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La Déclaration universelle : un catalyseur pour l'action en faveur des droits de l'homme en matière d'environnement

Des nuages se forment au-dessus de fissures dans un barrage asséché à Graaff-Reinet, en Afrique du Sud. © REUTERS/Mike Hutchings, le 14 novembre 2019.

« La justice sociale, c’est la justice climatique. Les changements climatiques sont une question de droits de l'homme, car la crise climatique exacerbe les inégalités », a déclaré Sophia Li, défenseuse des droits humains en matière d'environnement, journaliste multimédia et réalisatrice.

Sophia Li est la cofondatrice de All of the Above, la première émission sur le développement durable. Elle est également la présentatrice du podcast Meta Climate Talks, siège au conseil d'administration de l'ONG de défense de l’environnement Slow Factory et fait partie du conseil consultatif de Better Shelter.

Elle fait partie d'une nouvelle génération de défenseuses et défenseurs des droits de humains oeuvrant sur le Web et en première ligne des crises environnementales. Beaucoup défendent la justice climatique au péril de leur vie.

En juillet 2022, l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté une résolution historique reconnaissant le droit à un environnement sain. Cette adoption fait suite à une résolution similaire adoptée par le Conseil des droits de l'homme en octobre 2021. Bien que ces résolutions ne soient pas juridiquement contraignantes, elles peuvent provoquer des changements dans la législation nationale et internationale et représenter un consensus politique aux Nations Unies.

Ces résolutions ont été rendues possibles grâce aux efforts d'un large éventail d'organisations de la société civile, y compris des groupes de jeunes, des institutions nationales des droits de l'homme, des organisations de peuples autochtones, des entreprises et bien d'autres entités qui, dans le monde entier, ont plaidé pour la reconnaissance internationale de ce droit. Cette reconnaissance a été soutenue par plusieurs organismes des Nations Unies travaillant ensemble dans le cadre de l'Appel à l'action en faveur des droits humains du Secrétaire général, dont le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH).

L’établissement des responsabilités pour les dommages causés à l’environnement

Le droit à un environnement propre, sain et durable comprend généralement le droit à un air pur, à un climat sûr et stable, à l'accès à l'eau potable et à un assainissement adéquat, à une alimentation saine et produite de manière viable, à des environnements non toxiques dans lesquels vivre, travailler, étudier et jouer, ainsi qu'à une biodiversité et des écosystèmes sains. Il comprend également l'accès à l'information, le droit de participer à la prise de décision et l'accès à la justice et à des voies de recours effectifs, y compris l'exercice en toute sécurité de ces droits sans représailles ni rétorsion.

La réalisation du droit à un environnement sain passe également par la coopération internationale, la solidarité et l'équité dans l'action environnementale, y compris la mobilisation des ressources. Les États ont également l'obligation légale d'empêcher leurs actions de causer des dommages environnementaux dans le monde entier.

« Les États qui ne protègent pas les personnes placées sous leur juridiction des effets néfastes des changements climatiques peuvent porter atteinte à leurs droits humains en vertu du droit international », a déclaré Hélène Tigroudja, membre du Comité des droits de l'homme, l'organe des Nations Unies chargé de surveiller le respect par les États du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

En septembre 2022, ce Comité a rendu une décision à l’encontre de l’Australie à la suite d'une plainte déposée par huit ressortissants australiens autochtones et six de leurs enfants vivant sur quatre petites îles de faible élévation dans la région du détroit de Torres. Depuis 2000 ans, ces îles abritent des peuples autochtones qui vivent en harmonie avec l'océan.

Les plaignants ont affirmé que leurs droits avaient été violés car l'Australie n’ait pas su s'adapter aux changements climatiques en prenant notamment des mesures pour améliorer les digues sur les îles et réduire les émissions de gaz à effet de serre. Ils ont expliqué que les changements dans les régimes climatiques avaient des conséquences néfastes directes sur leurs moyens de subsistance, leur culture et leur mode de vie traditionnel. Les graves inondations causées par le raz-de-marée de ces dernières années ont détruit des sites funéraires ancestraux, et les fortes pluies et tempêtes ont dégradé la terre et les arbres, réduisant la quantité de nourriture disponible grâce à la pêche et à l'agriculture traditionnelles.

Bien que le cas des îles du détroit de Torres ne soit que la deuxième affaire environnementale présentée dans le cadre de la procédure de plaintes émanant de particuliers du Comité des droits de l'homme, elle fait partie d’un nombre croissant de litiges nationaux et internationaux visant à tenir les gouvernements et les entreprises responsables de leur inaction climatique.

Selon l’organisme Climate Litigation Accelerator de l’Université de New York, quelque 200 affaires sont en cours de jugement dans le monde. L'ensemble des précédents juridiques établis dans ces affaires, y compris en ce qui concerne le droit à un environnement sain, jouera un rôle important dans les efforts futurs pour faire progresser l’établissement des responsabilités face aux dommages environnementaux.

« Le droit à un environnement sain peut être une force unificatrice pour le droit international de l'environnement et le droit international des droits de l'homme », a déclaré Benjamin Schachter, chef de l’équipe du HCDH chargée de la question de l’environnement. « Orienter l'action environnementale autour de la réalisation du droit à un environnement sain peut être transformateur, en particulier pour ceux qui ont le moins contribué à la triple crise planétaire et dont beaucoup luttent déjà pour faire face à ses pires impacts. »

Des droits menacés

Les changements climatiques, l’appauvrissement de la biodiversité et des écosystèmes, ainsi que la pollution affectent les droits humains de l’ensemble de la population mondiale, dont les droits à la vie, à l’alimentation, à l’eau, à un niveau de vie suffisant, à un environnement sain, au développement et à la santé. Ces crises, associées à un développement non durable, représentent de graves menaces pour la capacité des générations actuelles et futures à exercer ces droits inscrits pour la première fois dans la Déclaration universelle des droits de l'homme il y a près de 75 ans.

Le déplacement est l'une des questions centrales de notre époque. Aux dizaines de millions de personnes principalement déplacées par les guerres, les conflits et les persécutions, on peut désormais ajouter une nouvelle catégorie de personnes déplacées, qui ne cesse de croître : celles qui fuient les catastrophes climatiques. Le rapport mondial sur le déplacement interne de l’Observatoire des situations de déplacement interne indique que les catastrophes liées au climat ont entraîné le déplacement de 30 millions de personnes en 2020.

A woman of Asian descent, wearing a black t-shirt, holding a placard that says ‘There is no planet B’

Sophia Li, défenseuse des droits humains en matière d'environnement, lors d'une manifestation tenant une pancarte sur laquelle on peut lire « There is not planet B » (il n'y a pas de planète B). © Sophia Li

Pour la militante du climat Sophia Li, la liberté de mouvement inscrite à l'article 13 de la Déclaration universelle des droits de l’homme a une signification particulière. Elle est la fille d'immigrants chinois et une Américaine de première génération.

« Alors que les frontières du monde entier deviennent plus strictes et que de plus en plus de personnes, qu'il s'agisse de réfugiés ou d'immigrants, tentent de trouver une vie meilleure, ce sont toujours les communautés les plus marginalisées, les femmes et les jeunes qui en subissent le plus les conséquences. Lorsque cela se produit, elles sont également privés de justice sociale, de la volonté de mener une vie meilleure grâce à l'éducation, aux soins de santé et aux possibilités d'emploi... », a-t-elle déclaré. « Quand les pays ne pensent qu'à eux-mêmes, il est plus difficile d’encourager la solidarité et un accord sur des pactes mondiaux tels que l’Accord de Paris sur le climat. »

Les droits de l’homme et l’action en faveur de l’environnement

Le HCDH et le PNUE soutiennent le travail de nombreux défenseurs et défenseuses des droits humains. En 2019, les deux organismes de l’ONU ont signé un mémorandum d’accord, qui a officialisé une longue histoire de collaboration entre leurs deux mandats complémentaires.

Par ce mémorandum d’accord, les deux entités ont convenu de poursuivre leurs efforts en vue de la réalisation du droit de l'homme à un environnement sain. Ils ont également uni leurs efforts pour soutenir une meilleure protection des défenseurs et défenseuses des droits humains en matière d'environnement et de leurs familles, et pour promouvoir une participation active et éclairée de la société civile au processus décisionnel en matière d'environnement.

Aujourd'hui, plus de 30 présences des Nations Unies sur le terrain travaillent sur des questions liées au droit à un environnement sain.

Par exemple, au Kenya, le HCDH a soutenu les défenseurs et défenseuses des droits humains en matière d'environnement dans leur lutte pour la justice et la réparation face aux effets néfastes d'une fonderie de plomb et d'une usine de recyclage de batteries sur la communauté Owino Uhuru à Mombasa. Le HCDH a soutenu les actions en justice stratégiques de la communauté et aidé à renforcer les capacités de cette dernière et du CJGEA (centre pour la justice, la gouvernance et l'action environnementale) à collaborer avec le système onusien et à mener ses activités de sensibilisation.

S’en est suivi une décision historique par le tribunal chargé de l’environnement et du territoire en juillet 2020, qui a condamné le Gouvernement et deux entreprises à verser l'équivalent de 13 millions de dollars d’indemnisation à la communauté pour les décès et les effets sur la santé, ainsi que les dommages pour nettoyer les sols, l'eau et les déchets.

Owino Uhuru settlement residents standing on the steps of the courthouse in Mombasa.

Les défenseurs et défenseuses de l'environnement, réunis par Phyllis Omido, fondatrice du CJGEA (au centre, portant une tenue aux couleurs du drapeau kenyan), ont mobilisé leurs efforts pour fermer une fonderie de plomb et engager une procédure judiciaire historique contre le Gouvernement kenyan et deux entreprises. © CJGEA

Dans une lettre ouverte en préparation de la Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques en Égypte (COP 27), le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme Volker Türk a alerté les dirigeants mondiaux que notre droit à la vie était menacé par l’insuffisance des mesures prises face à l’urgence climatique. Il a demandé à ce que les droits de l’homme soient au cœur des efforts menés pour lutter contre les changements climatiques.

« Avant tout, les États, mais aussi la société civile, les communautés, les organismes des Nations Unies, nous tous avons collectivement un rôle à jouer. Nous n'avons qu’une seule possibilité et un seul impératif : agir de toute urgence, en faisant des droits de l'homme notre boussole », a déclaré M. Türk. « Ce ne sera pas facile – il n'est jamais facile d'apporter des changements réels et constructifs dans la vie des gens. Mais nous disposons des outils nécessaires. Les droits de l'homme peuvent tracer notre chemin et éclairer les décisions que nous devons prendre. »