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L’éveil guatémaltèque: la révolte pour la justice et le changement

08 juin 2015

Les manifestations ont débuté après la révélation par la CIGIG (Commission Internationale contre l’Impunité) et le bureau du Procureur le 16 avril 2015, de fraudes douanières et de contrebande impliquant plusieurs hauts fonctionnaires. Le montant de ces opérations frauduleuses avoisine 320.000 dollars par semaine, soit environ 2,5 millions de quetzals.

Un mois plus tard, une autre enquête menée par le Ministère Public et la CIGIG a révélé un cas de corruption lié à un contrat de 14 millions de dollars (116 million de quetzals) accordé par la Sécurité Sociale du Guatemala pour la fourniture de services de dialyses. Des enquêtes sont menées dans le cadre de la mort de plusieurs patients qui n’auraient pas reçu le traitement adéquat. 

« La corruption n’est pas chose nouvelle, mais elle a atteint un niveau extrêmement élevé. Nous en avons marre », dit un ingénieur participant à la manifestation avec sa famille.

« Si nous ne l’exprimons pas nous-mêmes, personne ne le fera et tout restera pareil. Peut-être que ces manifestations ne changeront pas la réalité de ce pays mais nous devons montrer au Guatemala et au monde notre profond mécontentement », fait remarquer sa fille.

Ce qui, à l’origine, a commencé comme un mouvement pacifique le 16 avril sur les réseaux sociaux avec le hashtag  ‪#‎ RenunciaYa (démission maintenant), et impliquant principalement divers groupes de la capitale, rassemble aujourd’hui un nombre grandissant de personnes de tout le pays et de toutes les strates de la société : familles, étudiants, femmes, groupes autochtones, LGBTI, enfants, personnes handicapées, personnes âgées, urbains et ruraux, qui ont manifesté pacifiquement devant le Palais Présidentiel dans la ville de Guatemala et à travers le pays. Des Guatémaltèques vivant à l’étranger ont même joint le mouvement.

« C’est un mouvement apolitique et pacifique. Notre intention est de poursuivre par des manifestations publiques et que les gens s’approprient ce processus. Nous voulons construire un espace démocratique dans lequel la société puisse s’organiser et débattre », dit l’un des premiers organisateurs des manifestations. Il souligne l’implication des étudiants qui se sont coordonnés pour participer aux meetings de masse.

Les manifestants sont allés au-delà de l’appel à la lutte contre la corruption pour demander la démission du gouvernement et la restitution des fonds publics. Dans un pays où 53% de la population vit dans la pauvreté et où un enfant sur deux de moins de cinq ans souffre de malnutrition, le peuple réclament la transparence sur l’utilisation du budget de l’Etat afin de garantir les droits fondamentaux  tels que l'alimentation, la santé et l’éducation. Trois mois avant les élections générales, le mécontentement envers la classe politique est aussi un thème récurrent des pancartes des manifestants.

Suite aux revendications des citoyens, la pression publique et la couverture médiatique d’autres cas de corruption présumés, plusieurs ministres et hauts fonctionnaires de l’Etat, dont la vice-présidente, ont dû démissionner. Alors qu’ils vivent la crise politique et institutionnelle la plus profonde depuis des décennies, les Guatémaltèques savent que seules de profondes réformes engendreront un véritable changement pour leur pays.

« Les gens disent « nous ne voulons plus de ce système ». Ce mouvement est
en train de générer un espace pour le dialogue qui n’existait pas auparavant. Je pense que nous verrons des propositions émerger de différents secteurs» dit la défenseure des droits de l’Homme, Alejandra Castillo.

Le Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme au Guatemala, accompagné par le Médiateur national, a servi d’observateur à la manifestation, en particulier pour l’exercice du droit à la liberté d’expression et à la manifestation.

Le Bureau suit également la situation des défenseurs des droits de l’homme qui réclament le changement et la justice, et la situation des journalistes, acteurs essentiels pour une information indépendante et pluraliste.

De plus, mis à part le conseil technique qu’il fournit au Congrès des députés et à la société civile, le Haut-Commissariat s’est engagé dans l’analyse et la discussion d’une série de réformes prioritaires pour renforcer les pouvoirs judiciaires, afin de promouvoir la transparence dans l’utilisation des fonds publics et améliorer la régularité du financement de campagnes.

« C’est un moment décisif pour le Guatemala. Nous avons l’opportunité de construire un processus participatif et inclusif pour mettre en application les réformes que nous demandons. Beaucoup d’entre elles sont recommandées par le Haut-Commissariat dans ses rapports annuels », a dit Alberto Brunori, Représentant du Bureau des Droits de l’Homme au Guatemala.

« Les droits de l’homme doivent être au cœur des solutions de ces revendications. Le Bureau continuera à accompagner le processus en fournissant l’assistance technique, à l’Etat et à la Société civile afin de s’assurer que les réformes soient conformes aux standards internationaux », a-t-il ajouté.

Bien que le Guatemala doive faire face à plusieurs défis pour satisfaire les demandes des manifestants, l’esprit des Guatémaltèques n’est plus le même qu’il y a deux mois. Un changement s’est opéré.

« D’après ce que j’ai vu lors de la dernière manifestation, je pense que la société ne gardera pas le silence .C’est un mouvement citoyen qui va continuer à croître », a dit l’un des organisateurs.

Et les participants sont d’accord avec lui. « Nous sommes une nouvelle génération qui a grandi sans la terreur de nos parents (suite à 36 années de conflit armé) », dit un jeune étudiant accompagnant sa famille. « Nous sommes une génération prête à élever la voix. Nous sommes ceux qui ont déclenché le changement », a-t-il conclu.  

19 juin 2015