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Administration de la justice et état de droit

Le suivi des procès permet de protéger le droit à un procès équitable

17 août 2023

Un marteau posé sur un clavier d’ordinateur © Getty Images

« Au moins 253 millions de personnes vivent dans des situations d’injustice extrême et 4,5 milliards de personnes sont exclues des possibilités offertes par la loi. Un milliard de femmes ne sont pas protégées contre les violences sexuelles commises au sein du couple », a indiqué le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme Volker Türk dans une lettre ouverte adressée aux États Membres des Nations Unies à l’occasion du 75e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH).

L’accès à la justice est inscrit dans le préambule et plusieurs articles de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Il est également souligné dans l’objectif de développement durable no 16, qui appelle à assurer l’accès à la justice pour tous. La Déclaration a aidé une multitude de personnes à obtenir justice, en contribuant à établir des normes, en modifiant les lois et les pratiques et en permettant aux individus de faire valoir leurs droits devant des juridictions nationales et internationales. Cependant, comme le soulignent M. Türk et d’autres, de nombreuses autres personnes sont encore en quête de justice.

Pendant la pandémie de COVID-19, bien que de nombreux États aient pris des mesures extraordinaires pour protéger la santé de leurs populations, certaines de ces mesures ont eu pour effet de restreindre la liberté de circulation des personnes et, par extension, d’affecter le fonctionnement des tribunaux.

L’une des solutions trouvées par les États pour permettre aux tribunaux de continuer à fonctionner et améliorer le droit d’accès à la justice fut l’utilisation de plateformes en ligne et d’autres technologies pour tenir des audiences à distance. Ces types d’audiences ont non seulement amélioré l’efficacité des institutions judiciaires, mais elles ont également assuré la sécurité et le bien-être des témoins et des victimes et ont constitué un aménagement raisonnable pour les personnes handicapées.

Toutefois, pour Simon Walker, chef de la Section de l’état de droit et de la démocratie du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), les auditions en ligne ont également apporté leur lot de problèmes.

« Bien que les audiences à distance pendant la COVID-19 aient contribué à protéger les droits liés à l’accès à la justice, dont le droit des personnes détenues à être présentées rapidement à un juge, même en ligne, elles ont dans de nombreux cas affecté le droit à une audience équitable et publique ainsi que d’autres droits, notamment le droit de comparaître physiquement devant un juge lors d’une arrestation ou d’une détention », a-t-il déclaré.

Le suivi garantit des procès équitables

Le HCDH suit des procès afin de garantir le droit des personnes à un procès équitable et public et le respect par les tribunaux du monde entier d’autres normes internationales fondamentales en matière de droits de l’homme.

« En observant des procès de manière impartiale, indépendante et complète, notamment depuis la salle d’audience, le HCDH vise à évaluer l’équité des procès dans des affaires spécifiques, à protéger les droits des accusés ainsi que ceux des victimes et des témoins, et à effectuer une analyse plus large de l’administration de la justice », a déclaré M. Walker. « Notre travail sert également à appuyer des propositions de réforme adéquate des systèmes de justice pénale et de l’administration de la justice. »

OHCHR officials monitor a 2018 hearing in the case of the enforced disappearance of Marco Antonio Molina Theissen and aggravated sexual assault of his sister, Emma Guadalupe Molina Theissen, that occurred in 1981 during Guatemala´s internal armed conflict. © OHCHR Guatemala

Des experts du HCDH suivent une audience en 2018 dans l’affaire de la disparition forcée de Marco Antonio Molina Theissen et de l’agression sexuelle aggravée de sa sœur, Emma Guadalupe Molina Theissen, qui se sont produites en 1981 pendant le conflit armé interne au Guatemala. © Bureau du HCDH au Guatemala

Alors que nous approchons de la fin de la crise de la COVID-19, les auditions à distance se poursuivent dans plusieurs juridictions où les gouvernements ont adopté des amendements et de nouvelles lois pour ancrer définitivement les auditions à distance dans leurs systèmes judiciaires.

Ces décisions ont suscité des inquiétudes, car elles ont, dans de nombreux cas, rendu impossible l’accès du public aux audiences à distance, y compris à des fins de suivi des procès, étant donné que l’accès aux salles d’audience virtuelles est souvent réservé aux parties à l’audience. Les présences du HCDH dans le monde ont également identifié plusieurs autres problèmes.

Obstacles liés aux audiences à distance

  • Barrières numériques, y compris pour les populations autochtones et les personnes vivant dans des zones rurales
  • Barrières linguistiques dues à l’absence de services d’interprétation
  • Manque de confidentialité entre les détenus et les avocats
  • Difficultés à vérifier l’identité des parties et des témoins, à déposer et passer en revue les preuves, et à éviter que les témoins et autres personnes ne soient influencés par des tiers
  • Risques pour les femmes victimes de violence domestique qui, dans certains cas, ont dû participer depuis leur domicile, à proximité de leurs agresseurs
  • Manque d’accès du public aux auditions

« Dans le respect d’une approche de la justice centrée sur l’individu, la décision d’utiliser des audiences en ligne devrait commencer par l’examen de l’impact sur les droits de l’individu et non pas uniquement prendre en compte les gains d’efficacité que les audiences en ligne pourraient apporter aux administrations de la justice », a déclaré M. Walker. Il a de plus souligné que si une audience est organisée en ligne, des conditions et des garanties doivent s’appliquer.

Le HCDH a élaboré un document d’orientation sur les audiences en ligne dans les systèmes judiciaires, dans lequel sont énumérées ces garanties et conditions. On peut citer notamment l’identification de tout problème affectant la capacité d’une personne à participer efficacement aux audiences en ligne ; la garantie d’un accès effectif à un avocat avant, pendant et après les audiences, y compris par des moyens de communication sécurisés et confidentiels ; et la garantie que les défendeurs et leurs avocats disposent des moyens technologiques nécessaires pour participer pleinement à la procédure et la suivre, ainsi que pour entendre et voir les autres parties, le juge et les témoins, et pour être entendus et vus par eux, et pour pouvoir procéder au contre-interrogatoire des témoins.

Ces lignes directrices stipulent également que certaines audiences ne peuvent se tenir qu’en personne. Il s’agit notamment des audiences relatives à l’imposition de la peine de mort, « car il est essentiel que les affaires liées à la peine capitale respectent la garantie d’un procès équitable compte tenu de la nature irréversible de la sentence », a déclaré M. Walker.

Liste d’observateurs de procès certifiés

En 2019, le HCDH s’est associé à la Fondation Clooney pour la justice afin de concevoir un outil de formation électronique pour les futurs observateurs de procès. La formation TrialWatch, qui s’appuie sur le droit international des droits de l’homme et sur les normes internationales en la matière, est gratuite et permet d’obtenir un « certificat de formation au suivi des procès » à l’issue de la formation.

Elle est disponible en six langues : l’anglais, l’arabe, l’espagnol, le français, le russe et le thaï.

La collaboration avec la Fondation Clooney pour la justice s’inscrit dans le cadre d’un accord en cours entre les deux organisations qui vise à opérationnaliser le suivi des procès, notamment en établissant une liste d’observateurs de procès approuvés capables d’effectuer le suivi en ligne, et à collaborer à la création d’une communauté de pratique avec ces observateurs de procès et d’autres experts.

Lors du lancement de TrialWatch, l’ancienne Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, avait déclaré que « les procès équitables sont synonymes de procédures régulières, d’obligation de rendre des comptes et de recours adéquats pour les victimes. Les procès inéquitables sont synonymes d’injustice, de sanctions excessives, voire de peine de mort. Observer les tribunaux les aide à mieux travailler et à rendre la justice. »