Grandir avec la DUDH
21 décembre 2023
« La DUDH est garante de nos valeurs morales. Elle guide nos efforts de sensibilisation », a déclaré Safayet Zamil Nowshan, militante des droits humains au Bangladesh et membre du Groupe consultatif de la jeunesse sur les droits humains.
« La Déclaration universelle des droits de l’homme est la Bible des militants des droits humains, car sans elle, nous ne pourrions pas fixer de limites. Pour quels droits doit-on se battre ? Quels sont les droits fondamentaux de l’humanité ? »
L’égalité, un principe exaltant
La Déclaration a émergé des braises d’une guerre mondiale et a été adoptée par la vaste majorité des États de l’Organisation des Nations Unies de l’époque : 48 des 58 membres ont voté en sa faveur, huit se sont abstenus et deux n’ont pas voté du tout.
Le Costa Rica fut l’un des 48 pays à avoir voté en faveur du texte. Gonzalo Facio Segreda, avocat et diplomate, a signé la Déclaration au nom de ce pays d’Amérique centrale. Il occupera ensuite plusieurs postes à responsabilité dans son pays et décèdera quelques semaines seulement avant de pouvoir fêter ses 100 ans. Sa signature a non seulement marqué un moment décisif pour son pays, mais aussi préparé le terrain pour sa fille, Alda Facio, née la même année que la Déclaration.
« Le Costa Rica connaissait alors une période politique tumultueuse et les idées révolutionnaires se répandaient rapidement dans la région. De nombreux exilés de différents pays nous rendaient visite. Je n’avais que 3 ou 4 ans lorsque toutes ces discussions sur les droits de l’homme ont eu lieu dans mon salon. Je ne comprenais pas de quoi il s’agissait, mais je sentais toute l’énergie et l’enthousiasme qui y régnaient », a déclaré Alda Facio.
« Je revois mon père me dire notamment que les femmes avaient les mêmes droits que les hommes et qu’elles pouvaient faire tout ce que les hommes pouvaient faire. »
Ces discussions animées l’ont incitée à se plonger dans le militantisme : elle s’est fait un nom en tant que féministe, avocate spécialisée dans les droits humains et professeure d’université, ainsi que l’une des membres fondatrices du Comité des femmes pour la justice de genre à la Cour pénale internationale et Rapporteuse spéciale des Nations Unies pour le groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles.
En 1998, à l’occasion du 50e anniversaire de la DUDH, Alda Facio a décidé de publier un recueil de nouvelles mettant les droits humains à la portée de tous. « J’avais l’impression que beaucoup de gens pensaient que ce genre de choses était pour les avocats, pas vraiment pour les gens ordinaires, vous voyez ce que je veux dire ? »
Bien qu’elle reconnaisse un déclin de l’enthousiasme en faveur des droits humains, son propre optimisme reste intact.
« C’est comme si les droits humains étaient utilisés pour dénoncer les violations, pas pour rêver. Mais j’ai confiance dans l’univers, et cette déclaration nous montre qu’un monde qui s’unit peut créer des idées merveilleuses. »
Une inspiration directe
À l’autre bout du monde, au Liban, un autre père laissait son empreinte dans le domaine des droits humains. Charles Malik, universitaire et ministre, a été un membre influent du comité de rédaction initial de la DUDH. Il fut également président de la Commission des droits de l’homme et de l’Assemblée générale des Nations Unies. Son fils Habib Malik, ancien professeur associé d’histoire de la Lebanese American University à présent à la retraite, a hérité de ce dévouement à la cause des droits humains.
« Je suis né six ans après l’adoption de la DUDH, à une époque complexe de l’histoire du Liban. Mon père ne m’a pas poussé à m’investir en faveur des droits humains, au contraire, il voulait que je trouve ma propre voie. Mais bien sûr, tout cela a pris forme dans ma tête et, à la fin des années 1980, j’ai créé avec d’autres personnes la fondation libanaise Foundation for Human and Humanitarian Rights afin de défendre la liberté d’expression et des médias à l’époque de l’occupation du Liban par la Syrie, de 1976 à 2005. »
« En grandissant, j’ai commencé à réaliser que mon père était souvent associé à la DUDH. À son décès, j’ai décidé de rassembler ses discours et ses écrits sur les droits humains. » En 2000, il publia The Challenge of Human Rights: Charles Malik and the Universal Declaration en anglais et en arabe.
Pour Habib, la DUDH est le document international le plus célèbre du XXe siècle et l’un des plus pertinents de l’histoire.
« La chute du communisme et celle du système d’apartheid, deux événements majeurs de la fin du XXe siècle, ont toutes deux été influencées par la Déclaration universelle. C’est une vraie fierté d’être associé à une telle réussite, qui a fini par avoir autant d’impact sur les rouages de l’histoire. »
Une influence intemporelle
Contrairement à Alda et Habib, le père de Safayet Zamil Nowshan au Bangladesh n’a pas été directement impliqué dans la DUDH. Pourtant, Safayet a ressenti tout aussi fortement l’influence de la Déclaration. « J’ai commencé à travailler dans le domaine des droits humains à l’âge de 14 ans et mon travail avec les enfants et l’égalité des genres s’est appuyé dès le début sur la DUDH. Elle reste d’actualité, car nos droits fondamentaux ne changent pas ; ils n’ont simplement pas encore tous été réalisés. Sans la Déclaration, notre travail serait beaucoup plus décousu et inefficace. »
La Déclaration a beau avoir 75 ans, elle reste plus que jamais d’actualité, exerçant son influence et son pouvoir sur les militants qui ont grandi dans son sillage.
Comme l’indique Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, « la Déclaration est un texte prodigieux [qui] incarne un langage commun illustrant notre humanité partagée, une force unificatrice au cœur de laquelle se trouvent la dignité humaine et le devoir de protection mutuelle dont nous devons nous acquitter en tant qu’êtres humains ». Alda, Habib et Safayet partagent sans aucun doute cet avis.