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Discours de haine

Entretien avec le Conseiller spécial pour la prévention du génocide Adama Dieng au sujet des discours haineux

27 Septembre 2019

En juin 2019, le Secrétaire général des Nations Unies António Guterres a lancé une stratégie et un plan d'action pour lutter contre les discours de haine*. L'un des principaux fondements de cette stratégie est le respect des droits de l'homme sans aucune forme de discrimination. Dans un récent entretien avec le HCDH, Adama Dieng, Conseiller spécial des Nations Unies pour la prévention du génocide*, a expliqué comment lutter contre l'augmentation des discours de haine.

Vous menez actuellement la nouvelle stratégie des Nations Unies de lutte contre les discours de haine. Quelles mesures concrètes seront adoptées pour s'attaquer à « l'ensemble du cycle de vie du discours de haine, depuis ses causes profondes jusqu'à son impact sur les sociétés » ?

La stratégie et le plan d'action de lutte contre les discours de haine comprennent 13 engagements. Ces engagements devront être pris à l'échelle mondiale, ainsi qu'au niveau national. Ils contiennent un large éventail de mesures, notamment :

  • Mieux comprendre et contrôler les discours haineux et leur impact sur les sociétés ;
  • Identifier et mettre au point des programmes pour traiter les facteurs et les causes profondes des discours de haine ;
  • Soutenir d'autres récits positifs pour combattre ces discours.

Il s'agit d'un programme de grande envergure, qui exigera la participation des États Membres, de la société civile, des médias, des entreprises technologiques et d'autres parties prenantes pertinentes. Cette responsabilité incombe aussi à chaque individu.

La définition du discours haineux fait actuellement face à de vives critiques.  Le discours haineux est-il vraiment trop subjectif pour être défini ? Pouvez-vous proposer une définition du discours de haine ? Ou cela n'est-il possible qu'en mettant en danger la liberté d'expression, qui est menacée à l'échelle mondiale ?

Toute d'abord, il n'existe aucune définition juridique internationale du discours de haine. Ce que l'on considère comme « haineux » peut être controversé et contesté. Les Nations Unies ont toutefois élaboré une définition de travail, à défaut d'une définition juridique internationale. À l'ONU, nous comprenons le terme « discours de haine » ou « discours haineux » comme tout type de communication orale ou écrite ou tout type de comportement visant à attaquer ou utilisant un langage péjoratif ou discriminatoire à l'encontre d'une personne ou d'un groupe sur la base de son identité, en d'autres termes, sur la base de sa religion, son origine ethnique, sa nationalité, sa race, sa couleur, son ascendance, son sexe ou tout autre facteur d'identité. Ce type de discours est souvent fondé sur l'intolérance et la haine, et les encourage. Dans certains contextes, ces discours peuvent également être dégradants et conflictuels.

À l'ONU, nous estimons également que la liberté d'opinion et d'expression est sacrée et qu'il ne faut jamais confondre la lutte contre les discours de haine avec la répression de cette liberté. Lutter contre les discours haineux ne signifie pas limiter ou interdire la liberté d'opinion et d'expression. Il s'agit d'empêcher que les discours de haine ne se transforment en quelque chose de beaucoup plus dangereux – en particulier l'incitation à la discrimination, l'hostilité et la violence, qui est interdite par le droit international – grâce aux engagements énoncés dans la stratégie et le plan d'action.

Selon vous, quelles sont les formes de mobilisation sociale les plus efficaces et puissantes contre les discours de haine ? Que peut-on en tirer ?

Les sociétés peuvent lutter contre les discours de haine et leur impact de plusieurs manières. Il faut en priorité s'assurer que les populations sont résilientes face aux discours haineux et aux divisions qu'ils souhaitent créer. Les États doivent également s'assurer que les politiques et les programmes de non-discrimination, d'inclusion et de protection des droits de l'homme sont mis en œuvre de manière adéquate. D'autres acteurs tels que les médias, les acteurs religieux et chaque individu ont un rôle à jouer et la responsabilité de contribuer à des sociétés pacifiques et inclusives. Nous devons mobiliser la jeunesse et investir dans l'éducation. Nous devons affirmer que la diversité est une richesse et non une menace. Dans les années 1930, alors que les discours haineux étaient en hausse en Europe, aucune action n'a été prise pour y mettre un terme. Cette situation a abouti à l'Holocauste, qui a causé la mort de 6 millions de Juifs. J'ai également pu constater ce phénomène au Rwanda où, en l'espace de 100 jours, près d'un million de personnes ont été tuées en raison de leur appartenance ethnique, parce qu'ils étaient des Tutsis. Nous l'avons vu encore au Myanmar, où plus de 700 000 Rohingya ont dû fuir leur pays et trouver refuge au Bangladesh à cause des violences auxquelles ils étaient confrontés. Ces situations d'extrême violence ont également été précédées par des discours de haine. 

Que peut faire chaque personne pour combattre les discours de haine ? Comment pouvons-nous mieux soutenir tous ceux qui les combattent ?

Nous avons tous un rôle à jouer dans la lutte contre les discours de haine. À l'heure actuelle, beaucoup d'entre nous sont connectés grâce à Internet. Même si nous ne sommes pas les cibles de ces discours, nous devons nous impliquer pour les combattre, tout simplement car nous devons rester solidaires avec ceux qui sont visés. Nous devons veiller à ce que quiconque étant soumis aux discours haineux se sente soutenu. Nous devons nous unir pour faire entendre la voix de ces victimes.

Nous devons aussi mettre l'accent sur les droits de l'homme et la prévention dans les programmes scolaires des écoles du monde entier. Dans le cadre des engagements de la stratégie et du plan d'action sur les discours de haine, les Nations Unies organiseront une conférence internationale sur l'éducation pour la prévention axée sur la lutte contre les discours de haine, à laquelle plusieurs ministres de l'éducation participeront.

Regardez la vidéo suivante, dans laquelle Adama Dieng nous explique pourquoi les discours de haine n'ont pas leur place dans notre société.

27 septembre 2019