Les soins et l’assistance sont une question de droits humains
27 octobre 2023
Emma Bishop aime faire des gâteaux et aller danser. Elle adore aussi son travail, qui consiste à aider d’autres personnes ayant des troubles de l’apprentissage et atteintes du syndrome de Down. Grâce à un groupe de soutien, Emma vit de manière autonome et fait ses propres choix de vie.
Maxensia Nakibuuka a été testée positive au VIH il y a 25 ans. À la suite de son diagnostic, elle a dû faire face à la stigmatisation, au chômage et au handicap. Grâce à sa force et à son expérience, Maxensia a créé une organisation communautaire qui fournit des soins et une aide aux femmes et aux filles vulnérables vivant avec le VIH en Ouganda.
Frances Zainoeddin a travaillé toute sa vie pour les Nations Unies. Après avoir pris sa retraite, elle est devenue une défenseuse des droits humains des personnes âgées. Aujourd’hui, elle se bat pour obtenir un instrument juridique international pour les personnes âgées, afin de garantir que leurs droits humains soient pleinement protégés et que leur voix soit entendue, à la fois en tant que bénéficiaires et prestataires de soins et d’assistance.
Le 29 octobre, la communauté mondiale célèbre la première Journée internationale des soins et de l’assistance, une journée destinée à défendre les droits des bénéficiaires et des prestataires de soins et d’assistance, et à honorer le travail de millions de personnes qui prodiguent ces soins et cet appui, et qui défendent les droits dans le monde entier, comme Emma, Maxensia et Frances.
« Les soins et le soutien ne doivent pas être considérés comme un simple acte de charité. C’est une question de droits humains », a déclaré Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, lors d’un discours prononcé à l’occasion du 75e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, appelant les États à revoir radicalement leur conception des systèmes de soins et d’assistance.
La population au cœur des soins et de l’assistance
Le HCDH joue un rôle central dans la promotion des droits humains de tous au sein des systèmes de soins et d’assistance, ainsi que dans le rapprochement des droits et des voix des femmes, des personnes handicapées, des enfants, des jeunes et des personnes âgées, à la fois en tant que bénéficiaires et prestataires de soins et d’assistance.
Facundo Chavez Penillas, conseiller du HCDH sur les droits des personnes handicapées, a déclaré que chaque personne a besoin de soins et de soutien à un moment ou à un autre, voire tout au long de sa vie, pour vivre dans la dignité et participer à la société.
Cependant, de nombreuses personnes sont exclues en raison d’un manque d’accès à des soins et à un soutien de qualité.
« Les systèmes actuels de soins et d’assistance ne parviennent pas à soutenir des sociétés et des économies durables et résilientes », a-t-il déclaré, ajoutant que les systèmes de soins et d’assistance sont un facteur essentiel du développement durable, de la justice sociale et d’une société inclusive qui ne laisse personne de côté.
Hannah Wu, cheffe des droits des femmes et de l’égalité des genres du HCDH, a déclaré que les systèmes actuels imposent une part disproportionnée des activités de soins et d’assistance aux femmes, y compris aux femmes handicapées, aux filles, aux jeunes femmes et aux femmes âgées.
« Un système de soins et d’assistance fondé sur les droits humains est impératif pour l’égalité des genres », a-t-elle déclaré.
La Journée internationale des soins et de l’assistance est l’occasion de prendre des mesures concrètes pour reconnaître la valeur socioéconomique des soins et de l’assistance, réduire et redistribuer les soins non rémunérés et récompenser les prestataires de soins rémunérés, tout en garantissant l’accès à des soins et à un soutien de qualité et en assurant la représentation des prestataires et bénéficiaires dans la prise de décisions.
« C’est important de s’exprimer et de se faire entendre »
« L’assistance reçue est vraiment importante pour les personnes ayant des troubles de l’apprentissage », a déclaré Emma, 44 ans, qui travaille pour Down Syndrome International, un réseau mondial pour les personnes atteintes du syndrome de Down et leurs familles.
« Les gouvernements devraient écouter les personnes handicapées et leur demander de quel soutien elles ont besoin. Avec l’assistance que je reçois, je vis de manière autonome avec mon petit ami, Ben. J’ai un travail et mon propre compte en banque. J’ai des loisirs et des amis, et je fais ce que je veux, comme partir en vacances ou aller chez le coiffeur. »
En juillet, Emma s’est rendue à New York et a donné deux présentations à des fonctionnaires des Nations Unies, des ONG et des personnes handicapées du monde entier sur les politiques qui devraient être modifiées pour faire du monde un endroit plus inclusif pour les personnes handicapées.
« J’étais très stressée, mais quand j’ai fini, je me suis vraiment sentie bien. C’est important de s’exprimer et de se faire entendre. »
« Les femmes sont en première ligne des soins »
Dans le monde entier, la majeure partie des activités de soins et d’assistance est laissée aux femmes, y compris les filles, les jeunes femmes, les femmes âgées et les femmes handicapées, sans reconnaissance ni rémunération adéquate, ce qui les empêche de participer à la société sur un pied d’égalité.
De par son vécu, Maxensia est bien consciente de l’importance des soins et de l’assistance.
« J’étais à l’école quand mes frères et sœurs sont tombés malades à cause du VIH, et c’est donc moi qui me suis occupée d’eux. Avant, c’était ma mère qui s’occupait de nous. »
En 2005, après avoir appris qu’elle était séropositive, Maxensia a fondé l’organisation Lungujja Community Health Caring Organization (LUCOHECO). Lorsque la COVID-19 est apparue, ce sont les femmes aux postes d’agents de santé communautaires et les groupes comme le sien qui se sont d’abord mobilisés pour lutter contre la pandémie. Il en a été de même pour des maladies comme le paludisme, la tuberculose et le virus Ebola.
« Les femmes et les organisations locales sont toujours en première ligne des soins. Nous sommes les dernières à tenir bon. La reconnaissance ne passe pas seulement par le fait d’être rémunérées pour un travail qui nous passionne. Il s’agit aussi de participer au processus décisionnel en tant qu’expertes. Nos politiciens doivent le comprendre. »
Les droits humains des personnes âgées
« Nos droits ne disparaissent pas avec l’âge », a déclaré Frances Zainoeddin.
Frances, qui est âgée de 82 ans, représente la Fédération internationale du vieillissement et Soroptimist International aux Nations Unies à New York. Elle est également membre du Groupe de travail à composition non limitée sur le vieillissement, créé par l’Assemblée générale afin de renforcer la protection des droits humains des personnes âgées et examiner la possibilité de nouveaux instruments et de nouvelles mesures pour protéger ces droits.
« Le cadre international actuel est inadéquat. Une convention sur les droits des personnes âgées établirait des normes juridiques minimum, et contribuerait à combattre certaines attitudes telles que la discrimination, l’âgisme ou la stigmatisation. Cela permettrait d’assurer le respect de la dignité d’une personne tout au long de sa vie. »
Claudia Mahler, Experte indépendante chargée de promouvoir l’exercice par les personnes âgées de tous les droits humains, a déclaré que la pandémie de COVID-19 a mis à nu les graves déficiences en matière de protection des droits humains qui existent depuis des années, comme la discrimination fondée sur l’âge, le manque de protection sociale et d’accès à des services de santé à un prix abordable, ou encore le manque d’autonomie et de participation à la prise de décision.
Les voix des personnes âgées doivent être entendues. Souvent, ce sont les médecins et les infirmières qui parlent avec les membres de la famille et prennent les décisions. La volonté et les préférences des personnes âgées doivent être prises en compte », a déclaré Claudia.
Selon Frances, les personnes âgées sont souvent invisibles et considérées comme de simples bénéficiaires de services. Mais elles fournissent aussi des soins et une assistance à d’autres personnes.
« Les personnes âgées contribuent à la vie de leur famille, de leur communauté et de l’économie nationale. Elles ne doivent pas être perçues comme un fardeau pour la société. »
Sensibilisation aux droits humains des personnes handicapées
« Nous devons sensibiliser davantage la société aux personnes vivant avec un handicap et à leurs familles », a déclaré Sarder Razzak, président et fondateur de la Down Syndrome Society of Bangladesh.
« Les gouvernements, et parfois même les médecins et les prestataires de soins, ne comprennent pas le type de soins et d’assistance dont les personnes handicapées ont besoin pour vivre dans la dignité et de manière autonome. »
Sarder, dont le fils Rafan, âgé de 15 ans, est né avec le syndrome de Down, a créé son organisation avec l’objectif initial de mettre en place un petit groupe de soutien pour les parents d’enfants atteints du syndrome de Down. Aujourd’hui, la Down Syndrome Society of Bangladesh sensibilise les personnes handicapées dans l’ensemble du pays et fournit des services de santé et de conseil, ainsi que des formations professionnelles.
« Les personnes atteintes du syndrome de Down jouissent des mêmes droits humains que toute personne non handicapée. Cela passe notamment par l’accès à une santé inclusive, à une éducation inclusive et à un emploi inclusif pour soutenir leur autonomie et leurs moyens de subsistance. »