« Les soins et l’assistance que je reçois m’aident à vivre de manière autonome »
04 décembre 2023
Ce à quoi Nicolas Joncour tient le plus dans sa vie, c’est sa liberté. Le fait de faire ce qu’il veut sans dépendre en permanence de sa famille. De pouvoir aller à un concert ou au cinéma. De passer du temps avec des amis. De choisir une filière d’études et de vivre dans une résidence universitaire comme n’importe quel autre étudiant.
« Personne ne devrait être puni à cause de son handicap », déclare Nicolas Joncour, qui milite en faveur des droits des personnes handicapées et de leur droit à vivre de manière indépendante au sein de la communauté. « Pour vivre le plus normalement possible, nous avons besoin d’être considérés comme des personnes à part entière, ayant la volonté de vivre sans contraintes. »
Nicolas, qui a 23 ans, souffre d’un handicap cognitif et communique à l’aide d’un clavier ou d’un iPad. Grâce à un système de soins et d’assistance adéquat, il peut vivre de manière autonome sa vie d’étudiant à Rennes, en France, où il se déplace à pied ou à métro, accompagné d’un assistant personnel. Un assistant l’aide également à cuisiner, à se laver, à préparer ses cours et faire ses recherches, et lui lit des livres à haute voix.
« Ce sentiment de liberté est primordial », indique Nicolas, qui est membre de l’European Network on Independent Living (ENIL), une organisation de personnes handicapées. « J’ai besoin d’une assistance à temps plein et j’ai une aide financière pour cela, ce qui n’est malheureusement pas très fréquent. En l’absence de systèmes d’assistance, les gens ne contrôlent plus leur destin et risquent d’être placés en institution. »
Si les soins et l’accompagnement que Nicolas reçoit lui permettent de vivre de manière autonome et d’avoir d’une vie sociale, ce n’est pas nécessairement le cas de toutes les personnes handicapées.
Des millions de personnes à travers le monde ne bénéficient pas de systèmes de soins et d’assistance adéquats, une réalité qui les prive de leurs droits, mine leur potentiel et affaiblit l’économie. Un nombre disproportionné de personnes handicapées vivent dans des pays en développement, en marge de la société et dans une extrême pauvreté.
Vivre dans la dignité
À l’occasion de la Journée internationale des personnes handicapées, célébrée le 3 décembre, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme Volker Türk a appelé tous les gouvernements à donner la priorité aux systèmes d’aide et de soins adaptés aux personnes handicapées, et à les financer.
« Les personnes handicapées ont le droit de vivre dans la dignité et de manière indépendante comme tout un chacun, selon leurs propres choix et volonté », a déclaré M. Türk. « Il est grand temps d’agir pour les droits des personnes handicapées. »
Les systèmes d’assistance et de soins sont essentiels pour permettre aux personnes handicapées de participer pleinement à la société, d’avoir les mêmes choix que les autres, et de vivre dans la dignité, de manière autonome et indépendante. Sans ces systèmes, les personnes handicapées risquent de tomber dans la pauvreté et l’exclusion, la violence, l’exploitation et les abus, de vivre dans l’isolement ou d’être placées en institution.
La Convention relative aux droits des personnes handicapées stipule que les États ont pour obligation de promouvoir, protéger et assurer la pleine et égale jouissance de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales par les personnes handicapées et de promouvoir le respect de leur dignité intrinsèque.
Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) joue un rôle central dans la promotion des droits des personnes handicapées. Il s’efforce notamment d’aider les États à renforcer leurs capacités nationales par des services de conseil, de recherche et d’analyse, et par des mécanismes d’experts. Le HCDH coopère également avec les gouvernements et la société civile afin de sensibiliser le public au handicap et favoriser la compréhension et la reconnaissance du handicap en tant que question relevant des droits de l’homme.
Pour Martyna Balciunaite-Albaret, de la Section des droits de l’homme et du handicap du HCDH, la promotion de la pleine inclusion et participation des personnes handicapées nécessite une approche systémique, ainsi que des mesures efficaces et appropriées.
« Nous devons placer les droits des personnes handicapées au centre des lois, des politiques et des programmes régissant les systèmes d’aide et d’assistance, y compris le financement dédié à l’inclusion des personnes handicapées », explique-t-elle. « L’économie et les systèmes de soins et d’assistance doivent refléter les droits des personnes handicapées, les protéger contre les effets négatifs des modèles de soins traditionnels, reconnaître leur rôle en tant que prestataires et bénéficiaires de soins et d’assistance et garantir leur autonomie, leur action et leur indépendance. »
De nombreuses personnes handicapées ont besoin de systèmes d’assistance comprenant des services, des produits et des personnes, de manière à pouvoir être autonomes et participer à la vie de la communauté. Selon Martyna Balciunaite-Albaret, pour ne laisser personne de côté, les systèmes de soutien devraient également tenir compte de l’âge et du sexe.
« J’ai le pouvoir de me faire entendre »
En devenant un défenseur des droits des personnes handicapées et de l’autonomie de vie, Nicolas a trouvé sa voie. Il a désormais une chaîne YouTube et a récemment rejoint le conseil d’administration du réseau des jeunes de l’ENIL afin de lutter pour la désinstitutionnalisation.
« En prenant part au mouvement en faveur de l’autonomie de vie, j’ai pu découvrir un côté très positif de l’activisme. J’ai le pouvoir de me faire entendre et je prends mes propres décisions. Je suis très heureux de pouvoir voyager pour défendre nos droits et délivrer un message de liberté à l’ensemble de la communauté des personnes handicapées », affirme-t-il.
Il s’est naturellement orienté vers des études de droit et de sociologie, s’intéressant notamment à l’application de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, en particulier l’article 12 sur la reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité.
« Nous devons abolir la tutelle et la remplacer par une aide à la décision, et avoir accès aux mêmes choses que les personnes non handicapées. Pour qu’il n’y ait plus de barrières. »
Nicolas estime que sa vie ressemble à celle de nombreux étudiants : travail personnel, cours, repas à la cafétéria de l’université avant de retourner à sa résidence pour terminer son travail. Cependant, il se heurte encore à de nombreux obstacles.
« Souvent, on ne me voit pas comme une personne. Les gens s’adressent à mon assistant personnel plutôt qu’à moi, ou ils me parlent comme si j’étais un enfant », déplore-t-il. « Parfois, les gens ne prennent pas le temps d’écouter ce que j’ai à dire. Cela prend du temps de communiquer par clavier et les personnes patientes se font rares. »