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Haut-Commissariat aux droits de l’homme

Note de conférence de presse sur Bahreïn et l’Iraq

Note de conférence de presse sur Bahreïn et l’Iraq

21 Juin 2016

Les porte-parole du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme : Ravina Shamdasani sur le Bahreïn et Cécile Pouilly sur l'Iraq
Lieu : Genève
Date : 21 juin 2016

1) Bahreïn

Les autorités bahreïnies, après avoir intensifié la répression de l’opposition, ont arrêté ces dernières semaines un éminent défenseur des droits humains, interdit plusieurs autres de voyager, privé des individus de leur nationalité et dissous trois organisations, dont le plus grand groupe d’opposition du pays.

Hier, Cheikh Issa Qassem, la plus haute autorité chiite au Bahreïn, a été déchu de sa nationalité. Il était le dernier d’au moins 250 personnes qui ont été privées de leur nationalité depuis juillet 2014, lorsque la loi sur la citoyenneté a été modifiée pour donner les pouvoirs au Ministre de l’Intérieur de déchoir de sa nationalité toute personne qui « contribue ou participe aux services d’un État hostile » ou « nuit aux intérêts du Royaume ou agit de manière déloyale à son égard ».

Depuis la nuit dernière, une manifestation de masse a eu lieu devant la maison de Cheikh Issa Qassem, dans le village portuaire de Diraz situé au nord-ouest du pays. Nous exhortons le Gouvernement à s’assurer que la liberté de réunion pacifique est pleinement respectée et que les manifestations sont gérées conformément aux obligations qui incombent à Bahreïn en application du droit international des droits de l’homme. Nous demandons également aux manifestants d’exercer leurs droits de manière pacifique et d’éviter tout acte de violence.

La semaine dernière, cinq religieux chiites ont été interrogés, et les prières du vendredi dans les mosquées chiites ont été suspendues jusqu’à nouvel ordre, les dirigeants des mosquées ayant indiqué qu’ils ne se sentaient pas « en sécurité ».

ela faisait suite à la condamnation de Cheikh Ali Salman, le dirigeant d’al-Wefaq, à neuf ans d’emprisonnement, le 30 mai, et à la suspension, mardi dernier, d’al-Wefaq pour « mépris chronique de la constitution du Royaume et mise en cause de sa légitimité » et « ses appels à des ingérences étrangères », ainsi que la « promotion de la violence et le soutien à des organisations terroristes », entre autres chefs d’inculpation. Deux autres associations à but non lucratif ont également été suspendues pour cause de collecte de fonds illégale et de blanchiment d’argent.

Le défenseur des droits humains Nabeel Rajab a également été arrêté le 13 juin pour avoir « répandu de fausses informations et des rumeurs au sujet de la situation interne afin de jeter le discrédit sur Bahreïn », et une campagne médiatique contre les défenseurs des droits humains dans le pays semble avoir été organisée. Avant sa dernière arrestation, Rajab avait fait l’objet d’une interdiction de voyager depuis au moins janvier 2015. Des interdictions de voyager ont également été émises à l’encontre d’autres défendeurs des droits humains, notamment cinq personnes qui auraient prévu d’assister à la session en cours du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies à Genève. D’autres militants de la société civile ont exprimé des craintes d’être prochainement victimes de représailles pour avoir défendu les droits de l’homme.

Nous sommes vivement préoccupés par l’intensification de la répression des libertés d’expression et de réunion et la privation du droit à une nationalité. Nous demandons aux autorités bahreïnies de chercher à désamorcer la situation – au lieu de prendre ces mesures dommageables, avec un risque sérieux d’escalade de la situation.

Il est regrettable qu’au lieu de mettre en œuvre les recommandations formulées par la Commission indépendante d’enquête de Bahreïn, qui a été nommée par le Roi en 2011, le Gouvernement ait plutôt cherché à porter atteinte à la jouissance des droits civils et politiques dans le pays. Nous demandons au Gouvernement d’assurer que les militants de la société civile ne soient pas soumis à une pression indue, à des intimidations ou à des représailles pour leur travail ou leur coopération avec des organes de l’ONU relatifs aux droits de l’homme. Nous appelons le Gouvernement à prendre des mesures de confiance immédiates, notamment de remettre en liberté tous ceux qui ont été placés en détention pour avoir exercé leurs droits fondamentaux.

2) Iraq

Nous sommes vivement préoccupés par la persistance d’allégations de graves violations des droits de l’homme commises contre des civils fuyant Falloujah par des groupes armés opérant aux côtés des forces de sécurité iraquiennes. Nous avons reçu une vidéo choquante montrant le corps d’un homme traîné à toute vitesse par un camion militaire alors qu’un homme portant un uniforme militaire frappe son visage défiguré et en sang. Une autre vidéo montre des gens se faire frapper avec un fusil et recevoir des coups sur la tête par des hommes portant des uniformes militaires sortant d’un camion. Bien que nous ne soyons pas en mesure d’authentifier ces vidéos, elles décrivent des violations qui nous ont été signalées par plusieurs sources et que nous avons déjà condamnées.

Le 12 juin, une commission mise en place par le Gouverneur de l’Anbar en vue d’enquêter sur les violations perpétrées contre des civils pendant les opérations militaires qui se sont déroulées dans l’Anbar a indiqué que 49 personnes avaient été tuées et qu’au moins 600 hommes avaient disparu après avoir été détenus par des groupes armés opérant aux côtés des forces de sécurité iraquiennes. Elle a également constaté que ces groupes étaient victimes de mauvais traitements et d’actes de torture. Ces violations se seraient produites du 2 au 4 juin près d’un cimetière, dans la région de Saqlawiyah, au nord-ouest de Falloujah, et dans la région d’al-Mazra'ah, à l’est de Falloujah.

Nous saluons ces premières conclusions et espérons que les enquêtes menées par la commission seront poursuivies de manière rigoureuse et étendues de façon à porter sur l’ensemble des allégations de violations. Alors que le Ministre de la défense iraquien vient d’annoncer que quatre militaires ont été arrêtés, nous appelons les autorités iraquiennes à s’assurer que les très graves violations et mauvais traitements dont on nous a fait part ne restent pas impunis.

Si nous prenons acte des mesures prises par le Gouvernement iraquien, notamment la mise sur pied d’une autre commission par le Premier Ministre iraquien, le 6 juin, nous souhaitons souligner la nécessité urgente pour les dirigeants iraquiens – au-delà des divisions politiques et confessionnelles – d’élaborer une feuille de route commune, concrète et détaillant les réalisations attendues dans l’optique d’édifier une société pacifique, prospère et réellement ouverte à tous.