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Personnes d’ascendance africaine

La participation est essentielle pour mettre un terme au racisme systémique

30 Octobre 2023

Photo de Marcia Rigg (à gauche) et Dayana Blanco prise pendant le dialogue interactif renforcé de la 54e session du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. Ⓒ HCDH/Pierre Albouy

Sean Rigg, un citoyen britannique noir âgé de 40 ans, est mort d’un arrêt cardiaque après avoir été immobilisé par des agents de la police métropolitaine de Londres en 2008. Cet homme, qui avait des problèmes de santé mentale, était en situation de crise. Quinze ans plus tard, et après des excuses publiques sans précédent, sa famille cherche toujours à obtenir justice.

« Mon frère a été condamné à mort le jour où les policiers l’ont maîtrisé en faisant un usage excessif de la force », a déclaré sa sœur Marcia Rigg. Depuis le drame, elle a rencontré une multitude de familles ayant subi le même sort, avant et après la mort de Sean.

Marcia Rigg, qui a travaillé pendant un certain temps avec l’organisme United Families and Friends Campaign et l’ONG INQUEST, a participé au dialogue interactif renforcé qui s’est tenu lors du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. Durant ce dialogue, le deuxième rapport de suivi du Haut-Commissaire sur la justice et l’égalité raciales fut présenté par la Haute-Commissaire adjointe Nada Al-Nashif.

« Il est clair que dans la grande majorité des cas de décès de personnes d’ascendance africaine après une interaction avec les forces de l’ordre, les progrès en matière de responsabilité et de réparation font cruellement défaut », a-t-elle déclaré. « Dans leur lutte pour la justice, les familles continuent d’endurer des procédures interminables et épuisantes sur le plan émotionnel et financier, avec un soutien inadéquat de l’État. » Selon le rapport du Haut-Commissaire, la participation effective, inclusive et sûre favorise la promotion des droits humains et constitue un moyen d’autonomiser les individus et les groupes et de donner la parole à des voix différentes. La preuve en est la participation de Marcia Rigg aux processus décisionnels et aux campagnes.

« À l’époque où mon frère est mort, il n’y avait pas de caméras dans les véhicules de police, pas de caméras de vidéosurveillance, pas de système audio, pas de caméras d’intervention. J’ai donc activement fait campagne avec INQUEST. Au Royaume-Uni, les forces de l’ordre sont désormais équipées de caméras dans leurs véhicules, de systèmes audio et de caméras portables. « C’est pour cela que, quand Kevin Clarke a été tué [en 2018] et bien d’autres, nous avons pu voir ce qui est arrivé et ne pas nous contenter des récits des policiers », a déclaré Mme Rigg.

Lorsque la participation est effective et inclusive, les décisions sont plus éclairées et plus durables, et les institutions publiques plus efficaces, plus transparentes, plus responsables et mieux à même d’être au service de tous les membres de la société, sans discrimination. Ce type de participation a notamment débouché sur l’adoption de la première loi sur l’usage excessif de la force dans le contexte de la santé mentale au Royaume-Uni, pour laquelle Mme Rigg et d’autres familles ont fait campagne aux côtés d’Aji Lewis, la mère d’Olaseni Lewis, lui aussi victime de brutalités policières.

Dayana Blanco, qui a également participé au dialogue interactif renforcé, est une avocate colombienne spécialisée dans les droits humains. Elle a créé l’organisation ILEX Acción Jurídica avec d’autres avocates afro-colombiennes. Cet organisme de défense des droits humains s’attache à identifier clairement les problèmes juridiques liés au racisme et à l’application de la loi auxquels les personnes d’ascendance africaine sont confrontées, et promeut diverses stratégies en matière d’action en justice, de communication et de recherche sociale grâce à une approche intersectionnelle, afin de contribuer à l’exercice effectif des droits des communautés et des personnes d’ascendance africaine.

Pour Mme Blanco, la participation d’ONG de toutes tailles est essentielle, mais elle identifie plusieurs obstacles.

C’est un problème auquel les organisations de la société civile et les leaders d’ascendance africaine sont confrontés en permanence : nos capacités sont sans cesse remises en question.

Dayana Blanco, avocate spécialisée dans les droits humains et directrice générale d’ILEX Acción Jurídica

Dayana Blanco a identifié d’autres problèmes, notamment l’utilisation disproportionnée de la force contre les personnes d’ascendance africaine et l’invisibilité statistique.

« Pour rendre ces problèmes visibles, nous devons recueillir régulièrement des données précises et universelles qui prennent en compte la variable raciale », a-t-elle déclaré.

Selon Marcia Rigg et Dayana Blanco, les Nations Unies et leurs mécanismes contribuent à surmonter ces obstacles et bien d’autres encore.

« Le fait que ce soient les experts et le HCDH qui parlent de ces questions, et que nous puissions participer au dialogue interactif et parler directement avec les représentants des États à ce sujet, nous aidera vraiment à rendre ce problème visible et à mieux nous faire entendre », a déclaré Mme Blanco.

Pour Marcia Rigg, le fait de partager son expérience avec les Nations Unies a été crucial.

« Ils ont entendu un témoignage concret. L’ONU a été très active dès le début dans l’affaire de mon frère et, plus récemment, dans toutes les affaires pour lesquelles nous avons collaboré avec INQUEST. Il est important que les Nations Unies reconnaissent ce qui se passe réellement au Royaume-Uni, et nous en sommes reconnaissants », a-t-elle déclaré.

Le racisme systémique nécessite une réponse systémique

Durant le dialogue, le rapport du Mécanisme international d’experts indépendants chargé de promouvoir la justice et l’égalité raciales dans le contexte du maintien de l’ordre, qui porte sur la « redéfinition de l’action policière », a également été présenté. Ce rapport explore les différents moyens d’adopter des méthodes différentes et complémentaires en matière d’action policière, de manière à combler les déficits de confiance avec les communautés concernées.

« On dit que dans certains pays, le racisme est systémique ou systématique, car il semble obéir à une politique d’État qui soutient délibérément un comportement différent de la part des forces de l’ordre envers des minorités, ou parfois des majorités raciales ou religieuses, mais en tout cas des personnes opprimées », a déclaré Juan Méndez, avocat argentin spécialisé dans les droits humains et membre du Mécanisme.

Still of Juan Méndez holding a Universal Declaration of Human Rights at Room XX of Palais des Nations. © UN/David Díaz Martín

Photo de Juan Méndez tenant un exemplaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme dans la salle XX du Palais des Nations. Ⓒ ONU/David Díaz Martín

Bien qu’il soit difficile de le prouver, M. Méndez a déclaré que le racisme systémique se manifeste par « la répétition d’actes individuels spécifiques et, surtout, par l’absence de réponse cohérente à la gravité des faits, ce qui est très grave. »

« On dit que s’il existe des preuves de racisme systémique au sein des forces de police, une réponse systémique est également nécessaire », a-t-il poursuivi. Une partie de la réponse systémique consisterait en une promotion permanente des droits humains et une tolérance zéro à l’égard des attitudes racistes au sein des institutions chargées de l’application des lois.

Le Mécanisme d’experts a recueilli des données et des témoignages très révélateurs qui montrent que la violence policière contre des personnes d’ascendance africaine dans différents pays n’est pas traitée assez sérieusement.

Pour Marcia Rigg, les actes de violence raciste perpétrés dans le cadre de l’application de la loi qui visent des personnes d’ascendance africaine, ainsi que l’absence de réponse appropriée de la part de l’État et d’accès à la justice constituent une nouvelle forme d’esclavage.

« C’est une crise mondiale. Rien ne change, en particulier pour les hommes noirs. Et je le vois comme une forme d’esclavage. Nous sommes toujours d’une certaine manière réduits en esclavage à notre époque, et nous sommes toujours lynchés. »

Selon le Mécanisme, il est essentiel de s’attaquer à l’héritage des facteurs discriminatoires des institutions chargées de l’application de la loi. Nous devons donc analyser les origines historiques du racisme, notamment le colonialisme et le commerce transatlantique des Africains réduits en esclavage, ainsi que leurs effets sur les principales institutions de l’État, dont les forces de l’ordre et le système de justice pénale.

La participation des personnes d’ascendance africaine est essentielle et, selon le Mécanisme, des commissions transitoires de vérité et de réparation pourraient être nécessaires pour analyser les causes profondes et offrir des réparations indispensables.

À la suite du meurtre de George Floyd en mai 2020, le Conseil des droits de l’homme a prié le Haut-Commissaire de présenter un rapport complet sur le racisme systémique, les violations du droit international des droits de l’homme contre les Africains et les personnes d’ascendance africaine par les forces de l’ordre, afin de contribuer à l’établissement des responsabilités et à l’octroi d’une réparation. À la suite de la présentation de ce rapport en 2021, le Conseil des droits de l’homme a créé le Mécanisme d’experts et a demandé au Haut-Commissaire de continuer à travailler sur ces questions. Le Haut-Commissaire et le Mécanisme d’experts ont présenté leurs rapports 2023 à la 54e session du Conseil des droits de l’homme.