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Dix ans après, les survivants d’un déversement illégal de déchets toxiques en Côte d’Ivoire demeurent dans l’ignorance
L’incident Probo Koala
17 août 2016
10e anniversaire de l’incident ‘Probo Koala’ - Vendredi 19 août 2016
GENÈVE (16 août 2016) – A propos du 10e anniversaire du déversement illégal de déchets toxiques en Côte d’Ivoire, un groupe d’experts des Nations Unies* exhorte le gouvernement ivoirien, l’ensemble des Etats responsables et de la communauté internationale à saisir cette occasion pour aborder les répercussions constantes des droits de l’incident.
Les spécialistes des droits de l’homme de l’ONU appellent aussi Trafigura, la compagnie derrière l’incident ‘Probo Koala ", pour soutenir ce processus en divulguant tous les renseignements dont elle dispose, concernant le contenu et la nature des déchets déversés dans la Côte d’Ivoire, et de sa probable continuité des conséquences sur la santé et l’environnement.
« Le 19 août 2006, le cargo ‘Probo Koala’ avait déchargé 500 tonnes ou l’équivalent de plus de douze conteneurs d’expédition de 20 pieds) des déchets toxiques à Abidjan, Côte d’Ivoire. Les substances dangereuses, qui appartenaient à la société l’anglo-néerlandaise de négoces de matières premières Trafigura, ont ensuite été abandonnées dans 18 sites autour de la ville tandis que de nombreux autres endroits où les déchets ont été potentiellement deversés demeurent inconnus à ce jour. Un mois plus tôt, Trafigura avait décidé de ne pas éliminer des déchets toxiques aux Pays-Bas parce qu’une élimination appropriée des déchets coûte plus cher.
Selon les estimations officielles, 15 personnes sont mortes, 69 personnes ont été hospitalisées et plus de 108 000 personnes ont demandé un traitement médical après ce qu’on a appelé « l’affaire du Probo Koala ».
Dix ans après, les victimes du dumping et autres résidents à Abidjan restent dans l’ignorance des dangers actuels pour leur santé. Les résidents se plaignent encore de l’odeur de déchets lors des fortes pluies, ainsi que des maux de tête, des problèmes de peau et de troubles respiratoires dont ils pensent qu’ils sont liés à cette affaire. De nombreuses victimes n’ont pas reçu une réparation adéquate pour les préjudices causés par l’affaire et déclarent qu’elles n’ont pas été en mesure de se payer un traitement médical notamment après octobre 2006 quand le traitement médical gratuit applicable avait pris fin.
Les résidents ignorent toujours le contenu exact des déchets toxiques; si les décharges ont été adéquatement éliminées, et si les déchets ont pénétrés dans l’approvisionnement en eau ou la chaîne alimentaire. En reconnaissant l’impact durable et néfaste que ces matières dangereuses peuvent avoir sur l’eau et les sols, il y a lieu de craindre pour la sécurité alimentaire et la santé des générations futures.
Le gouvernement de la Côte d’Ivoire doit saisir l’occasion du 10e anniversaire pour aborder l’impact à long terme de cette affaire sur la santé et sur l’environnement et demander une assistance financière et technique supplémentaire à des experts en santé publique et à l’ensemble de la communauté internationale.
Dans un pays sortant d’un conflit tel que la Côte d’Ivoire, il est encore plus vital pour la communauté internationale de fournir un soutien pour ce travail. Compte tenu de leur rôle dans ces événements, les gouvernements des Pays-Bas et du Royaume-Uni où Trafigura est enregistrée, ont une responsabilité particulière pour le faire.
De nombreuses victimes signalent aussi qu’ils n’ont toujours pas été indemnisées. On estime que seulement 63% des victimes enregistrées ont reçu une indemnisation en vertu d’un accord de février 2007 entre Trafigura et le Gouvernement Ivoirien. Des associations de victimes semblent ne pas avoir été consultées avant la signature de l’accord.
Bien que 30 000 autres victimes étaient censées recevoir une compensation suite à l’accord conclu en septembre 2009 suite à la plainte collective des victimes contre Trafigura au Royaume-Uni, les fonds destinés à plus de 6000 de ces victimes auraient été détournés par un groupe frauduleux qui prétendait représenter les victimes en Côte d’Ivoire. Les responsables de l’appropriation illicite des fonds ont été condamnés à 20 ans d’emprisonnement le 13 janvier 2015, confirmé par la Cour d’appel à Abidjan le 27 juillet 2016.
Toutefois, aucun d’entre eux n’ont été arrêtés et aucun mandat d’arrêt n’a été émis. Nous exhortons le Gouvernement de la Côte d’Ivoire d’exécuter ce jugement au plus tôt. Comme le soulignent les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, l’accès à une compensation effective est essentielle pour réparer les dommages liés à l’activité des entreprises.
En outre, en mars 2015, le Royaume-Uni a refusé de lancer une enquête criminelle sur la question de savoir si la filiale de Trafigura basée à Londres avait conspiré au Royaume-Uni afin de déverser les déchets à Abidjan.
Ce manque d’action et d’information a laissé ceux affectés par le déversement avec un sentiment d’abandon et de vulnérabilité à une autre victimation. Certains ont rejoint les nombreuses associations qui ont été créées à Abidjan pour réclamer une indemnité supplémentaire de Trafigura. Ces associations ont apporté de nouvelles mesures juridiques contre la société dans les Pays-Bas et à Abidjan.
Nous sommes préoccupés par le fait que certaines associations de victimes auraient profité de cette situation en faisant des promesses douteuses de compensation en contrepartie des frais initiaux payées par des victimes et d’une contrepartie des dommages et interêt qui leurs seront octroyées. Le gouvernement doit prendre des mesures afin de réglementer ces associations et de s’assurer que les gens ne deviennent pas victimes une deuxième fois aussi bien du déversement des déchets toxiques que des acteurs peu scrupuleux.
En novembre 2015, le gouvernement de la Côte d’Ivoire a annoncé qu’elle avait terminé la décontamination de tous les dépotoirs. À la demande du Gouvernement de Côte d’Ivoire, le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) a effectué un audit environnemental des sites des déchetsen juillet 2016 pour vérifier leur décontamination. Le PNUE doit publier ses résultats et recommandations à la fin de l’année. En outre, le gouvernement a récemment lancé un processus visant à contrôler la santé des victimes dans l’un des villages les plus touchés par le déversement des déchets.
Nous saluons ces mesures et demandons urgemment à la Côte d’Ivoire de communiquer largement les résultats des conclusions du PNUE, en particulier aux collectivités touchées. Nous exhortons également les autorités ivoiriennes et la communauté internationale à prendre des mesures efficaces pour protéger le droit à la santé et à un environnement sain de toutes les victimes et leurs familles, cela incluant un traitement médical gratuit pour les conséquences subies à long terme sur la santé et les mesures préventives de menaces environnementales.
Nous exhortons Trafigura à faciliter ce processus en divulguant tous les renseignements dont elle dispose concernant le contenu et la nature des déchets et ses effets probables sur la santé et l’environnement. »
(*) Les experts : Mohammed Ayat, Expert indépendant sur le renforcement de capacités et la coopération technique avec la Côte d’Ivoire dans le domaine des droits de l’homme ; Baskut Tuncak, Rapporteur spécial sur les incidences sur les droits de l’homme de la gestion et de l’élimination écologiquement rationnelles des produits et déchets dangereux ; Hilal Elver, Rapporteuse spéciale sur le droit à l’alimentation ; Dainius Pûras, Rapporteur spécial sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale ; Pavel Sulyandziga, Groupe de travail sur la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises.
Les Experts indépendantes, les Rapporteurs spéciaux et les Groupes de travail de l’ONU font partie de ce qu’on appelle les « procédures spéciales » du Conseil des droits de l’homme. Les procédures spéciales qui constituent le plus grand groupe d’experts indépendants du système des Nations Unies des droits de l’homme, sont les mécanismes indépendants d’enquête et de surveillance du Conseil qui traitent de situations spécifiques de pays ou de questions thématiques dans toutes les régions du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent sur une base volontaire; ils ne sont pas fonctionnaires de l’ONU et ne reçoivent pas un salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou organisation, et siègent à titre individuel. Pour en savoir plus, connectez-vous à : http://www.ohchr.org/en/special-procedures-human-rights-council
Page du HCDH sur le pays – Côte d’Ivoire: http://www.ohchr.org/fr/countries/cote-divoire
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