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La Déclaration universelle des droits de l’homme et les traités qui en découlent constituent probablement le meilleur outil de prévention à notre disposition. Non seulement les droits qui y sont énoncés cernent bon nombre des causes profondes des conflits, mais ils apportent également des solutions concrètes grâce à des changements réels sur le terrain.

Déclaration d’Antonio Guterres, Secrétaire général des Nations Unies, au Conseil des droits de l’homme le 27 février 2017

Si le principal objectif du système des droits de l’homme des Nations Unies, et notamment du HCDH, est de prévenir les violations des droits de l’homme, les droits de l’homme constituent également un élément clé de l’action des Nations Unies en matière de prévention des conflits et des crises. En effet, le système des droits de l’homme a été créé après la Seconde Guerre mondiale afin d’aider à prévenir l’émergence de nouveaux conflits : selon la Déclaration universelle des droits de l’homme, « il est essentiel que les droits de l’homme soient protégés par un régime de droit pour que l’homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l’oppression ». Un lien de longue date existe entre l’action des Nations Unies en faveur de la paix et de la sécurité et son action en faveur des droits de l’homme.

Des violations des droits de l’homme sont souvent à l’origine des conflits et de l’insécurité qui, à leur tour, entraînent invariablement de nouvelles violations des droits de l’homme. En conséquence, les actions visant à protéger et promouvoir ces droits ont un pouvoir préventif, et les approches fondées sur les droits de l’homme qui sont adoptées en faveur de la paix et de la sécurité transforment ce pouvoir en des efforts pour une paix durable. Il existe des preuves manifestes que les pays où tous les droits de l’homme sont respectés et protégés sont moins enclins aux conflits ou aux crises (Rapport 2011 sur le développement dans le monde, p. 80) et ont une résilience accrue pour faire face aux chocs inattendus, tels que ceux résultant d’une pandémie ou des changements climatiques (Note de synthèse du Secrétaire général, p. 10). 

Le cadre normatif des droits de l’homme constitue une base solide pour aborder, au sein des pays ou entre ces derniers, des questions très préoccupantes qui peuvent conduire à un conflit si elles sont ignorées. Les informations et les analyses relatives aux droits de l’homme permettent de lancer des alertes rapides et de mener des actions rapides et ciblées. Il s’agit d’un outil qui n’a pas encore été utilisé à son plein potentiel. Étant donné l’effet préventif de la protection et de la promotion des droits de l’homme, les efforts visant à faire progresser le développement fondé sur les droits en vue d’atteindre les objectifs de développement durable doivent également être considérés comme faisant partie de l’approche préventive des Nations Unies. Les droits de l’homme sous-tendent à la fois le développement durable et la pérennisation de la paix.

Prévenir les conflits ou les crises à l’aide des droits de l’homme

Une étude historique intitulée Chemins pour la paix, qui a été publiée en 2017 par les Nations Unies et la Banque mondiale, a révélé que les conflits violents étaient souvent causés par des facteurs tels que des doléances, des inégalités et des situations d’exclusion pour lesquelles rien n’était fait, ainsi que par un manque de participation à la prise de décision qui permettrait de répondre à ces doléances et de remédier à ces inégalités. Les droits de l’homme s’attaquent intrinsèquement à ces questions : le programme du HCDH s’articule par exemple autour des piliers que sont le principe de responsabilité (y compris pour les gouvernements), l’égalité, la non-discrimination et la participation. Les droits de l’homme permettent de répondre à bon nombre des griefs qui, s’ils sont ignorés, conduisent à des conflits violents.

Le système des droits de l’homme des Nations Unies – c’est-à-dire les traités, les organes et les mécanismes qui ont été créés au fil des ans pour promouvoir les droits de l’homme – vise en premier lieu à combattre ou à empêcher des violations spécifiques des droits de l’homme. Toutefois, il peut également contribuer à réduire le risque de violence et de conflit en veillant à s’attaquer en amont à leurs facteurs ou leurs éléments déclencheurs. Les droits de l’homme donnent aux personnes (titulaires de droits) le pouvoir de demander réparation pour leurs griefs et obligent ceux ayant le pouvoir de fournir une réparation (porteurs de devoirs) à donner suite à leur demande. La relation mutuelle qui unit le titulaire de droits et le porteur de devoirs crée un chemin vers la paix en encourageant la résolution pacifique des griefs sans avoir recours à la violence.

Vues sous cet angle, les trois composantes interdépendantes du système des droits de l’homme – c’est-à-dire les normes, la surveillance et l’établissement de rapports, et la coopération technique – fournissent un cadre puissant de prévention des conflits et des crises : les risques, mesurés par rapport à des normes universellement acceptées, peuvent être identifiés puis écartés à l’aide d’interventions fondées sur les droits avant qu’ils n’engendrent un conflit ou des violences. Les mécanismes des droits de l’homme, notamment les organes conventionnels et les procédures spéciales, peuvent jouer un rôle important dans l’identification de facteurs de risque structurels et l’établissement de mesures pour y remédier, parallèlement à leur mission principale portant sur des questions spécifiques liées aux droits de l’homme.

Étant donné l’universalité des droits de l’homme, qui s’appliquent à tous dans toutes les situations, dans les contextes de développement comme dans les contextes de paix et de sécurité, et étant donné que tous les pays du monde travaillent déjà à la mise en œuvre des normes relatives aux droits de l’homme, ces derniers ont l’avantage de s’attaquer très tôt à de nombreux facteurs de conflit et de violence, avant qu’une situation de crise imminente ou de violence réelle n’ait mobilisé d’autres mécanismes de prévention. L’aide au développement fondée sur les droits devient elle-même une force de « prévention en amont ».

Les droits de l’homme peuvent prévenir au mieux les conflits lorsqu’ils sont tous protégés, respectés et réalisés. Les droits économiques, sociaux et culturels peuvent être des facteurs et des déclencheurs de crises et de conflits au même titre que les droits civils et politiques. Tout comme la Seconde Guerre mondiale trouve sa source aussi bien dans les difficultés économiques et sociales de la Grande Dépression que dans la répression politique liée au fascisme, les crises et les conflits modernes sont souvent causés par des violations des droits économiques, sociaux et culturels, aggravées par des violations des droits civils et politiques. Lorsque des personnes ne sont pas en mesure d’exercer leurs droits économiques, sociaux et culturels – par exemple, en matière d’accès à l’emploi, à des moyens de subsistance, à l’éducation, à des soins de santé ou à la sécurité sociale – et n’ont aucun moyen de chercher à remédier à ces violations, que ce soit par la participation politique ou le recours à des procédures judiciaires, le risque qu’elles aient recours à la violence augmente.

Les efforts visant à éliminer toutes les formes de discrimination et à réduire les inégalités sont également un facteur important de la prévention des conflits ou des crises. Selon les auteurs de l’étude Chemins pour la paix, « certains des risques de violence actuels les plus importants proviennent de la mobilisation des perceptions d’exclusion et d’injustice, qui sont enracinées dans les inégalités entre les groupes ». Le concept de non-discrimination en matière de droits de l’homme vise à garantir que chacun a accès aux droits de l’homme dans des conditions d’égalité et que les progrès concernant la réalisation de ces droits s’étendent à tous, en particulier aux personnes les plus vulnérables ou marginalisées. Le HCDH s’emploie à lutter contre la discrimination sous toutes ses formes et accorde une attention particulière à des questions telles que l’égalité des genres, la discrimination raciale, les droits des personnes handicapées, des minorités et des peuples autochtones, ce qui contribue à renforcer la cohésion sociale et à réduire l’exclusion et l’injustice, qu’elles soient réelles ou perçues.

Le rôle des droits de l’homme dans le renforcement de la résilience face à des crises inattendues

Toutes les crises ne sont pas provoquées par l’homme et toutes n’impliquent pas des situations de violence et de conflit. La pandémie de COVID-19 nous a montré qu’une crise peut apparaître de manière soudaine et avoir des effets sur les vies, le bien-être et les moyens de subsistance tout aussi dévastateurs que des conflits armés et des actes de violence. La pandémie a eu des conséquences néfastes sur les droits humains de plusieurs millions de personnes dans le monde, dans les pays riches et développés comme dans les pays les plus pauvres et les moins développés. Cependant, elle a également montré que le pouvoir préventif des droits de l’homme peut aider à mieux réagir face à des crises de cette nature, et qu’investir dans les droits de l’homme contribue à renforcer la résilience.

En avril 2020, le Secrétaire général a publié une note de synthèse intitulée COVID-19 et droits humains : Réagissons ensemble !, qui présente les façons dont les droits de l’homme pourraient contribuer à améliorer la riposte à la pandémie, tant en ce qui concerne la situation d’urgence sanitaire publique que ses effets plus larges sur la vie des gens et leurs moyens de subsistance. Elle contient un message fort en faveur de la prévention, qui peut être appliqué à d’autres crises.

Les droits de l’homme placent les personnes au centre des préoccupations. Les interventions qui sont orientées par ces droits et qui les respectent parviennent mieux à vaincre les menaces immédiates, par exemple en garantissant des soins de santé pour tous et en préservant la dignité humaine. Elles concentrent également l’attention sur les personnes les plus touchées, les raisons de leurs souffrances et ce qui peut être fait pour y remédier. 

Les droits de l’homme guident les États dans l’exercice de leur pouvoir afin qu’il soit utilisé pour le bien de leur population et non pour nuire. En cas de pandémie, ils peuvent les aider à revoir leurs mesures d’intervention afin de maximiser leur efficacité en matière de lutte contre la maladie et de minimiser les conséquences néfastes de la pandémie. L’objectif est triple : renforcer l’efficacité de la riposte à la menace mondiale immédiate ; atténuer les effets plus larges de la crise sur la vie des gens ; et éviter de créer de nouveaux problèmes ou d’exacerber les problèmes existants. Ces trois éléments contribuent à ce que les pays soient dans une position favorable pour pouvoir reconstruire en mieux pour tous.

Alors que le monde réfléchit aux leçons à tirer de la crise liée à la COVID-19, les droits de l’homme rappellent à chacun que la construction de systèmes de protection et de résilience pourrait éviter que les difficultés qui ont été exposées ne se reproduisent à l’avenir. La crise a mis en évidence des manquements concernant le respect des droits de l’homme qui ont radicalement affaibli la riposte mondiale et nationale. Notre capacité à tirer les leçons de cette pandémie déterminera non seulement notre capacité à réagir avec succès à de futures pandémies, mais aussi à d’autres défis mondiaux, comme les changements climatiques, qui constituent indéniablement le plus pressant d’entre eux.

La contribution des droits de l’homme au travail de prévention du Conseil de sécurité

Le Conseil de sécurité a reconnu que les atteintes graves aux droits de l’homme ne sont pas seulement une conséquence des conflits, mais « peuvent être un indice annonciateur d’une plongée dans un conflit ou d’une escalade d’un conflit », et que la mise en œuvre au niveau national des obligations en matière de droits de l’homme peut « contribuer [...] à une prévention prompte des conflits » (S/RES/2171(2014). Dans son Appel à l’action en faveur des droits humains, le Secrétaire général a demandé au système des Nations Unies de fournir régulièrement des analyses et des informations relatives aux droits de l’homme au Conseil de sécurité concernant les crises humanitaires et les crises des droits de l’homme actuelles et potentielles.

Sous la direction de la Haute-Commissaire et de la Sous-Secrétaire générale aux droits de l’homme, qui est basée au bureau de New York, le HCDH collabore sur demande avec le Conseil de sécurité afin de fournir à ses membres des informations et des analyses relatives aux droits de l’homme pouvant avoir une incidence pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales. Le HCDH soutient le travail de composantes des droits de l’homme dans le cadre de missions de paix mandatées par le Conseil de sécurité. Lorsque les droits de l’homme sont intégrés au mandat des opérations de paix, il peut contribuer aux efforts de prévention en atténuant les pires effets des conflits en cours sur les populations civiles et en jetant les bases de la reconstruction et de la consolidation de la paix après un conflit.

Rapports

Étude du HCDH sur le rôle de la prévention dans la promotion et la protection des droits de l’hommeCOVID-19 et droits humains : Réagissons ensemble ! Note de synthèse du Secrétaire général