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Kirghizistan

De jeunes défenseurs handicapés mettent en pratique leur formation aux droits de l’homme

10 mai 2024

Des élèves de l’école de formation aux droits de l’homme et à la défense des jeunes handicapés à Bichkek, au Kirghizistan. © Bureau régional du HCDH pour l’Asie centrale

Par un matin d’hiver frileux à Bichkek, au Kirghizistan, alors que la plupart des habitants de la ville dormaient encore, le seul bruit qu’Aitunuk Zhoomart kyzy pouvait entendre était l’écho rythmé des éclaboussures d’eau dans la piscine. Elle venait de commencer son entraînement quotidien de natation, seule et sans se laisser décourager par le temps, ni par sa déficience visuelle.

Sa détermination lui a non seulement permis de devenir championne paralympique de triathlon et de natation, mais elle l’a également aidée à surmonter de nombreux obstacles et à être socialement active.

Pour Aitunuk Zhoomart kyzy, les choses ont changé quand elle a intégré l’école de formation aux droits de l’homme et à la défense des jeunes handicapés, fondée en 2021 à Bichkek par le Bureau régional du HCDH pour l’Asie centrale. La majeure partie du programme de l’école est dispensée par des membres du personnel du HCDH, avec le soutien d’experts externes qui adaptent leurs cours pour permettre aux personnes souffrant de déficiences auditives, visuelles et physiques d’étudier ensemble.

Elle y a découvert les normes internationales des droits de l’homme et les outils de sensibilisation destinés à favoriser l’inclusion et l’accessibilité au Kirghizistan. C’est durant l’un des cours proposés par l’école qu’elle a décidé de se lancer dans la défense des droits des personnes handicapées. Cela s’est produit à la suite d’un simple incident avec sa banque.

« J’ai montré l’application mobile d’une banque kirghize comme exemple d’environnement accessible au cours d’une des sessions de formation à l’école », a-t-elle expliqué. « Mais, pour une raison technique et obscure, c’est à ce moment-là que j’ai appris que la Banque m’avait accordé par erreur un prêt trois mois plus tôt. »

Résolue à remédier à cette erreur, elle a entamé un dialogue avec la banque, prenant peu à peu conscience des difficultés plus générales rencontrées par les personnes handicapées pour accéder aux services bancaires. Un représentant de la banque a reconnu la nécessité d’améliorer ces services et, en collaboration avec Aitunuk Zhoomart kyzy, la banque est devenue la première au Kirghizistan à émettre des contrats en braille pour les clients, à installer des terminaux de paiement avec des pavés tactiles en braille et une assistance vocale, ainsi que des tablettes avec une assistance vocale pour interagir avec les clients.

Au-delà de ces changements concrets, Aitunuk Zhoomart kyzy a également formé les employés de la banque à interagir efficacement avec les personnes souffrant de différents handicaps.

Ses efforts sont allés au-delà des limites de la banque, puisqu’elle a permis de mettre en lumière les enjeux de société plus larges auxquels sont confrontées les personnes handicapées au Kirghizistan. Ces enjeux incluent la nécessité de demander de l’aide pour des activités de base telles que l’accès aux services publics. Le Kirghizistan comptant plus de 217 000 personnes vivant avec un handicap, le travail de sensibilisation d’Aitunuk Zhoomart kyzy a servi de déclencheur à un changement à plus grande échelle. Dans le contexte des efforts que le Bureau régional du HCDH pour l’Asie centrale continue de mener pour garantir l’égalité et renforcer les droits des personnes handicapées, Aitunuk Zhoomart kyzy représente une lueur d’espoir, une source d’inspiration pour les individus et les institutions afin de défendre l’inclusion et l’accessibilité.

Students from the Human Rights and Advocacy School for Young People with Disabilities in Bishkek, Kyrgyzstan. © OHCHR ROCA

Des élèves de l’école de formation aux droits de l’homme et à la défense des jeunes handicapés à Bichkek, au Kirghizistan. © Bureau régional du HCDH pour l’Asie centrale

Des agents du changement

Bayastan Abdykadyrov, ancien élève du programme de formation, a pu se rendre compte par lui-même des difficultés que rencontrent les personnes handicapées dans le pays lorsqu’il a appris qu’il n’y avait pas d’ambulift dans l’aéroport d’Och, la succursale de l’aéroport international de Manas. Ces élévateurs sont utilisés dans les aéroports pour transporter les personnes à mobilité réduite en toute sécurité et dans le respect de leur dignité par les services d’assistance spéciale ou de mobilité. Lors de ses fréquents passages à l’aéroport, il devait se faire porter avec son fauteuil roulant par les employés de l’aéroport pour monter dans l’avion. Il avait le sentiment d’être impuissant et de ne pas être en sécurité.

Il a ensuite décidé de porter plainte au civil pour discrimination et, après de nombreux recours, a obtenu gain de cause et a reçu des dommages et intérêts à la suite d’une décision de la Cour suprême de la République kirghize en septembre 2023. Par la suite, l’aéroport a acheté un ambulift et a rénové ses toilettes pour les adapter aux personnes handicapées.

M. Abdykadyrov a déclaré que la formation qu’il a reçue lui a donné le courage d’attaquer la ville en justice et s’est réjoui de voir que les personnes handicapées auront plus de facilité à voyager par l’aéroport d’Och.

« L’idée de créer une école inclusive est née de la nécessité de renforcer la capacité des jeunes handicapés à reconnaître et à revendiquer leurs droits, et à devenir des participants actifs dans les processus susceptibles d’améliorer la situation des personnes handicapées », a déclaré Matilda Bogner, Représentante régionale du Bureau du HCDH pour l’Asie centrale. « Les résultats de cette école ont dépassé toutes nos attentes, car les diplômés ont cru en eux en tant qu’agents du changement et ont lancé de nombreuses activités différentes dans les domaines de l’accessibilité, de l’accès à l’éducation, de la sensibilisation, de l’accès aux processus de prise de décision et bien d’autres. Nous sommes fiers de nos diplômés ! »