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Personnes âgées

Protéger les droits des personnes âgées privées de liberté

28 septembre 2022

Plusieurs détenus âgés ayant bénéficié d’une grâce présidentielle attendent d’être libérés durant une cérémonie au sein de la prison nationale de Bilibid, à Muntinlupa City, à Manille, aux Philippines, le 7 mars 2017. © EPA/ FRANCIS R. MALASIG

« L’âgisme et la discrimination fondée sur l’âge font partie de la plupart des situations de privation de liberté des personnes âgées », a expliqué Claudia Mahler, Experte indépendante chargée de promouvoir l’exercice par les personnes âgées de tous les droits de l’homme. « Les attitudes âgistes persistent à l’échelle mondiale, menant à l’adoption de lois, de politiques et de pratiques discriminatoires qui portent atteinte au droit à la liberté individuelle des personnes âgées. »

Claudia Mahler s’est exprimée devant le Conseil des droits de l’homme à Genève, où elle a présenté son dernier rapport, dans lequel elle examine ce que la privation de liberté représente pour les personnes âgées et la manière dont celle-ci affecte leurs droits humains. Dans son rapport, elle analyse également certaines des raisons pour lesquelles les personnes âgées sont privées de liberté, et souligne les enjeux et les risques liés aux droits humains dans des contextes spécifiques, à savoir la justice pénale, la détention liée à l’immigration et la prise en charge.

« Les personnes âgées formant un groupe hétérogène, elles ne sont pas toutes égales face à la privation de liberté. Il peut y avoir un lien de corrélation entre l’âge, souvent combiné avec des facteurs socioéconomiques tels que la pauvreté et les niveaux inférieurs de scolarité, et la probabilité de commettre une infraction », a expliqué Mme Mahler.

L’experte a par ailleurs précisé que, même si le droit à la liberté individuelle n’est pas absolu en vertu du droit international des droits de l’homme, il reste un droit humain fondamental pour les personnes âgées. Elle a également souligné qu’une privation de liberté doit respecter les normes relatives aux droits de l’homme dans la mesure où elle doit être justifiée, proportionnée, non discriminatoire et le résultat d’une procédure régulière.

Privation de liberté et personnes âgées : contextes

Selon Mme Mahler, les personnes âgées peuvent être considérées comme privées de liberté si elles sont enfermées dans un lieu ou placées dans un établissement dont elles ne peuvent pas sortir à leur guise, contre leur gré ou sans leur consentement libre et éclairé.

L’experte a rappelé aux États qu’ils doivent s’assurer, dans le contexte de la justice pénale, que les personnes âgées sont traitées avec dignité durant leur détention et prendre en considération leurs besoins particuliers liés à leur âge, à leur éventuel handicap et à leur état de santé.

Elle a ajouté que la détention dans le contexte de la migration doit être utilisée en dernier recours, soulignant qu’elle doit être appliquée « dans un but légitime. Le fait pour un État de ne pas fournir de soins et d’assistance particuliers à une personne âgée détenue dans ce contexte peut rendre illégale la détention de cette personne. »

Par ailleurs, elle a mis l’accent sur le fait que, dans le contexte de la prise en charge, les États doivent prendre les mesures nécessaires pour protéger la liberté des personnes âgées, y compris dans les établissements de santé et les centres de soins.

« Bien que l’âge avancé ne doive pas être considéré comme un motif de limitation des droits, les personnes âgées sont souvent privées, du fait de leur âge, de l’autonomie et de l’indépendance dont elles jouissaient lorsqu’elles étaient plus jeunes », a-t-elle ajouté. « En tant que tel, le droit des personnes âgées à la liberté doit également être appréhendé à la lumière de leur droit à l’autonomie et à l’indépendance. »

Vers une plus grande protection des personnes âgées privées de liberté

Regrettant le peu de données sur les personnes âgées privées de liberté, ainsi que le manque de lois et de politiques visant à appliquer les mécanismes nécessaires pour évaluer leur situation, Mme Mahler a attiré l’attention sur le fait que la réalité des personnes âgées privées de liberté restait méconnue.

« En l’absence d’un instrument international complet visant à protéger les droits humains des personnes âgées, les cadres juridiques et directifs nationaux ne parviennent pas à répondre efficacement aux besoins spécifiques des personnes âgées », a-t-elle affirmé. « Les lois, en particulier les “lois sur la santé mentale” et les “lois prévoyant des garanties” qui s’appliquent dans le cadre d’une prise en charge, comme les structures de soins mises en place à l’intention des personnes âgées qui vivent chez elles ou avec leur famille ou qui bénéficient de soins de proximité, doivent respecter l’autonomie et l’indépendance des personnes âgées. »

L’experte a identifié des solutions de substitution à la privation de liberté pour les personnes âgées, notamment dans le contexte de la justice pénale, comme l’assignation à résidence ou la libération conditionnelle anticipée en fonction de l’âge, du temps passé en détention et de l’état de santé.

Concernant la prise en charge, Mme Mahler a recommandé la mise en place de dispositifs de prise en charge grâce à des moyens financiers permettant aux personnes âgées de choisir leur lieu de résidence. « S’il est préférable, pour de nombreuses personnes âgées, d’être prises en charge dans un cadre familial, les familles et les proches aidants devraient se voir offrir des services d’aide parallèle adéquats, abordables et de qualité afin d’éviter toute privation de liberté », a-t-elle indiqué.

L’experte recommande en outre de procéder à une surveillance indépendante des lieux de privation de liberté et d’assurer l’accès à la justice pour les personnes âgées en cas de violation de leurs droits humains.

« Les États ont l’obligation non seulement de prévenir et de sanctionner les violations des droits de l’homme dans les institutions gérées par l’État, mais aussi de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les personnes âgées contre les violations de ces droits par des acteurs non étatiques », a-t-elle souligné. « Ils doivent enquêter sur toutes les allégations de violation des droits des personnes âgées, notamment du droit à la vie, y compris à la suite d’une détention arbitraire, d’actes de torture et d’autres mauvais traitements. Des enquêtes efficaces, approfondies et impartiales doivent être rapidement menées. »