du Brésil, d’Indonésie, de Colombie et d’Espagne ont témoigné des obstacles rencontrés par ces femmes. Les intervenants ont également exprimé de vives inquiétudes quant au nombre record de représailles contre les défenseuses des droits humains en 2017. Cela a conduit à une mobilisation renforcée de l’ONU envers la protection des défenseuses des droits humains contre les représailles, y compris le rapport annuel du Secrétaire général sur la coopération avec les Nations Unies, connu sous le nom de « rapport sur les représailles ».
Principales recommandations pour les États :
- Reconnaître et soutenir le travail des défenseuses des droits humains, notamment en leur accordant une reconnaissance politique et juridique ;
- Reconnaître que ces défenseuses des droits humains incluent les femmes travaillant pour des ONG, les droits du travail, les droits fonciers, les droits culturels, les droits sexuels et procréatifs, les droits collectifs et les mouvements locaux ;
- Renforcer les mécanismes et programmes de protection en :
- adoptant des législations, des politiques et des programmes axés sur l’élimination des causes structurelles de la violence à l’égard des défenseuses des droits humains,
- prévenant les abus et violences, en enquêtant sur ces actes et en punissant leurs auteurs,
- veillant à ce que les dispositions relatives à la protection, à la réparation et au recours soient mises en œuvre selon une approche intersectionnelle,
- veillant à ce que les législations et les mécanismes de protection n’affectent pas davantage les défenseuses des droits humains,
- examinant et en abrogeant les politiques et les pratiques qui ne sont pas conformes aux normes internationales relatives aux droits humains, y compris les lois qui restreignent l’espace des organisations de la société civile,
- assurant la viabilité financière des programmes de protection,
- intégrant la Déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l’homme,
- veillant à ce que les mécanismes de protection officiels ne contredisent pas ou n’entravent pas les pratiques et mesures de protection globales, spirituelles et collectives dont dépendent les défenseuses des droits humains,
- veillant à ce que les législations, les politiques ou les cadres juridiques n’utilisent pas d’informations personnelles et privilégiées sur les défenseuses des droits humains et leurs organisations ;
- Renforcer l’accès à la justice et mettre fin à l’impunité :
- accélérer les enquêtes sur les cas de violence contre les défenseuses des droits humains,
- veiller à ce que les enquêtes soient exemptes de préjugés et de stéréotypes sexistes et misogynes,
- veiller à ce que les enquêtes intègrent une analyse du contexte, des types d’attaques et des conflits socio-environnementaux qui encadrent ces attaques,
- faire en sorte que les fonctionnaires, les médias, les responsables religieux, culturels, communautaires et économiques rendent des comptes en cas d’agression, de diffamation, d’incitation à la violence et de stigmatisation des femmes,
- appliquer des mesures strictes contre les forces armées de l’État en cas de préjudice ou de violence visant les défenseuses des droits humains,
- renforcer le rôle proactif des institutions publiques indépendantes de défense des droits humains et des institutions judiciaires dans la prévention de la violence à l’égard des défenseuses des droits humains et les moyens d’enquête sur ces dernières,
- former des fonctionnaires, en particulier dans le système judiciaire et pénal,
- créer des mécanismes garantissant que les nominations politiques, les promotions à des postes dans l’administration publique ou l’avancement des carrières politiques tiennent compte des antécédents des fonctionnaires en lien avec les défenseuses des droits humains,
- mettre fin aux projets d’extraction, agroalimentaires, d’infrastructure et de l’énergie hydraulique qui ont été lancés sans le consentement libre et éclairé des communautés concernées ;
- Renforcer la mise en œuvre par les États de leurs obligations en matière de droits humains ;
- Améliorer la cohérence entre les instruments internationaux ;
- Inviter les Rapporteurs spéciaux des Nations Unies et d’autres mécanismes spéciaux à se rendre sur place ;
- Faciliter la coopération entre les organismes régionaux et internationaux.
Principales recommandations pour les organismes des Nations Unies :
- Renforcer l’assistance technique fournie aux États pour mettre en œuvre les recommandations des Nations Unies ;
- Adopter une approche intersectionnelle des défenseuses des droits humains dans tous les aspects du travail de l’ONU ;
- Assurer un suivi, une mise en œuvre et une reddition de comptes efficaces en collaboration avec les mécanismes régionaux de défense des droits humains ;
- Renforcer la participation des défenseuses des droits humains aux organes, processus, réunions et visites de pays, des Nations Unies, entre autres ;
- Garantir un espace sûr pour les organisations de la société civile aux Nations Unies et dénoncer tous les actes de représailles au plus haut niveau ;
- Renforcer la coordination au niveau national entre les entités des Nations Unies pour soutenir la mise en œuvre des recommandations des Nations Unies ;
- Suivre l’adoption et la mise en œuvre des législations qui légitiment ou criminalisent les défenseuses des droits humains ;
- Adopter une approche globale des mesures de protection ;
- Demander aux entreprises privées d’améliorer la manière dont elles identifient, traitent et préviennent la violence et les abus visant les défenseurs et défenseuses des droits humains.
Enjeux actuels et possibilités pour les défenseuses des droits humains : comment la communauté internationale peut-elle soutenir davantage leur travail ?
13 mars 2019, Siège des Nations Unies, New York