Communiqués de presse Procédures spéciales
Le recours croissant à la torture par Israël contre les Palestiniens en détention est un crime contre l’humanité évitable, selon des experts de l’ONU
05 août 2024
GENÈVE – Les informations faisant état de tortures et de violences sexuelles dans la prison israélienne de Sde Teiman sont tout à fait illégales et révoltantes, mais elles ne représentent que la partie visible de l’iceberg, ont averti aujourd’hui des experts* indépendants des droits humains.
« Les violations généralisées et systématiques d’Israël contre les Palestiniens en détention et les pratiques d’arrestation arbitraire commises depuis des décennies, associées à l’absence de toute restriction de la part de l’État israélien depuis le 7 octobre 2023 brossent un tableau choquant rendu possible par une impunité absolue », ont déclaré les experts.
Environ 9 500 Palestiniens, dont des centaines d’enfants et de femmes, sont actuellement emprisonnés, dont un tiers sans inculpation ni jugement. Un nombre indéterminé d’autres personnes sont détenues arbitrairement dans des centres de détention et des camps spéciaux à la suite d’une vague d’arrestations et de campagnes d’enlèvements sur le territoire palestinien qui ont visé des hommes, des femmes et des enfants, en particulier après le 7 octobre.
Les experts ont reçu des rapports étayés faisant état de violations, d’actes de torture, d’agressions sexuelles et de viols endémiques dans des conditions inhumaines atroces. Au moins 53 Palestiniens seraient décédés des suites de ces agissements en 10 mois.
D’innombrables témoignages d’hommes et de femmes font état de détenus enfermés dans des cages, attachés à des lits, les yeux bandés et portant des couches, nus, privés de soins de santé, de nourriture, d’eau et de sommeil, et victimes de décharges électriques, notamment sur les parties génitales, de chantage et de brûlures de cigarettes. En outre, les victimes ont évoqué de la musique forte jouée jusqu’à ce que leurs oreilles saignent, des attaques de chiens, des noyades simulées, des victimes suspendues au plafond et de graves violences sexuelles et fondées sur le genre.
« Les allégations de viol collectif d’une détenue palestinienne, aujourd’hui soutenues de manière choquante par des voix au sein de la classe politique et de la société israélienne, constituent une preuve irréfutable de la perte de repères moraux », ont déclaré les experts. En février 2024, plusieurs experts ont également exprimé leur vive inquiétude face aux rapports faisant état de violences sexuelles et d’autres formes de violences fondées sur le genre commises contre des femmes et des filles palestiniennes détenues par Israël.
En 2023, la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 a mené une enquête sur les pratiques de détention d’Israël et a demandé aux États Membres des Nations Unies d’intervenir et à la Cour pénale internationale d’enquêter rapidement sur ce qui semblait être un crime contre l’humanité. Les experts regrettent que cet appel n’ait pas été entendu.
« Les actes de torture sont irrémédiablement illégaux et constituent des crimes internationaux, mais ils font partie du fonctionnement du système notoire de détention et de torture d’Israël », ont-ils averti. « Ces pratiques visent à punir les Palestiniens qui résistent à l’occupation et à les détruire individuellement et collectivement. »
« La destruction génocidaire d’Israël à Gaza, qui s’étend à la Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, sert de toile de fond à son programme de détention abusive aujourd’hui », ont indiqué les experts.
« La plupart des détenus palestiniens sont de fait les otages d’une occupation illégale », ont-ils déclaré, faisant référence à l’avis consultatif de juillet 2024 de la Cour internationale de Justice sur les conséquences juridiques de l’occupation du territoire palestinien par Israël. Ils ont demandé que toutes les pratiques et politiques israéliennes dans le territoire soient soumises à un contrôle et au principe de responsabilité.
Dénonçant le silence des États Membres à la suite de l’émergence de témoignages et de rapports sur des allégations de mauvais traitements et de torture, les experts ont appelé à faire pression sur Israël en vue de mettre en place un système pertinent d’accès, de suivi et de protection des détenus palestiniens. Selon eux, le Conseil des droits de l’homme doit notamment exiger d’urgence le déploiement de titulaires de mandat au titre des procédures spéciales et de la Commission d’enquête dans les lieux où se trouvent des Palestiniens.
« Ce qu’il faut maintenant, c’est une présence internationale indépendante d’observateurs des droits humains. Ils doivent devenir les yeux de la communauté internationale à la lumière de l’échec éhonté d’Israël à prévenir et combattre les violations odieuses des droits des prisonniers et des détenus », ont déclaré les experts.
*Les experts : Francesca Albanese, Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 ; Tlaleng Mofokeng, Rapporteur spécial sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible ; Reem Alsalem, Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes et les filles, ses causes et ses conséquences ; George Katrougalos, Expert indépendant sur la promotion d’un ordre international démocratique et équitable ; Laura Nyirinkindi (Présidente), Claudia Flores (Vice-Présidente), Dorothy Estrada Tanck, Ivana Krstić et Haina Lu, Groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles
Les Rapporteurs spéciaux relèvent de ce qu’on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme. Le terme « procédures spéciales », qui désigne le plus grand corps d’experts indépendants au sein du système onusien des droits de l’homme, est généralement attribué aux mécanismes indépendants d’enquête et de supervision mis en place par le Conseil des droits de l’homme afin de traiter de la situation spécifique d’un pays ou de questions thématiques dans toutes les régions du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent bénévolement ; ils n’appartiennent pas au personnel de l’ONU et ne perçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou de toute organisation et exercent leurs fonctions à titre individuel.
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