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Peuples autochtones

Les femmes autochtones au pouvoir ou l’équilibre entre identité, genre et politique

09 août 2019

« Faire preuve de courage, c'est aussi savoir ce que l'on veut et ne pas se faire influencer par les autres », affirme Ethel Blondin-Andrew.

Mme Blondin-Andrew est membre de la Nation dénée du Canada et a été la première femme autochtone élue au Parlement canadien. Ayant passé 17 ans en politique, dont 12 ans au Cabinet, elle s'est imposée comme chef de file dans sa communauté et pour d'autres peuples autochtones dans l'ensemble du Canada. Selon elle, sa culture autochtone n'a pas été un handicap ; au contraire, son héritage l'a aidée à affronter sans crainte le monde politique et à y réussir.

« Je me suis lancée en politique, car je sentais que je pouvais faire bouger les choses, que je pouvais utiliser ma force et ma détermination acharnées, qui sont des sentiments que j'ai développés alors que certaines personnes tentaient de me rabaisser », indique-t-elle. Sa grand-mère, une grande matriarche, est sa source d'inspiration.
« Depuis ma plus tendre enfance, elle m'a inculqué que je pouvais accomplir plus de choses dans ma vie que ce que les gens pensaient. Et cette pensée m'a accompagnée tout au long de ma carrière et de mon parcours politique. »

Mme Blondin-Andrew fait partie des sept femmes autochtones qui ont raconté leur ascension politique dans leur pays respectif, dans le cadre d'une table ronde du Mécanisme d'experts sur les droits des peuples autochtones aux Nations Unies. Cette discussion, ayant pour thème les femmes autochtones au pouvoir, a été l'occasion de mettre en valeur le succès et l'engagement des femmes autochtones détenant des postes à responsabilités dans le domaine politique, et de constituer ainsi une source d'inspiration pour les autres.

La modératrice Carolyn Rodrigues Birkett, une Amérindienne du Guyana ayant exercé au parlement de son pays de 2001 à 2015 et qui travaille à présent pour la FAO, décrit son expérience en tant que femme autochtone dans le milieu politique comme un véritable exercice d'équilibre.

« En tant que personne autochtone… Votre travail recoupe tous les secteurs », explique-t-elle. « Une certaine confiance doit s'instaurer avec les personnes dont vous espérez pouvoir changer la vie, et avec ceux faisant partie du gouvernement, qui se retrouveront à approuver les lois, les politiques, les programmes et les budgets. Il est crucial de pouvoir instaurer ce climat de confiance et de réussir à les convaincre qu'une situation est avantageuse pour tout le monde. »

Parcours politique

 « Entrer en politique n'a jamais été pour moi une ambition », indique Janine Lasimbang, originaire de Malaisie et membre du groupe des Kadazan.

Mme Lasimbang, qui a été élue pour la première fois en tant que représentante de l'État, a passé ces 32 ans dernières années à défendre les droits des peuples autochtones, dont 17 ans en tant que formatrice et organisatrice. C'est cette expérience qui lui a permis de comprendre que pour faire changer les choses dans la communauté, les lois devaient changer.

« J'ai réalisé que si nous ne changeons pas les politiques, nous ne pourrons pas changer les lois et nous serons toujours en train de travailler dans l'urgence avec la communauté », indique-t-elle.

 Pour Sara Olsvig, une Inuit du Groenland, sa carrière est passée de la politique, en termes de relations de pouvoir de l'État, aux affaires sociales – de questions relatives aux conditions de vie, aux conditions sociales et d'autres questions, en particulier concernant les enfants autochtones.

Mme Olsvig a été membre du Parlement pour le Danemark (représentant le Groenland) et du Groenland. Dans le cadre de ses fonctions, elle a découvert qu'elle pouvait apporter certains changements en tant que femme politique aux niveaux national et local. En revanche, pour ce qui est des problèmes rencontrés par la communauté autochtone, en particulier les enfants, ce niveau d'implication était bien trop faible. Elle dirige aujourd'hui l'UNICEF Danemark au Groenland.

« Pour moi, il est très important que nous nous souvenions toujours pour qui nous nous battons, pour une future autonomie, pour plus d'autodétermination et d'autonomie gouvernementale. C'est pour les enfants » , affirme Sara Olsvig.

Devenir mère ne l'a pas empêchée de continuer. Le fait d'être enceinte alors qu'elle occupait un poste de ministre n'a fait que renforcer ses qualités de direction. « Être enceinte m'a ouvert l'esprit », ajoute-t-elle.

Parfois, le parcours politique est sans encombre. Anna Otke est membre de la communauté des Tchouktches vivant dans le nord de la Fédération de Russie et siège actuellement au Conseil russe en tant que représentante de sa région. Cette ancienne bénéficiaire du programme de bourses pour les autochtones du HCDH estime que son travail sur les questions autochtones s'est intégré naturellement au domaine de la politique.

« La politique sert à ce que les vraies gens, comme tous les autochtones aiment se faire appeler en Russie... puissent vivre une vie digne de leurs ancêtres, dans un monde en évolution rapide », explique-t-elle.

L'identité renforce la politique

Pour la malienne Zakiyatou Oualett Halatine, son mandat en tant que ministre dans le Gouvernement du Mali a été le dernier échelon qu'elle rêvait d'atteindre. Pour y parvenir, elle a compté sur le soutien des autres et s'est aidée des systèmes existants. Ainsi, cette jeune nomade sans le sou, comme elle aime se décrire, a reçu à 15 ans une bourse prestigieuse, avant de devenir ingénieure, puis politicienne spécialisée dans la défense des droits des peuples autochtones.

Le soutien de sa famille lui a fourni la force nécessaire. De sa mère, elle a appris que lorsque l'on veut faire quelque chose, il faut le faire bien du début à la fin, et de son père, elle a appris à s'élever au-dessus des préjudices.

« Si quelqu'un vous dit que vous n'êtes qu'une pauvre femme, dites oui. J'ai deux mains, deux pieds, et une tête. Et combien en ont les hommes ? »

Joenia Wapichana s'est imposée comme chef de file à plusieurs reprises. Cette membre de la communauté des Wapichana au Brésil a été la première femme autochtone à devenir avocate et la première représentante élue dans le gouvernement brésilien. Lauréate du Prix des Nations Unies pour les droits de l'homme de 2018, Joenia Wapichana a utilisé sa notoriété pour défendre les droits des autochtones et les droits des femmes au Brésil et sur la scène mondiale. Selon elle, sa « dualité » – en tant que femme et qu'autochtone – lui a donné une perspective et une force uniques.

« Je suis ici parce que je sais qui je suis. Je suis ici parce que je connais mon peuple. Je sais où je veux aller et nous faisons tous partie de cette planète. Nous devons protéger les terres des autochtones et leurs droits. »

Chaque année le 9 août, plus de 370 millions d'autochtones vivant dans 90 pays différents sont mis à l'honneur grâce à la Journée internationale des peuples autochtones.

Le 9 août 2019