Haut-Commissaire : la peine de mort devrait être abolie au XXIe siècle
03 avril 2023
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« Depuis de nombreuses années, les Nations Unies sont opposées à la peine de mort en toutes circonstances », a déclaré Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme. « Je partage cet avis avec la plus grande conviction. Il s’agit fondamentalement de la promesse de la Charte des Nations Unies d’appliquer les normes les plus élevées en matière de protection pour tous les êtres humains. »
Volker Türk a participé à une table ronde sur la question de la peine de mort pendant la 52e session du Conseil des droits de l’homme tenue à Genève, en Suisse.
Selon lui, les faits montrent clairement que la peine de mort n’a que peu ou pas d’effet sur la dissuasion ou la réduction de la criminalité. Plusieurs études ont prouvé que les pays ayant aboli la peine de mort ont vu leur taux d’homicide inchangé, voire dans certains cas diminuer.
M. Türk a par ailleurs fait remarquer que la peine de mort est également discriminatoire à l’égard des minorités raciales, ethniques, linguistiques et religieuses, ainsi que de la communauté LGBTIQ+.
« L’existence de la peine de mort dans les pays qui la pratiquent, ainsi que la menace de son application, peut être détournée à des fins abusives, notamment pour susciter la peur, réprimer l’opposition et empêcher l’exercice légitime des libertés », a-t-il expliqué.
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En résumé, la peine de mort est, selon notre expérience commune, une relique du passé qui devrait être abandonnée au XXIe siècle.
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Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme
La région africaine travaille d’arrache-pied pour se défaire de cette relique, selon Idrissa Sow, président du Groupe de travail sur la peine de mort, les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et les disparitions forcées en Afrique de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples. Fait majeur, la République centrafricaine, la Guinée équatoriale et la Zambie ont récemment aboli la peine de mort pour tous les délits.
Selon M. Sow, il existe une tendance abolitionniste sur le continent, 26 pays ayant choisi d’abolir la peine de mort.
« [La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, par l’intermédiaire de son Groupe de travail sur la peine de mort] exhorte les États restants à limiter l’application de la peine de mort aux crimes les plus graves et à envisager d’instaurer un moratoire sur les exécutions en attendant d’envisager l’abolition de la peine de mort », a déclaré M. Sow.
D’autres pays, comme la Malaisie, s’efforcent également d’abolir la peine de mort obligatoire. Il s’agit d’une tâche difficile, car la plupart des Malaisiens soutiennent la peine de mort, considérée comme un moyen de dissuasion, selon Azalina Othman Said, Ministre du droit et de la réforme institutionnelle de la Malaisie. Onze délits sont actuellement passibles de la peine de mort obligatoire en Malaisie, notamment le meurtre, le terrorisme et le fait d’entrer en guerre contre le pays.
Selon Mme Said, la Malaisie estime que l’abolition de la peine de mort obligatoire est un équilibre entre le bien et le mal.
José Manuel Santos Pais, membre du Comité des droits de l’homme, a déclaré que si la peine de mort doit être imposée, elle ne devrait être utilisée que pour les crimes les plus graves. Les crimes qui ne sont pas d’une extrême gravité et qui n’impliquent pas un meurtre intentionnel doivent être exclus, comme la corruption et les délits liés à la drogue.
« Les États parties [au Pacte international relatif aux droits civils et politiques] doivent revoir leur législation pénale, annuler les condamnations à mort prononcées pour des crimes ne relevant pas des crimes les plus graves et mettre en œuvre les procédures juridiques nécessaires pour condamner à nouveau les personnes reconnues coupables de tels crimes », a-t-il déclaré.
Certains se sont même demandé si la peine de mort devait être appliquée pour les crimes les plus graves. Mai Sato, professeure associée à la faculté de droit de l’Université Monash, directrice d’Eleos Justice et directrice adjointe de Crime Info, a grandi dans un pays où la peine de mort est utilisée pour des crimes graves tels que le meurtre et où elle est considérée comme un moyen important pour les familles des victimes d’obtenir justice. Pendant son enfance, elle n’a jamais douté de l’existence ou de la nécessité de la peine de mort.
« Toutefois, après avoir passé ces vingt dernières années dans des pays où la peine de mort n’existe pas, mon point de vue à l’égard de ce qui constitue la justice a changé, de même que ma compréhension des fonctions sociales et politiques que remplit la peine de mort », a-t-elle déclaré.
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J’estime aujourd’hui, comme plus de la moitié des pays du monde, que la peine de mort n’est pas nécessaire pour tous les crimes, y compris les homicides volontaires.
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Mai Sato, professeure associée à la faculté de droit de l’Université Monash, en Australie
Sarah Belal, directrice exécutive de Justice Project Pakistan, a souligné l’importance pour les pays de travailler ensemble à l’abolition de la peine de mort.
« Depuis 2020, le nombre de Pakistanais emprisonnés à l’étranger a diminué de 15 %, grâce à des actions en justice stratégiques, à des accords de transfert de prisonniers et à des efforts diplomatiques accrus pour aider les Pakistanais à l’étranger », a-t-elle déclaré. « Ces résultats témoignent de ce qu’il est possible de faire grâce à un engagement stratégique international et national qui encourage les États membres à se conformer à la norme relative aux crimes les plus graves, et de l’importance d’apprécier les étapes progressives qu’ils franchissent sur la voie de la conformité et de l’abolition. »
Au Pakistan, l’abolition gagne du terrain, comme en témoigne le vote historique de l’Assemblée générale, lorsque 125 pays se sont prononcés en faveur d’une résolution appelant à un moratoire mondial sur l’application de la peine de mort, en vue d’y mettre un terme une fois pour toutes.
Volker Türk a indiqué que de nombreux pays font des progrès dans ce domaine et a tenu à rappeler que tant que tous les pays n’auront pas aboli la peine de mort, la défense de la dignité humaine ne sera jamais totalement assurée.
« Si nous maintenons cet élan pour éradiquer une fois pour toutes ce châtiment inhumain, nous pourrons rétablir la dignité au cœur de nos sociétés », a déclaré le Haut-Commissaire.