Le lien entre les êtres humains et l’environnement doit être préservé
16 novembre 2023
« Parfois, on ne réalise pas ce qui nous est important ou précieux jusqu’à ce que cela nous échappe ou risque de disparaître. D’une certaine manière, cela explique ce qui se passe aujourd’hui avec la reconnaissance de l’importance du lien entre les êtres humains et l’environnement », a déclaré Astrid Puentes, membre de la Coalition mondiale des organisations de la société civile, des peuples autochtones, des mouvements sociaux et des communautés locales pour la « reconnaissance universelle du droit à un environnement propre, sain et durable ».
En juillet 2022, l’Assemblée générale des Nations Unies, qui est le principal organe de décision de l’ONU, a adopté une résolution historique reconnaissant le droit à un environnement sain. Cette adoption fait suite à une résolution similaire adoptée par le Conseil des droits de l’homme en octobre 2021.
Ces résolutions ont été élaborées après des décennies de plaidoyer mené par le mouvement pour la justice environnementale, un groupe varié composé de défenseurs des droits humains et militants écologistes et d’organisations représentant notamment les enfants et les jeunes, les femmes, les peuples autochtones, les travailleurs, les groupes confessionnels, les personnes handicapées et d’autres personnes touchées de manière disproportionnée par les dégâts causés à l’environnement.
Cinq États, à savoir le Costa Rica, les Maldives, le Maroc, la Slovénie et la Suisse, ont joué un rôle de premier plan en introduisant et en négociant la résolution, avec le soutien essentiel des 1 350 membres de la Coalition mondiale qui travaillent dans 75 pays à travers le monde. Le travail de la Coalition mondiale a été reconnu par les Nations Unies, qui lui ont décerné le Prix des droits de l’homme 2023 pour ses « efforts persistants [...] en vue de la reconnaissance historique du droit à un environnement propre, sain et durable ».
Le droit à un environnement sain
Le droit à un environnement propre, sain et durable comprend généralement le droit à un air pur, à un climat sûr et stable, à l’accès à l’eau potable et à un assainissement adéquat, à une alimentation saine et produite de manière viable, à des environnements non toxiques dans lesquels vivre, travailler, étudier et jouer, ainsi qu’à une biodiversité et des écosystèmes sains. Il comprend également l’accès à l’information, le droit de participer à la prise de décision et l’accès à la justice et à des voies de recours effectifs, y compris l’exercice en toute sécurité de ces droits sans représailles ni rétorsion.
S’exprimant sur la reconnaissance universelle du droit à un environnement sain, Benjamin Schachter, coordinateur de l’équipe du HCDH chargée des questions liées à l’environnement et aux changements climatiques, a déclaré : « tous les droits humains sont interdépendants, indivisibles et inaliénables. Le droit à un environnement propre, sain et durable est nécessaire à la pleine jouissance de tous les droits humains, y compris les droits à la vie, à la santé, à l’alimentation, à l’eau et à l’assainissement, et au développement », a-t-il déclaré. « Ainsi, les effets de la triple crise planétaire des changements climatiques, de la perte de biodiversité et de la pollution vont bien au-delà du droit à un environnement sain, mettant en péril la jouissance effective de tous les droits humains partout dans le monde. »
Il a souligné le fait qu’en vertu du droit international des droits de l’homme, tous les États ont l’obligation de respecter, protéger et réaliser le droit à un environnement sain. Les militants en faveur de la justice environnementale espèrent que la reconnaissance universelle de ce droit par l’Assemblée générale entrainera d’autres changements dans le droit national, régional et international et renforcera sa mise en œuvre, contribuant ainsi à faire du droit à un environnement sain une réalité pour tous. La suite dépendra de la manière dont les États et les autres débiteurs d’obligations, tels que les entreprises, se conformeront à leurs obligations et responsabilités respectives en matière de droits humains.
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Les droits humains ne sont pas simplement des lois ou une idéologie, ils sont la clé de la survie de notre espèce.
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VOLKER TÜRK, HAUT-COMMISSAIRE DES NATIONS UNIES AUX DROITS DE L’HOMME
Selon Benjamin Schachter, plus de 150 pays ont déjà reconnu le droit à un environnement sain à travers leurs constitutions, leurs lois, leurs tribunaux et leurs accords régionaux. La manière dont ils respecteront concrètement leurs engagements fera l’objet de discussions lors de processus décisionnels nationaux, régionaux et internationaux dans le monde entier, notamment la prochaine réunion des dirigeants mondiaux de la 28e Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques qui se tiendra aux Émirats arabes unis à la fin du mois.
Cette résolution de l’Assemblée générale peut avoir un effet catalyseur, notamment en renforçant la reconnaissance juridique, l’intégration et l’application de ce droit, a déclaré M. Schachter, notant qu’elle pourrait être le point de départ d’une réforme constitutionnelle ou législative visant à reconnaître ce droit, comme cela s’est produit récemment au Canada, à renforcer les mécanismes visant à garantir la protection des défenseurs des droits humains liés à l’environnement et à obliger le secteur privé et les États à assumer leurs responsabilités face à la détérioration de l’environnement qu’ils ont causée et ses répercussions sur les populations.
Pour Astrid Puentes, de la Coalition mondiale, les prochaines étapes logiques et vitales comprennent l’avancement normatif du droit à un environnement sain en obtenant également sa reconnaissance aux niveaux régional et national afin de soutenir une mise en œuvre plus efficace.
« Il n’y a pas que les États, le secteur privé est aussi un élément essentiel. Nous avons été heureux de voir certaines entreprises rejoindre la coalition et se joindre à l’appel en faveur du droit à un environnement sain, non seulement car cela aide les entreprises, mais aussi parce qu’il est important pour nous tous de protéger les droits humains », a-t-elle déclaré.
Mme Puentes a ajouté que les États et le secteur privé, en particulier l’industrie des combustibles fossiles, doivent reconnaître leur responsabilité et rendre des comptes face à la triple crise planétaire, notamment la crise climatique, les pertes et préjudices qui y sont liés, et leur obligation d’éliminer notre dépendance à l’égard des combustibles fossiles.
Les droits humains et la protection de l’environnement
Une approche de l’action environnementale fondée sur le droit donne les moyens d’agir aux personnes touchées par les dommages causés à l’environnement et par les mesures prises pour y remédier, et renforce l’inclusion, la responsabilité et l’efficacité du processus décisionnel à cet égard, a indiqué M. Schachter.
Par exemple, les peuples autochtones, largement reconnus comme étant affectés de manière disproportionnée par les effets des changements climatiques, de la perte de biodiversité et de la pollution sur les droits humains, continuent de lutter pour faire entendre leur voix. Le respect de leurs droits, de leurs connaissances scientifiques, de leurs pratiques, de leurs concepts de justice et de leurs valeurs doit faire partie des solutions transformatrices à la triple crise planétaire, a déclaré M. Schachter.
L’action en faveur de la reconnaissance universelle du droit à un environnement sain constitue un bon exemple d’action collective et montre avec force les possibilités offertes par l’exercice des droits humains dans le domaine de la protection de l’environnement. Les droits humains sont à la fois un moyen et une finalité lorsqu’il s’agit de protéger l’environnement, a ajouté M. Schachter, notant que le droit à un environnement sain peut servir de fondement juridique important pour augmenter le nombre de poursuites intentées en matière d’environnement devant des cours et tribunaux nationaux et internationaux. Dans une récente affaire présentée devant un tribunal de l’État américain du Montana, un groupe de 16 jeunes ont gagné un procès historique, la juge ayant déclaré que l’État violait leur droit constitutionnel à « un environnement propre et sain », ainsi que leurs droits à la dignité, à la santé et à la sécurité, et à une égale protection de la loi.
« Nous sommes tous concernés »
La dégradation de l’environnement affecte de manière disproportionnée les individus, les groupes et les peuples déjà en situation de vulnérabilité. En raison des inégalités et de la discrimination préexistantes entre les sexes, les femmes et les filles sont particulièrement touchées.
Sont également concernées les personnes contraintes de se déplacer à l’intérieur d’un pays et au-delà en raison de catastrophes climatiques soudaines ou à évolution lente. En 2021, plus de 22 millions de personnes ont été déplacées à l’intérieur de leur pays en raison de catastrophes liées au climat, selon l’Observatoire des situations de déplacement interne.
Les catastrophes liées au climat obligent des millions de personnes à migrer dans des conditions précaires et dangereuses et affectent directement la jouissance d’un large éventail de droits humains, notamment les droits à la vie, à un logement adéquat, à l’éducation, à l’eau, à l’alimentation, à la santé et à la sécurité, entre autres, en exacerbant les situations de vulnérabilité, a souligné Carolina Hernandez, conseillère du HCDH sur les migrations et les droits humains.
Astrid Puentes a souligné que les migrations dues aux crises environnementales sont souvent perçues comme une menace et que leur gestion est de plus en plus militarisée et axée sur la sécurité. La migration doit au contraire être abordée en respectant et en garantissant pleinement les droits humains, et en reconnaissant que son augmentation est due aux effets néfastes des changements climatiques. Elle peut également protéger les personnes et leurs droits humains lorsqu’elle bénéficie de voies de migration sûres et régulières.
« La migration fait partie de la diversité et de la nature humaine. Elle nous enrichit et contribue au développement et au progrès de l’humanité », a-t-elle déclaré, ajoutant que nous devons tous (individus, États et secteur privé) adopter une approche de la migration fondée sur les droits humains qui place l’être humain au centre des préoccupations et reconnaît les facteurs de migration liés à l’environnement et au climat, à commencer par la consommation et la production non durables.
« On estime que 108 entreprises sont responsables d’environ 70 % des émissions de gaz à effet de serre dans l’histoire. Ce que nous avons fait jusqu’à présent n’a pas totalement fonctionné », a déclaré Mme Puentes. « La reconnaissance du droit à un environnement sain est un premier pas, mais ce n’est pas suffisant. Nous devons aussi le mettre en œuvre. Nous devons dès maintenant appliquer [ce droit] et prendre nos responsabilités, reconnaître les pertes et les préjudices, et mettre en place des mesures d’adaptation et d’atténuation efficaces. »
Mme Puentes a souligné que la Coalition mondiale travaillait avec les États, les organismes des Nations Unies et d’autres acteurs pour faire reconnaître le droit à un environnement propre, sain et durable.
« Le Prix des droits de l’homme décerné à la Coalition nous rappelle ce que nous pouvons accomplir lorsque nous collaborons. Cela nous rappelle aussi que nous ne pouvons pas sauver la planète avec un seul État, une seule organisation, un seul peuple autochtone : nous devons agir ensemble. »