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Droits économiques, sociaux et culturels

Le soutien d’une économie centrée sur les droits humains au Kenya

26 Avril 2023

Un jeune de la communauté rendille traverse un troupeau de chèvres et de moutons à côté d’un point d’eau, près de la ville de Kargi, dans le comté de Marsabit, au Kenya. © REUTERS/Baz Ratner

Dans le cadre des efforts menés pour améliorer la vie des citoyens, l’allocation des budgets à des programmes qui répondent aux besoins de la population et la contribution de cette dernière aux décisions prises quant à la manière dont les autorités locales dépensent les fonds publics sont à la base de la réalisation des objectifs de développement durable (ODD).

« Si les communautés savent comment le budget est utilisé, elles peuvent demander des comptes à leur gouvernement », affirme Vincent Omunyin, qui travaille au bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) au Kenya.

C’est précisément ce que fait une nouvelle initiative mise à l’essai par le HCDH au Kenya, en formant les communautés à la budgétisation fondée sur les droits de l’homme et en leur fournissant des outils leur permettant de participer aux processus budgétaires qui déterminent les fonds attribués aux services sociaux de base au niveau du comté.

« Les citoyens, en particulier les plus vulnérables et les plus marginalisés, doivent connaître le processus budgétaire pour pouvoir tenir le gouvernement responsable de la réalisation de leurs droits à travers l’allocation de ressources », indique Li Fung, conseillère principale pour les droits de l’homme auprès du Coordinateur résident des Nations Unies au Kenya. « Il s’agit également de renforcer la mobilisation des citoyens pour qu’ils revendiquent leurs droits et de soutenir les gouvernements pour qu’ils soient en mesure de les respecter. »

La participation du public fait partie des valeurs nationales et des principes de gouvernance défendus par la Constitution du Kenya. Li Fung et son équipe, en collaboration avec le bureau du Coordinateur résident des Nations Unies et avec le soutien du macroéconomiste de l’initiative Surge du HCDH, cherchent des moyens de renforcer la participation du public aux processus de gouvernance, y compris le cycle budgétaire, pour veiller à ce que les groupes marginalisés soient vus et entendus dans le processus budgétaire au niveau du comté.

« Le fait de donner aux gens les moyens de connaître leurs droits économiques, sociaux et culturels et d’encourager leur participation au processus budgétaire permet de changer les services gouvernementaux et, par conséquent, leur vie », affirme Todd Howland, chef du service chargé du développement et des droits économiques et sociaux du HCDH. « Cela démontre à quel point l’exercice et la réalisation des droits sont interdépendants. »

Les comtés de Marsabit et de Makueni ont été sélectionnés comme zones pilotes diversifiées, le comté de Marsabit, touché par la sécheresse, représentant des niveaux élevés de marginalisation, et le comté de Makueni témoignant d’un cadre de participation publique bien établi. Selon Mme Fung, la participation inclusive dans les processus de gouvernance favorisera la justice sociale, l’égalité et la dignité humaine pour tous les citoyens, ce qui est essentiel pour la réalisation des ODD.

Ces principes généraux des droits de l’homme sont garantis par la Constitution kenyane de 2010, qui s’impose comme un contrat social historique établissant un plan d’action en faveur d’une gouvernance participative, d’un développement inclusif et d’une société fondée sur les droits de l’homme et la primauté du droit. La Constitution a également créé un système de gouvernement décentralisé comprenant 47 gouvernements de comté chargés de fournir des services publics clés, notamment le financement des soins de santé, de l’enseignement préscolaire et de l’entretien des routes locales. Selon la conseillère, pour que l’allocation de ces ressources réponde efficacement aux priorités locales, les responsables gouvernementaux doivent consulter les citoyens.

Si les gouvernements des comtés veulent utiliser leurs budgets pour faire respecter les droits humains de manière efficace, ils doivent comprendre la relation entre les budgets et les garanties des droits de l’homme dans la Constitution du Kenya.

Li Fung, conseillère principale pour les droits de l’homme auprès du Coordonnateur résident des Nations Unies au Kenya

Eunice Lepariyo, bénéficiaire du Programme de bourses de niveau supérieur destinées aux autochtones du HCDH au Kenya, s’est rendue dans les comtés de Baringo et de Nakuru pour discuter avec les organisations et les représentants autochtones des priorités à prendre en compte dans les processus de planification du développement et de budgétisation des comtés, et pour faciliter le dialogue avec les parlementaires des comtés.

Cette initiative a constitué une occasion importante pour les représentants autochtones d’analyser conjointement les processus de gouvernance et d’y participer, ainsi que d’interagir avec les parlementaires et les fonctionnaires du comté au sujet du plan de développement intégré et de la stratégie budgétaire de leur comté.

« Ce fut utile de mettre en contact les parlementaires des comtés avec les représentants autochtones, car ils connaissent personnellement les problèmes qui existent et ces priorités doivent être abordées au niveau des comtés », fait-elle remarquer.

Une participation renforcée

Dans le but de placer les droits humains au cœur du développement durable, le HCDH a mis au point en 2019 l’initiative Surge, en réponse à la montée des inégalités, à la lenteur de la mise en œuvre des objectifs de développement durable et à l’augmentation des troubles sociaux. Cette initiative vise à intensifier la coopération à l’échelle nationale et régionale concernant les droits économiques, sociaux et culturels, et à renforcer le lien entre les droits de l’homme et l’économie.

L’initiative Surge est menée en collaboration avec les 90 présences du HCDH sur le terrain, les équipes de pays des Nations Unies, les États, la société civile, les institutions financières internationales et d’autres acteurs clés. Grâce à son équipe pluridisciplinaire, l’initiative Surge travaille à différents niveaux et de différentes manières. L’un des principaux domaines d’action de l’initiative au niveau national consiste à mettre en place des projets nationaux visant à amorcer le changement. Ces projets sont organisés par les présences nationales et régionales du HCDH, avec le soutien technique et financier de l’initiative Surge.

« Pendant trop longtemps, les militants pour les droits humains n’ont pas réalisé l’importance des budgets pour la réalisation des droits de l’homme », a déclaré M. Howland. « Avec le soutien de l’initiative Surge, cette situation est en train de changer au sein du HCDH et le travail effectué au Kenya en est un bon exemple. »

UN Human Rights held a forum with officers from the county government of Makueni who are responsible for organizing public participation at the community level. © OHCHR

Le HCDH a tenu un forum avec des fonctionnaires du comté de Makueni chargés d’organiser la participation du public à l’échelle de la communauté. © HCDH

L’équipe du HCDH au Kenya a bénéficié du soutien technique du macroéconomiste régional de l’initiative Surge, Martin Mulwa, pour cette initiative pilote à Marsabit et Makueni visant à renforcer la participation du public aux processus d’élaboration du budget au niveau du comté.

L’équipe s’est entretenue avec les responsables de l’administration et les parlementaires des comtés, les communautés, ainsi qu’avec les organisations de la société civile travaillant déjà dans les domaines des droits de l’homme et de la gouvernance dans ces comtés. Les participants ont reçu une vue d’ensemble des liens entre les droits de l’homme et les processus budgétaires, ainsi que des étapes spécifiques du processus d’élaboration du budget, de manière à comprendre leur rôle et les différents points d’entrée.

Les visites et les interactions dans ces comtés ont également permis au HCDH de mieux comprendre l’intérêt et les possibilités de renforcer les capacités des fonctionnaires des gouvernements des comtés dans le domaine de la budgétisation fondée sur les droits de l’homme.

L’équipe travaille également à l’identification de partisans de la budgétisation axée sur les droits humains au niveau local qui peuvent être formés et équipés pour diriger des activités de budgétisation et de suivi des dépenses basées sur les droits de l’homme au niveau de la communauté. Selon Li Fung, il s’agit là d’un outil permettant d’établir les responsabilités et servant à soutenir la participation du public et la gouvernance inclusive.

« Je pense qu’il sera bon de voir des budgets provenant de ces comtés dont les allocations reflèteront davantage les priorités de la société civile et des communautés », déclare-t-elle. « Mais pour moi, cela fait partie d’un engagement à plus long terme visant à soutenir l’engagement civique et la participation du public aux processus de gouvernance, de manière à renforcer réellement les capacités des communautés à s’engager auprès du gouvernement et à lui demander des comptes. »

Elle espère que le renforcement des capacités d’engagement civique encouragera les gouvernements à examiner comment les communautés peuvent être impliquées dans la définition de leur propre développement, à être beaucoup plus conscients de leurs besoins, et à orienter la façon dont ils répondent aux priorités des groupes marginalisés, des femmes et des jeunes dont la voix n’est pas toujours entendue.

« Faire entendre les voix de la société civile et des communautés qui sont souvent laissées de côté est un puissant vecteur de changement, de gouvernance inclusive et de développement durable », énonce-t-elle.

« Cette économie des droits de l’homme renforcera l’harmonie sociale », a déclaré Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, à propos de l’importance de construire des systèmes économiques fondés sur les droits de l’homme. « Par exemple, lorsque les citoyens sont en mesure de retracer les flux financiers dans le cadre de décisions budgétaires transparentes et responsables, leur examen minutieux et le dialogue qui en résulte génèrent des politiques plus efficaces et une plus grande confiance dans le gouvernement. »