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Disparitions forcées ou involontaires

Rapport : nous devons unir nos forces pour lutter contre les disparitions forcées au Mexique

25 Avril 2022

Lors d’une visite au Mexique en novembre 2021, le Comité des disparitions forcées a assisté à une exhumation avec des spécialistes en médecine légale et plusieurs victimes, durant laquelle des prélèvements de terre ont été effectués sur le lieu où des corps ont été découverts. © HCDH

Une mère a accompagné sa fille rendant visite à son conjoint dans une prison mexicaine. Elle l’a vue rentrer dans la prison, mais ne l’a jamais vue en sortir. Lorsqu’elle s’est adressée les autorités pénitentiaires, ces dernières ont affirmé ne disposer d’aucune information à son sujet. Elle n’a toujours pas été retrouvée.

Cette histoire fait partie des affaires figurant dans un nouveau rapport du Comité des disparitions forcées à la suite de sa visite au Mexique en novembre dernier. Ce rapport comprend les conclusions du Comité, qui révèlent toute l’ampleur du problème des disparitions dans le pays, ainsi que les tendances dans ce domaine et plusieurs recommandations.

Le registre national des personnes disparues au Mexique indique que 99 249 personnes sont portées disparues. Parmi ces personnes, 112 ont été déclarées comme ayant disparu durant les deux semaines qu’a duré la visite du Comité.

« Le Comité se félicite de l’ouverture au dialogue dont fait preuve l’État, ainsi que de la volonté de toutes les parties concernées de fournir des informations et des documents particulièrement utiles », a déclaré Carmen Rosa Villa Quintana, présidente du Comité, lors du lancement du rapport à la 22e session du Comité des disparitions forcées. « Nous remercions les familles et les proches des personnes disparues pour leurs témoignages, leurs points de vue et leurs propositions, et nous tenons à reconnaître publiquement leur combat de chaque instant. »

Afin d’effectuer une évaluation complète de la situation, les membres ont rencontré les autorités et des centaines de victimes, de groupes et d’organisations de la société civile. Ils se sont également rendus dans des prisons et des centres pour migrants, et ont assisté à des exhumations et des journées de recherche.

Conclusions et tendances concernant les disparitions

Selon le rapport, plus de 52 000 corps non identifiés gisent dans des fosses communes, des centres médico-légaux et des universités.

« Malgré son ampleur, ce chiffre n’inclut ni les corps qui n’ont pas encore été localisés, ni les milliers de fragments de restes humains que les familles et les commissions de recherche recueillent chaque semaine dans des fosses clandestines », indique le rapport.

Les disparitions continuent de cibler en majorité les hommes âgés de 15 à 40 ans.

Toutefois, on constate une augmentation du nombre de disparitions chez les enfants, les adolescents et les femmes, qui s’est accentuée durant la pandémie de COVID-19.

Le rapport souligne l’inquiétude suscitée par la victimisation des femmes qui doivent souvent s’occuper de leur famille et rechercher leurs proches, tout en supportant la charge financière de ces deux responsabilités.

Les femmes finissent par « subir les graves effets sociaux et économiques des disparitions et sont dans de nombreux cas victimes de violence, de persécution, de stigmatisation, d’extorsion et de représailles ».

De nombreuses autres victimes sont touchées, notamment les journalistes, les défenseurs des droits de l’homme, les migrants et les peuples autochtones. Les disparitions de personnes autochtones ont généralement lieu dans le cadre de conflits territoriaux liés à des projets miniers ou énergétiques ou à l’accaparement de terres à des fins d’exploitation économique par des groupes criminels organisés, avec des degrés divers d’implication ou d’acceptation de la part d’agents de l’État.

Le Comité a également recueilli des informations concernant la disparition de personnes de la communauté LGBTIQ+ par des forces de sécurité ou des groupes criminels organisés à des fins de nettoyage social ou d’exploitation sexuelle, principalement après qu’elles aient été forcées d’entrer dans des centres de conversion.

Demander des comptes aux auteurs de ces actes pourrait paraître simple. Pourtant, le rapport révèle que l’impunité est une tendance récurrente au Mexique et que le manque de confiance des victimes dans les institutions entraîne un nombre élevé de cas non signalés.

« L’impunité au Mexique est une caractéristique structurelle qui favorise la reproduction et la dissimulation des disparitions forcées, et qui met en danger et inquiète les victimes, celles et ceux qui défendent et promeuvent leurs droits, les fonctionnaires qui recherchent les personnes disparues et enquêtent sur leurs cas, et la société dans son ensemble », indique le rapport.

Mesures de prévention et d’éradication

Le Comité invite instamment l’État à tenir compte de toutes les conclusions du rapport et à créer une politique nationale de prévention et d’éradication des disparitions forcées. Cette politique doit être conçue avec la contribution de toutes les autorités fédérales, nationales et municipales, des organismes autonomes du Mexique et de la société civile, y compris des victimes et des groupes de victimes.

Le document contient d’autres recommandations portant notamment sur l’urgence d’éliminer les causes structurelles de l’impunité et de tenir les personnes responsables des disparitions, et soulignant l’urgence d’abandonner l’approche de la militarisation de la sécurité publique, de sensibiliser les gens aux disparitions au Mexique pour qu’ils sachent comment signaler ces cas aux autorités, et de mettre en place un programme de formation complet sur les disparitions.

Le rapport insiste pour que la politique contienne des mesures et des indicateurs concrets qui garantissent son respect et que les résultats soient évalués. Un système de contrôle indépendant doit être créé pour garantir la responsabilité.

Une victime, qui s’est entretenue avec les membres du Comité, a expliqué comment l’impunité et le manque d’accès aux informations concernant les disparitions dans le pays ont eu des répercussions sur sa vie.

« Je n’aurais jamais imaginé être ici avec vous pour parler de la disparition de ma mère », dit-elle. « Je ne pensais pas que cela existait et pouvait un jour m’arriver. Ce n’est pas le genre de choses qu’on apprend à l’école. Quand votre mère disparaît soudainement, vous ne savez absolument pas quoi faire. C’est un cauchemar qui se répète jour après jour. »

Pour le Comité, ce rapport est l’occasion d’opérer des changements au Mexique. Il insiste sur son engagement à soutenir le processus de mise en œuvre des recommandations afin d’éradiquer et de prévenir les disparitions forcées au Mexique.

Comme l’indique le rapport, « la disparition de personnes au Mexique est le problème de tous : de la société dans son ensemble et de l’humanité tout entière ».