Communiqués de presse Haut-Commissariat aux droits de l’homme
Rapport de l’ONU sur la Corée du Nord : la vérité, la justice et des réparations sont nécessaires pour les victimes de disparition forcée et d’enlèvement
28 mars 2023
GENÈVE/SÉOUL (le 28 mars 2023) – Un rapport publié aujourd’hui par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme décrit avec force la souffrance des victimes de disparition forcée et d’enlèvement par la République populaire démocratique de Corée. Ce rapport appelle à redoubler d’efforts en faveur de la vérité, de la justice, de réparations et de garanties de non-répétition.
« La détresse, le chagrin et les représailles que les familles ont dû endurer sur plusieurs générations sont déchirants », a déclaré Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme. « Les témoignages recueillis dans ce rapport montrent que des générations entières de familles ont vécu dans la douleur de ne pas connaître le sort de leurs conjoints, parents, enfants, frères et sœurs. »
Le rapport s’appuie sur des entretiens menés avec 38 hommes et 42 femmes victimes d’enlèvement et de disparition forcée, y compris des membres de la famille de ces victimes. Ces témoignages mettent en évidence les dommages psychologiques et les souffrances émotionnelles graves et durables causés à ces personnes, ainsi que les répercussions économiques que ces violations ont eues sur leur vie. Cette situation était particulièrement difficile lorsque la principale source de revenus d’une famille était visée, ce qui exposait les autres membres de la famille à un risque élevé de pauvreté et de discrimination.
Une femme dont le mari a été enlevé en juin 1972 alors qu’il était en train de pêcher a déclaré :« Après l’enlèvement de mon mari, nous n’avions pas assez d’argent pour nous nourrir. »
Le rapport, intitulé These wounds do not heal (ces blessures ne guérissent pas), décrit des disparitions forcées et des enlèvements remontant à 1950, notamment des détentions arbitraires en République populaire démocratique de Corée, dans certains cas à la suite de rapatriements forcés depuis les pays voisins, l’enlèvement de ressortissants de la République de Corée pendant et après la guerre de Corée, le non-rapatriement de prisonniers de guerre et l’enlèvement de ressortissants étrangers en provenance du Japon et d’autres pays.
Le frère d’une femme enlevée au Japon en 1978 a déclaré : « Je veux vraiment savoir où elle se trouve et si elle est en bonne santé ou non. Je veux vraiment la voir en photo. J’aimerais tellement avoir une photo d’elle. »
De nombreuses victimes de disparitions forcées en République populaire démocratique de Corée ont été envoyées, souvent à vie, dans des camps de prisonniers politiques connus sous le nom de kwanliso ou dans d’autres lieux de détention, où elles ont été soumises à la détention au secret et à la torture. Selon le rapport, certaines personnes auraient été exécutées sommairement sans qu’aucune information ne soit communiquée à leurs proches.
« J’ai appris que [ma femme et mon fils] avaient été envoyés séparément dans différents camps de prisonniers politiques. Mon fils, qui était mineur, aurait dû terminer sa peine de prison de quatre ans, mais je n’ai toujours aucune idée de l’endroit où il se trouve. J’imagine donc [qu’il] est toujours dans un camp de prisonniers politiques ou qu’il est mort en détention », a déclaré une victime interrogée dans le cadre du rapport.
« Ces histoires profondément tragiques de vies brisées par des enlèvements et des disparitions forcées commandités par l’État exigent une action », a déclaré Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme.
« La disparition forcée est une violation profonde de plusieurs droits, et la responsabilité en incombe à l’État. J’appelle la République populaire démocratique de Corée à reconnaître ces violations et à prendre des mesures pour résoudre ces affaires, et j’appelle tous les États à soutenir les victimes de disparitions forcées dans leur quête de justice. »
Le Haut-Commissaire a exprimé sa détermination à dialoguer avec le Gouvernement de la République populaire démocratique de Corée pour résoudre ces problèmes avérés en matière de droits de l’homme.
« Le moment est venu pour la République populaire démocratique de Corée de sortir de son isolement et de collaborer avec les Nations Unies pour trouver des solutions aux problèmes liés aux droits de l’homme, notamment la question persistante des disparitions forcées et des enlèvements, et de remplir ses obligations en vertu du droit international des droits de l’homme », a-t-il déclaré.
Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a demandé aux victimes de disparition forcée ce que signifieraient pour elles la justice et la reddition de comptes face à ces crimes. Elles ont répondu qu’elles souhaitaient principalement connaître toute la vérité sur ce qui est arrivé à leur proche.
« Le pire dans tout ça, c’est que je n’ai eu aucune nouvelle de mon mari. J’aimerais l’entendre. J’aurais tellement voulu savoir au moins s’il était affamé ou s’il mangeait à sa faim, j’aurais juste aimé avoir des nouvelles. Le simple fait d’entendre des nouvelles serait rassurant, mais je n’ai rien entendu du tout », a déclaré une victime figurant dans le rapport.
En 2014, la Commission d’enquête sur la situation des droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée a conclu que le caractère systématique et généralisé des enlèvements et des disparitions forcées constituait des crimes contre l’humanité.
Le rapport appelle la communauté internationale à continuer de soutenir les efforts entrepris pour enquêter sur les crimes internationaux commis en République populaire démocratique de Corée. Il précise que les responsables doivent être traduits en justice devant des tribunaux nationaux ou internationaux qui respectent les normes internationales en matière de procès équitable, notamment sur la base des principes reconnus de compétence universelle ou extraterritoriale. Il appelle également les États concernés à appuyer les efforts visant à garantir un accès effectif à la justice pour les victimes et à mettre en place des programmes de réparation complets conçus en consultation avec les victimes pour répondre à leurs besoins, y compris l’indemnisation, le travail de mémoire, le rétablissement de la dignité et un soutien médical et psychosocial adéquat.
« Les victimes ont droit à la vérité et à la justice, à des réparations et à des garanties de non-répétition. Même dans des affaires vieilles de plusieurs dizaines d’années, nous ne devrions négliger aucune piste pour demander des comptes, de la transparence et des réparations », a ajouté M. Türk.
FIN
Le rapport est disponible en anglais et en coréen.
Nous vous invitons également à consulter la vidéo du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme Volker Türk concernant le rapport, à partir du lien suivant : https://vimeo.com/811288984/e313a40bea.
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