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Communiqués de presse Haut-Commissariat aux droits de l’homme

Visite de la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme à Kaboul, Afghanistan

11 mars 2022

High Commissioner meets with Afghan Women

J’ai pu effectuer une brève visite à Kaboul hier, à une période où les Afghans sont confrontés à des crises profondes et croisées, et sont en proie à une grande incertitude. L’incertitude quant à l’avenir de leur pays, mais aussi de savoir d’où viendra leur prochain repas. Les besoins fondamentaux de la population tels que l’alimentation et la santé sont gravement négligés, et les droits fondamentaux de tout être humain comme l’éducation, le droit au travail et le droit de participer aux processus décisionnels sont en grande partie bafoués.

Durant ma courte visite, j’ai assisté à des réunions avec plusieurs représentants des autorités de facto et j’ai pu rencontrer des représentants de la société civile, y compris plusieurs femmes enseignantes, docteures, journalistes, fonctionnaires et professionnelles travaillant pour des ONG. Ces  femmes ont communiqué avec force l’urgence de la situation sur le terrain. Elles ont également demandé à participer aux discussions avec les autorités de facto en tant que partenaires pour aider à trouver des solutions pour sortir de cette crise économique, humanitaire et des droits de l’homme en Afghanistan. Lorsque je leur ai demandé quels messages elles souhaitaient que je transmette aux autorités de facto, elles ont voulu compter non pas sur ma voix, mais sur la leur : « Nous voulons parler aux Taliban nous-mêmes. Nous savons ce dont notre peuple a besoin, dans les villes comme dans les zones rurales, et nous avons des informations et des solutions sérieuses à présenter nous-mêmes aux Taliban.

Ces femmes ont exprimé l’espoir « de voir un jour, alors que nous nous relèverons des cendres de la guerre, la justice sociale perdurer en Afghanistan ». Elles ont promis de continuer à lutter contre les injustices, mais ont souligné le besoin de pouvoir à nouveau exercer leurs droits : leurs droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique, leur droit de ne pas vivre dans la crainte de représailles pour elles-mêmes et leurs familles, le droit au travail, à la participation. Elles ont demandé de « séparer la politique et la santé », de former des femmes aux métiers de la santé et de les utiliser, et d’investir dans les infrastructures sanitaires. Elles ont demandé aux autorités de facto d’assurer la protection des militantes et des femmes journalistes contre les violences et les représailles, et le rétablissement des mécanismes nécessaires à la prévention et au traitement des violences fondées sur le genre. Elles ont par ailleurs demandé à la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA), et plus particulièrement à sa section des droits de l’homme, de continuer à soutenir et à défendre leurs intérêts.

Je soutiens sans équivoque et avec force ces demandes.

Si je n’ai pu passer qu’une journée à Kaboul, la section des droits de l’homme de la MANUA est présente dans le pays depuis 20 ans ; elle y mène des activités essentielles dans le domaine des droits de l’homme et a accompagné le peuple afghan dans ses multiples crises et bouleversements.

Au fil des ans, nous avons eu pour triste tâche de compter le nombre de victimes civiles du conflit armé, de surveiller ses effets sur les femmes, les hommes, les filles et les garçons, et d’en rendre compte. Nous avons instauré un dialogue avec diverses parties, y compris les Taliban, concernant la protection des civils, le droit international humanitaire et le droit international des droits de l’homme.

Nous avons collaboré avec les autorités publiques compétentes, la Commission afghane indépendante des droits humains et la société civile pour lutter contre la violence à l’égard des femmes, nous avons donné des conseils sur les lois, nous nous sommes rendus dans des centres de détention et avons parlé avec des détenus. Nous avons recueilli et diffusé des informations sur les atteintes et les violations des droits de l’homme commises par l’État et par des groupes armés non étatiques, et nous avons lancé des appels pour y mettre fin. Nous avons défendu les droits de tous les Afghans, quelles que soient leurs origines ou leurs convictions.

Nous avons dénoncé avec force les cas de torture et de mauvais traitements, y compris contre des Taliban et d’autres détenus antigouvernementaux que nous avons interrogés dans des centres de détention au fil des ans, et ce dans tout le pays, en insistant toujours sur le fait que le recours à la torture contre quiconque, en toute circonstance, est absolument interdit en vertu du droit international des droits de l’homme, répréhensible et contre-productif.

Nous avons aussi été à l’écoute des acteurs de la société civile et des défenseurs des droits humains, hommes et femmes, et avons collaboré avec eux dans leurs efforts pour promouvoir de nombreux droits économiques, sociaux, culturels, civils et politiques, notamment grâce à des réformes législatives, au renforcement des institutions et à la formation aux droits de l’homme.

Depuis le 15 août 2021, qui marque la prise de pouvoir par les Taliban, le pays a clairement connu des changements radicaux. Avec la baisse des hostilités depuis cette date, le nombre de victimes du conflit a considérablement diminué. Toutefois, nous craignons que les crises humanitaires et économiques ne fassent beaucoup plus de victimes. Aujourd’hui, une personne sur trois en Afghanistan est confrontée à des niveaux d’urgence ou de crise en matière de sécurité alimentaire, l’accès à l’argent liquide est limité, le niveau de chômage est élevé, de même que le nombre de personnes déplacées. En outre, le risque d’attaques par le groupe EIIL-PK et d’autres organisations reste malheureusement élevé.

Je suis sûre que nous sommes tous d’accord : il est inacceptable et inadmissible que le peuple afghan ait dû vivre avec la perspective d’être bombardé ou affamé, voire les deux.

Les récits de mères vendant un enfant pour nourrir le reste de la famille sont affligeants. Ils fendent le cœur, car même dans mes brèves interactions avec la société civile, j’ai pu constater à quel point la capacité, l’expérience et la détermination qui existent sont gaspillées, alors que le pays s’enfonce de plus en plus dans le désespoir. Des progrès rapides sont nécessaires dans plusieurs domaines importants.

Lors de mes réunions avec les autorités de facto, notamment avec le premier ministre et le ministre de l’intérieur de facto, j’ai souligné l’importance d’une approche inclusive pour trouver les moyens de sortir de cette crise.

Je reconnais l’importance de l’amnistie générale accordée aux fonctionnaires de l’ancien Gouvernement et aux membres des forces de sécurité pour avoir participé au conflit. Il s’agissait d’un pas important vers la réconciliation après tant d’années de guerre. Cependant, des rapports suggèrent que les recherches de porte à porte se poursuivent et nous avons publiquement documenté les exécutions extrajudiciaires de plusieurs anciens fonctionnaires.

Les attaques contre ces anciens fonctionnaires, dont des juges, ainsi que contre les défenseurs des droits de l’homme et les journalistes, se poursuivent. Si les manifestantes et les membres de leur famille qui ont été arbitrairement arrêtés et détenus en janvier ont maintenant été libérés, leur traitement a entraîné l’arrêt des manifestations publiques en faveur des droits des femmes en Afghanistan. Ces dernières semaines, nous avons été en mesure d’évoquer des cas individuels de violation des droits de l’homme avec les autorités de facto et j’ai exhorté ces dernières à faire clairement comprendre que ces violations ne seront pas tolérées, qu’elles feront l’objet d’une enquête rapide et que les responsables devront rendre des comptes. Toutes les personnes détenues pour avoir exercé leurs droits humains doivent être rapidement libérées.

Les militants et dirigeants de la société civile, les anciens employés du gouvernement, y compris les juges et les procureurs, et les journalistes peuvent jouer un rôle essentiel dans la construction d’un nouvel Afghanistan, et pour garantir la justice face aux atteintes et aux violations des droits de l’homme – mais seulement s’ils peuvent poursuivre leur travail sans craindre d’être arrêtés, harcelés, menacés et attaqués.

Toute société est plus durable et plus pacifique si les droits de l’homme sont respectés et si tous les citoyens sont représentés, y compris les minorités religieuses et ethniques et en particulier celles et ceux qui ont été historiquement confrontés à la discrimination, à la marginalisation et à la violence. Ces personnes doivent absolument être considérées comme faisant partie de la solution, plutôt que d’être évincées sous prétexte de faire partie du problème.

En cette période de paix relative dans le pays, il est crucial d’établir des alliances inclusives. Une approche inclusive est une condition préalable importante pour la réconciliation et la prévention de futurs conflits. Elle est non seulement appropriée, mais également judicieuse. Si elle n’est pas adoptée, cela risque d’entraîner l’instabilité en Afghanistan et au-delà de ses frontières. Les personnes les plus vulnérables doivent pouvoir participer aux discussions et aux décisions concernant les risques encourus et les moyens de les réduire.

J’exhorte les autorités de facto à respecter au maximum la liberté d’expression et de réunion pacifique, ainsi que le rôle des médias indépendants, et à s’abstenir d’utiliser toute violence ou d’imposer des sanctions à ceux qui pourraient formuler des opinions critiques. Les gens doivent avoir des moyens d’exprimer leurs frustrations, mais aussi de contribuer à l’élaboration de solutions.

J’ai demandé le rétablissement d’un mécanisme indépendant de défense des droits de l’homme – comme cela existait auparavant avec la Commission afghane indépendante des droits humains – capable de recevoir les plaintes du public et de signaler des problèmes aux autorités de facto.

Les écoles devant rouvrir le 22 mars, je compte sur le respect des engagements pris pour que toutes les filles et tous les garçons aient accès à l’éducation. Les filles et les femmes doivent avoir accès à l’enseignement primaire, secondaire et supérieur. Ces mesures importantes contribueront grandement à assurer l’avenir du pays.

Il est également crucial de s’attaquer d’urgence aux effets des sanctions économiques et des gels d’avoirs, jugés catastrophiques, à juste titre. Je demande instamment à la communauté internationale d’aller au-delà des mesures déjà prises, d’alléger les sanctions et de débloquer les avoirs afin de relancer l’économie, de soutenir le développement et de soulager les souffrances humaines inutiles. Si des fonds supplémentaires ne sont pas immédiatement mis à disposition, des millions d’Afghans continueront à souffrir inutilement. Les décideurs à l’échelle nationale et internationale doivent soutenir la mise en place de services sociaux de base au niveau local afin de satisfaire de manière durable aux besoins fondamentaux et de garantir les droits économiques et sociaux de la population.

La semaine prochaine, lorsque le renouvellement du mandat de la MANUA sera examiné par le Conseil de sécurité des Nations Unies à New York, il sera essentiel de veiller à ce qu’une forte présence chargée de surveiller les droits de l’homme soit maintenue afin que nous puissions continuer à épauler le peuple afghan, à fournir des conseils sur la manière d’appliquer les normes internationales en matière de droits de l’homme dans de nombreux domaines, notamment le développement économique et social, les droits des femmes et le système judiciaire, à promouvoir des modèles de relèvement réussis et à reconstruire les institutions. Nous devons impérativement continuer, en toute objectivité, de signaler aux autorités de facto les domaines qui suscitent de graves inquiétudes en matière de droits de l’homme, et de continuer à suivre la situation des droits de l’homme sur le terrain et à en rendre compte. J’appelle les États à soutenir la poursuite du travail de la MANUA en Afghanistan, avec un mandat fort en matière de droits de l’homme. 

L’esprit, la ténacité et la volonté indéfectible des Afghans de voir leurs droits humains protégés – et leurs enfants hériter d’un pays pacifique et respectueux des lois – sont tangibles. Les Afghans décideront de leur avenir et c’est à nous, aux Nations Unies et à la communauté internationale, de soutenir tous les efforts visant à promouvoir tous les droits de l’homme pour l’ensemble du peuple afghan.

FIN

Nous vous invitons également à consulter le récent rapport sur l’Afghanistan présenté par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme au Conseil des droits de l’homme.

Découvrez aussi le rapport du Secrétaire général des Nations Unies.

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