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Disparitions forcées ou involontaires

Le combat d’une femme pour retrouver son frère, tandis que le Mexique passe la barre des 100 000 personnes disparues

17 Mai 2022

Une membre de la famille de Dan Jeremeel durant une manifestation pour les personnes disparues à Mexico, au Mexique. © EPA-EFE/Carlos Ramírez

Au Mexique, c’était un jour comme les autres pour Dan Jeremeel. Employé d’une compagnie d’assurance, il est parti travailler et avait prévu de passer chercher sa fille chez l’une de ses amies après le travail. Plus tard dans la soirée, il devait aller chercher sa mère à l’aéroport. 

Il ne s’est présenté à aucun de ces rendez-vous, ce qui ne lui ressemblait pas, explique Grace Fernández, sa sœur. À mesure que la soirée avançait, elle a pris conscience de la sombre réalité : son frère avait disparu.

« Plusieurs jours plus tard, un groupe de criminels a été aperçu avec la voiture de mon frère », raconte-t-elle. « C’était un groupe de six personnes, dont quatre étaient des soldats mexicains qui travaillaient auparavant avec les Zetas, des trafiquants de drogue. »

Dan Jeremeel a disparu sans laisser de trace le 19 décembre 2008.

Il fait partie des 100 000 personnes disparues au Mexique, selon le registre mexicain servant à recenser les personnes disparues. Le véritable nombre de disparus est probablement plus élevé, de nombreuses disparitions n’étant pas signalées.

A family member of Dan Jeremeel at a protest for the disappeared in Mexico City, Mexico. Credit: © EPA-EFE/Carlos Ramírez

Une membre de la famille de Dan Jeremeel durant une manifestation pour les personnes disparues à Mexico, au Mexique. © EPA-EFE/Carlos Ramírez

Le Comité des disparitions forcées et le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires se sont tous deux rendus au Mexique en vue d’évaluer la situation et de fournir des recommandations à l’État partie dans le but de prévenir et d’éradiquer ce terrible fléau.

À la suite de sa visite au Mexique en 2021, le Comité des disparitions forcées a publié un rapport qui révèle toute l’ampleur du problème des disparitions dans le pays. Selon le rapport, l’impunité est une tendance récurrente au Mexique et le manque de confiance des victimes dans les institutions entraîne un nombre élevé de cas non signalés.

Dans une déclaration conjointe, les membres du Comité et du Groupe de travail ont exprimé leur vive inquiétude face au nombre de personnes disparues qui continue d’augmenter « malgré tous les efforts menés par leurs proches, les organisations qui leur viennent en aide, ainsi que certaines autorités de l’État ».

Le Gouvernement mexicain a réalisé certains progrès dans la lutte contre les disparitions forcées, notamment l’adoption de la loi générale sur les disparitions et le lancement de comités de recherche dans tous les États mexicains.

Les familles se battent pour établir les responsabilités et pour obtenir justice

Grace Fernández n’est qu’un exemple parmi des milliers de familles qui se sont mobilisées pour faire pression sur les autorités de l’État afin qu’elles adoptent des mesures dans ce domaine. En 2019, la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme Michelle Bachelet s’est rendue au Mexique pour rencontrer des familles de personnes disparues.

« J’ai pu voir de mes propres yeux le courage des familles des victimes, qui ont joué un rôle déterminant dans l’organisation et la proposition de solutions, et dans la réalisation de progrès juridiques et institutionnels afin de reconnaître l’ampleur de ce problème au Mexique », a déclaré Mme Bachelet.

Depuis la disparition de son frère, Mme Fernández et sa famille, dont sa mère, son plus jeune frère et la fille aînée de Dan, se battent et cherchent à obtenir justice. Ils travaillent avec d’autres familles de disparus et les autorités pour élaborer, mettre en œuvre et améliorer les lois et les protocoles en matière de recherche des personnes disparues, et pour soutenir les victimes et leurs familles.

C’est nous, dès le premier jour, qui avons recherché Dan.

Grace Fernández, sœur de Dan Jeremeel, disparu

Ce qui la pousse à continuer, c’est l’amour pour son frère et sa volonté de soutenir d’autres victimes en leur donnant une voix et une chance de retrouver leur famille, du moins pour certaines d’entre elles.

« Tant que le Mexique continue de conserver l’impunité comme principale politique publique, il est presque impossible de changer la dynamique », prévient-elle. « Cela nécessite une volonté politique de la part de chaque acteur, de toutes les autorités. »

Même si elle doit en payer le lourd tribut, Mme Fernández s’est engagée à passer sa vie à lutter pour son frère, et à présent pour d’autres victimes de disparitions forcées. Son combat est quotidien.

« Il est si gentil, c’est un père attentionné, un bon fils et un super frère », dit-elle.