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Personnes handicapées

Un organe sur les droits des personnes handicapées rend justice à une personne atteinte d’albinisme victime d'une agression

22 septembre 2017

Après un long combat infructueux pour obtenir réparation à travers le système juridique national, une personne atteinte d'albinisme a introduit une plainte individuelle contre la Tanzanie auprès du Comité des droits des personnes handicapées (CRPD), l'organe des Nations Unies chargé de surveiller l'application par les États de la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

En 2010, le plaignant, qui veut rester dans l'anonymat, était parti chercher du bois en brousse dans la zone de Mbeka Kibaoni du district de Mvomero, lorsqu'il fut attaqué par deux hommes. Ses agresseurs le frappèrent avec des bâtons et, lorsqu'il reprit conscience, M. X se rendit compte qu'ils lui avaient coupé la moitié de son bras gauche.

Après avoir reçu des soins à l'hôpital municipal, M. X déclara l'agression à la police. Un homme fut arrêté puis amené devant le tribunal du District de Morogoro. M. X n'ayant pas reconnu l'accusé comme l'un de ses agresseurs, l'affaire fut classée sans suite.

M. X voulut alors engager une action au civil devant une Haute Cour. Toutefois, la Haute Cour la plus proche se trouvait à Dar es Salam, la capitale, à 300 kilomètres de chez lui. N'ayant pas les moyens de se rendre jusque-là, il fut dans l’incapacité de continuer à plaider sa cause.

L'albinisme est une maladie héréditaire rare  qui existe dans le monde entier, indépendamment de l’appartenance ethnique. Il se manifeste généralement par une absence de pigmentation sur les cheveux, la peau et les yeux, entraînant une vulnérabilité à l’exposition au soleil, et pouvant entraîner un cancer de la peau et de graves déficiences visuelles. La condition héréditaire rare dont souffrent les personnes atteintes d'albinisme est mal comprise, tant sur le plan social que médical.

M. X a déposé plainte auprès de la CDPH en juin 2014, affirmant que son agression s’était produite dans un contexte de violence particulière contre les personnes atteintes d'albinisme en Tanzanie. Les personnes atteintes d'albinisme dans ce pays souffrent de différentes formes de persécution et de discrimination fondées sur des mythes et des superstitions. Beaucoup croient que les parties du corps des personnes atteintes d'albinisme ont des pouvoirs magiques, pouvant apporter richesse et prospérité. Ces croyances ont encouragé la création d'un marché noir prospère pour la vente de parties du corps de personnes atteintes d'albinisme.

M. X a soutenu devant le Comité que la Tanzanie avait violé ses droits au titre de la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Il a déclaré que les autorités tanzaniennes n'avaient pas pris les mesures nécessaires pour le protéger contre des abus physiques et mentaux et ne lui avaient pas donné de voie de recours efficace. Il a aussi affirmé qu'une plainte déposée en 2009 par un groupe de personnes atteintes d'albinisme ayant subi des attaques similaires n'avait pas encore été entendue par la Haute Cour.

En examinant le fond de l'affaire, le Comité a souligné que " l'accès à la justice de M. X a été considérablement limité : aucune enquête ne semble avoir été déclenchée par les autorités compétentes après le retrait des premières poursuites, et son cas reste impuni depuis plus de huit ans après l'attaque criminelle dont il a été victime ".

Le Comité a également indiqué que M. X n'avait " reçu aucun soutien des autorités [tanzaniennes] pour lui permettre de vivre de manière autonome après la perte de son bras et que plus globalement, [la Tanzanie] n'avait adopté aucune mesure pour prévenir cette forme de violence contre les personnes atteintes d'albinisme et les en protéger ".

Le Comité a conclu que M. X avait été victime d'une discrimination directe fondée sur son handicap, en violation de l'article 5 de la Convention.

Le Comité a également indiqué que les États ont l'obligation de prévenir et de punir la torture et les traitements inhumains et dégradants commis par des acteurs étatiques et non étatiques et que ces cas doivent être traités rapidement et efficacement.

Il a conclu que le fait que l'État n'a pas enquêté sur l'affaire ni poursuivi les auteurs présumés de l'attaque a entraîné la revictimisation du plaignant, qui a subi des mauvais traitements psychologiques et une violation de son intégrité physique.

Le Comité a demandé à la Tanzanie d'offrir à M. X une voie de recours efficace, incluant une indemnisation et le soutien nécessaire pour lui permettre de vivre de manière indépendante à nouveau. Le Comité a également appelé la Tanzanie à mener une enquête impartiale, rapide et efficace et à poursuivre les auteurs de l’agression.

Le Comité poursuivra son dialogue avec la Tanzanie afin de s'assurer que la réparation demandée soit effectivement accordée à M. X.  
 
Huit organes de traités sur les droits de l’homme (le Comité des droits de l'homme, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, le Comité contre la torture, le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, le Comité des droits des personnes handicapées, le Comité des disparitions forcées, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, et le Comité des droits de l'enfant) peuvent examiner des plaintes ou des communications de particuliers qui affirment être victimes d'une violation de leurs droits par leur État si celui-ci a ratifié le Traité correspondant.

22 septembre 2017