Un expert de l’ONU appelle à une réforme pour mettre fin à l’exploitation par le travail dans les prisons
02 octobre 2024
« Le droit international des droits de l’homme reconnaît le droit des personnes incarcérées d’avoir accès à un travail décent », a déclaré le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les formes contemporaines d’esclavage, Tomoya Obokata, lors de la présentation de son dernier rapport au Conseil des droits de l’homme à Genève.
Ce rapport met en lumière l’exploitation souvent négligée et répandue des personnes incarcérées dans le monde, nombre d’entre elles étant soumises à des conditions de travail inférieures aux normes et au travail forcé.
Tomoya Obokata a expliqué que si le travail pendant l’incarcération peut être autorisé par le droit international, il doit répondre à des conditions strictes, notamment une condamnation par un tribunal conforme aux normes internationales relatives au travail et aux droits humains, une supervision du travail assurée par les autorités publiques et des garanties pour les personnes travaillant pour des entités privées et commerciales.
M. Obokata a également souligné que les personnes incarcérées doivent souvent effectuer de longues heures de travail sans pauses ni jours de repos, et faire face à un accès limité aux soins de santé, aux services de protection de la sécurité et aux prestations de sécurité sociale.
« Il existe en général très peu de possibilités de travail utile et, les salaires étant largement insuffisants, les détenus ne sont pas en mesure de se procurer des produits de première nécessité, ni de subvenir aux besoins de leurs proches à l’extérieur et d’épargner pour leur avenir, dans la plupart des cas », a-t-il expliqué.
L’expert a également mis l’accent sur le travail utilisé comme moyen de coercition politique ou comme punition pour avoir exprimé des opinions dissidentes, soulignant qu’il s’agit dans les deux cas de violations manifestes des normes internationales relatives aux droits humains. L’exploitation sexuelle, le harcèlement et la violence sont d’autres préoccupations majeures pour les personnes incarcérées dans diverses parties du monde.
Pour relever ces défis, M. Obokata a demandé des réformes urgentes, notamment la mise en place de programmes utiles d’éducation et de formation professionnelle au sein des établissements pénitentiaires afin de favoriser la réinsertion.
Il a également souligné l’importance de lutter contre la discrimination et la stigmatisation des anciens détenus, qui limitent leur accès à l’éducation, à un travail décent, à un logement abordable et à d’autres services publics, ce qui accroît leur risque de récidive ou d’exploitation ultérieure.
« Les formes croisées de discrimination doivent également être clairement reconnues et traitées efficacement, car certains groupes, tels que les peuples autochtones, les personnes appartenant à des groupes minoritaires, les personnes ayant des orientations sexuelles et/ou des identités de genre différentes, les jeunes, les personnes âgées et les personnes handicapées continuent de subir des discriminations en matière de réadaptation et de réintégration », a-t-il déclaré.
Le Rapporteur spécial a exhorté les États à renforcer la surveillance, la responsabilité et l’accès à la justice pour les personnes incarcérées, en veillant à ce qu’elles soient protégées contre toutes les formes d’exploitation.
« J’ai été encouragée par les exemples positifs mis en œuvre par différents États, notamment l’exigence d’un consentement éclairé, le droit à la sécurité sociale et à d’autres avantages, l’existence de contrats écrits fixant des conditions de travail équitables et le soutien financier aux familles des personnes incarcérées », a déclaré M. Obokata.
Il a également appelé à une plus grande collaboration entre les gouvernements et les autres parties prenantes afin d’améliorer la réadaptation et la réinsertion des prisonniers, réduisant ainsi leur vulnérabilité à la récidive et aux formes modernes d’esclavage après leur libération.