Peuples autochtones : « l’isolement est une stratégie de préservation collective »
08 août 2024
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Le HCDH et les peuples autochtones Journée internationale des peuples autochtones Déclaration des Nations Unies sur les droits des Peuples autochtones Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones Instance permanente sur les questions autochtones Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones Projet de directives pour la protection des peuples autochtones en situation d’isolement et de premier contact de la région de l’Amazonie et du Gran Chaco
Tagüide Picanerai est un défenseur autochtone de la communauté ayoreo-totobiegosode du Paraguay. Il a consacré sa vie à défendre les droits humains, les droits environnementaux et les droits fonciers.
« Ce qui nous caractérise, c’est que nous sommes pratiquement le seul groupe autochtone en situation de premier contact et un groupe encore isolé qui vit toujours dans la forêt tropicale sans aucun contact, en dehors de l’Amazonie », a-t-il expliqué. « Nous sommes le seul groupe autochtone isolé dans le grand Chaco paraguayen. »
Tagüide Picanerai a ressenti le besoin de protéger et d’étendre le territoire autochtone après que sa famille a été contrainte de quitter la forêt tropicale du Chaco paraguayen dans les années 1970 et 1980 en raison de la déforestation.
Le mot Chaco vient de la langue autochtone quechua et signifie « territoire de chasse ». Dans la région occidentale du pays, le Chaco paraguayen abrite une diversité d’écosystèmes, notamment des forêts sèches et subhumides, des dunes, des savanes et des zones humides.
« Je pense que nous sommes face à de gros problèmes. L’un d’entre eux est la question de la déforestation, qui se produit pratiquement jour et nuit aujourd’hui », a-t-il indiqué.
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En prenant soin de la terre, nous contribuons également à la société et à la protection de l’environnement, car les impacts naturels ne tiennent souvent pas compte des idéologies politiques ou culturelles.
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Tagüide Picanerai, défenseur autochtone des droits humains, Paraguay
Les peuples autochtones protègent 80 % de la biodiversité mondiale et, selon la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, les savoirs, les cultures et les pratiques traditionnelles autochtones, y compris celles des peuples autochtones en situation d’isolement volontaire et de premier contact, doivent être reconnus pour leur grande contribution au développement durable et à la bonne gestion de l’environnement.
« La croissance démographique mondiale rapide s’accompagne d’une demande de biens et de services et, par conséquent, d’un besoin accru de ressources naturelles », a déclaré Valmaine Toki, actuelle présidente du Mécanisme d’experts des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. « Des entités commerciales cherchent donc à extraire des ressources naturelles dans des zones où vivent des groupes isolés. Cela compromet et menace leur bien-être. »
Valmaine Toki, d’origine ngati rehua et ngapuhi, en Nouvelle-Zélande, est professeure de droit autochtone à l’Université de Waikato, dont les recherches, les écrits et l’enseignement portent sur la reconnaissance des droits autochtones. Elle a été nommée membre du Mécanisme en 2022.
Pour Tagüide Picanerai, la reconnaissance des peuples autochtones en situation d’isolement volontaire ou de premier contact par l’ONU est essentielle pour que les États membres mettent en œuvre les recommandations émises par ses mécanismes.
L’ONU a mis en place trois mécanismes pour défendre les droits des peuples autochtones dans le monde : l’Instance permanente sur les questions autochtones, créée par le Conseil économique et social des Nations Unies, le Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones, créé par la Commission des droits de l’homme de l’époque et le Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones, créé par le Conseil des droits de l’homme.
« Non seulement nous disposons de ces trois mécanismes, mais les articles de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones indiquent clairement qu’il faut promouvoir le respect et la pleine application des droits fondamentaux et des dispositions de la Déclaration et suivre son efficacité », a affirmé Valmaine Toki.
Le Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones mène des recherches visant à promouvoir et à protéger les peuples autochtones, en clarifiant les conséquences de principes clés tels que l’autodétermination et le consentement préalable, libre et éclairé, en examinant les bonnes pratiques et les difficultés rencontrées dans de nombreux domaines liés aux droits des peuples autochtones et en suggérant des mesures que les États et d’autres acteurs peuvent adopter au niveau des lois, des politiques et des programmes.
« Le Mécanisme d’experts a noté que pour les peuples autochtones en isolement volontaire, le droit à l’autodétermination doit être compris comme une garantie de respect de leur décision de rester isolés, et que leur droit à la vie peut être enfreint si leur droit à l’autodétermination est refusé », a indiqué Valmaine Toki.
« Beaucoup considèrent que l’isolement est une stratégie de préservation collective, permettant aux peuples autochtones de maintenir leurs propres systèmes de pensée, cultures, langues et traditions, et de survivre aux menaces causées par tout contact forcé avec le monde extérieur ; c’est aussi un exercice de leur droit à l’autodétermination. »
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Les peuples autochtones en situation d’isolement volontaire sont des détenteurs de connaissances traditionnelles. Ils ne sont pas colonisés et doivent être protégés.
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Valmaine Toki, Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones
Dans sa déclaration de principes Droits humains : la voie à suivre, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme Volker Türk a indiqué que les peuples autochtones ont souffert de violations répétées de leurs droits humains, notamment de leurs connaissances traditionnelles, de leurs terres et de leurs ressources.
« Nous devons établir des normes solides et cohérentes régissant la participation, l’inclusion, la sécurité, ainsi que le consentement libre, préalable et éclairé des peuples autochtones, et ce pour tous les processus, y compris ceux des Nations Unies », a-t-il déclaré.
Le HCDH œuvre à la défense des droits des peuples autochtones, notamment en soutenant les organisations autochtones et de la société civile chargées de protéger leurs droits. Cela inclut le Groupe de travail international des peuples autochtones en situation d’isolement et de premier contact (GTI PIACI), une alliance de 21 organisations autochtones et de la société civile du Brésil, de la Bolivie, de la Colombie, de l’Équateur, du Paraguay, du Pérou, du Suriname, du Venezuela.
Ce groupe de travail s’engage à protéger, défendre et promouvoir les droits des peuples autochtones en situation d’isolement volontaire ou de premier contact en Amazonie et dans le Gran Chaco.
Le HCDH a entamé un processus de sensibilisation à la situation des peuples autochtones en situation d’isolement volontaire et de premier contact. L’objectif est de promouvoir et de soutenir les actions et les initiatives des États et des autres parties prenantes afin d’améliorer le travail de protection des peuples autochtones en situation d’isolement volontaire ou de premier contact.
Le HCDH analyse les difficultés rencontrées par les peuples autochtones en situation d’isolement volontaire ou de premier contact, y compris les lacunes existantes et les progrès réalisés par les États dans la mise en œuvre des Directives pour la protection des peuples autochtones en situation d’isolement et de premier contact de la région de l’Amazone et du Gran Chaco. Ces informations permettront au HCDH de concevoir une stratégie pour continuer à attirer l’attention sur la situation des peuples autochtones en situation d’isolement ou de premier contact aux niveaux national et international.
En 1994, l’Assemblée générale des Nations Unies a décidé que chaque 9 août serait la Journée internationale des peuples autochtones, choisie en reconnaissance de la première réunion du Groupe de travail des Nations Unies sur les populations autochtones, qui s’est tenue à Genève en 1982. En 2024, la Journée internationale sera consacrée à la « protection des droits des peuples autochtones en situation d’isolement volontaire et de premier contact ».