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Soudan du sud

Soudan du Sud : les auteurs présumés des violences commises dans l’État de l’Unité identifiés

03 Octobre 2022

Des réfugiés mettent leurs effets personnels dans un camion en préparation de leur retour aux monts Nouba depuis le camp de Yida, dans l’État de l’Unité (Soudan du Sud), le 20 avril 2013. © REUTERS/Andreea Campeanu

« Lorsque Padeah a été attaqué le 16 février, j’ai été emmenée de force de mon village avec 20 autres femmes et nos enfants. [Les agresseurs] nous ont forcées à porter de la nourriture et d’autres affaires qu’ils avaient volées de notre village. Ils nous ont battues et frappées avec des bâtons jusqu’à notre arrivée à Mirmir Payam, où nous avons été violées plusieurs fois devant nos enfants. La plupart des femmes se sont laissé faire, car elles avaient peur que [leurs filles soient] violées à leur place. »

Le récit de cette survivante à Padeah, au Soudan du Sud, est l’un des nombreux témoignages recueillis par les enquêteurs du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) et de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS) à la suite des violences commises contre les civils dans la région entre février et mai 2022.

Les résultats de leurs enquêtes ont été présentés dans un rapport publié au mois de septembre. Des violations flagrantes du droit international des droits de l’homme et des atteintes à ces droits, ainsi que de graves violations du droit international humanitaire ont été perpétrées dans l’État de l’Unité au sud du pays, dont des civils tués et blessés, des enlèvements et des violences sexuelles, ainsi que des déplacements forcés et des attaques commises contre du personnel et des équipements humanitaires. Le rapport porte sur 32 missions de vérification dans trois comtés, à savoir Koch, Leer et Mayendit, ainsi que dans trois zones avoisinantes.

Il révèle en outre que ces violations ont été commises durant des affrontements entre les forces gouvernementales conjointes et des milices armées affiliées d’une part, et des éléments du Mouvement/Armée populaire de libération du Soudan dans l’opposition (M/APLS dans l’opposition) fidèles au Vice-Président Riek Machar, d’autre part.

Violations et atteintes perpétrées

Au moins 28 villages et zones d’installation ont été touchés durant les affrontements, qui selon les estimations ont fait 173 morts et 12 blessés parmi les civils. Selon les informations disponibles, 37 femmes et enfants ont également été enlevés. De nombreuses personnes kidnappées ont été victimes de violence sexuelle, le rapport faisant état de 131 cas de viol et de viol collectif, notamment sur des filles d’à peine 8 ans, une petite fille de 9 ans étant même décédée des suites d’un viol collectif. Environ 44 000 civils ont été déplacés d’au moins 26 villages.

Je ne voulais pas risquer de perdre mes enfants, alors je suis restée silencieuse alors que les cinq [agresseurs] m’ont violée. Lorsqu’ils ont pointé leur fusil contre ma tête, j’ai bien cru que c’en était fini pour moi.

Témoignage d’une survivante de viol à Thouriak

La partie sud de l’État de l’Unité connait des affrontements violents et répétés impliquant les forces militaires et les milices armées depuis décembre 2013, date à laquelle a débuté la lutte de pouvoir entre le Président Salva Kiir Mayardit et le Vice-Président de l’époque, Riek Machar. Un premier accord de paix, l’Accord sur le règlement du conflit en République du Soudan du Sud, a été signé en 2015. Cet accord a cependant été violé en juillet 2016, plusieurs affrontements ayant éclaté majoritairement à Djouba, la capitale, et ayant conduit à deux fronts distincts, à savoir les parties belligérantes fidèles au Gouvernement (MPLS au Gouvernement) et la faction opposée fidèle à Riek Machar (M/APLS dans l’opposition).

À la suite de l’Accord revitalisé sur le règlement du conflit en République du Soudan du Sud en septembre 2018, l’État de l’Unité a retrouvé une certaine stabilité. Cette période de paix ne fut que de courte durée, des tensions refaisant surface entre le Gouvernement et les forces de l’opposition en février 2020. Le rapport indique que selon certains analystes politiques, les causes profondes des violences commises dans l’État de l’Unité proviennent de tensions et de rivalités politiques entre différentes sections du groupe ethnique nuer.

Principales recommandations

Le HCDH et la MINUSS ont identifié neuf individus considérés comme étant les principaux responsables des violations perpétrées entre février et mai 2022. Ces deux organismes exhortent le Gouvernement sud-soudanais à remédier à l’absence d’établissement des responsabilités face aux crimes commis en vertu du droit international et national, soulignant que cela est essentiel pour la résolution du conflit prolongé dans l’État de l’Unité et pour une paix durable au Soudan du Sud.

« Des violations des droits de l’homme ont été commises en toute impunité. Le Gouvernement a le devoir, en vertu du droit international, de protéger les civils, d’enquêter sur les allégations de violations des droits de l’homme et de faire en sorte que les auteurs présumés répondent de leurs actes conformément aux normes relatives à un procès équitable », a déclaré Nicholas Haysom, Représentant spécial du Secrétaire général et chef de la MINUSS.

Les deux organisations ont également appelé le Gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour protéger les civils.

« Le Gouvernement du Soudan du Sud doit également s’assurer que toute future allégation de violation des droits de l’homme fasse rapidement l’objet d’une enquête indépendante, impartiale et approfondie, et que les auteurs répondent de leurs actes lors de procès équitables », a déclaré Maarit Kohonen Sheriff, cheffe du Service de l’Afrique du HCDH.

FIN