« Faites preuve de compassion envers ceux qui ne partagent pas vos points de vue »

Arizza Nocum croit au pouvoir de l'éducation pour lutter contre l'extrémisme violent. Elle et sa famille ont fondé la Kristiyano-Islam Peace Library, une ONG qui a permis de construire des bibliothèques, offert des bourses d'études, et distribué des livres et du matériel pédagogique dans des zones touchées par les conflits dans son pays natal, les Philippines.

Pour Arizza, le manque de sécurité financière, particulièrement dans les régions du sud des Philippines qui ont connu des conflits, a poussé de nombreux jeunes à rejoindre des groupes extrémistes violents.

« Nous avons construit les bibliothèques, fourni des bourses pour les jeunes touchés par les conflits et la pauvreté. Nous le faisons, car nous sommes convaincus que lorsque les jeunes n'ont pas la chance d'aller à l'école et d'obtenir par la suite un emploi productif, ils ont tendance à tomber dans la criminalité, voire dans l'extrémisme violent », explique-t-elle.

Selon des estimations fournies par la Commission nationale des musulmans philippins en 2012, 11 % de la population des Philippines est de confession musulmane, le reste étant principalement catholique. Arizza est elle-même imprégnée de ces deux cultures, ayant grandi dans une famille dont la mère est musulmane et le père chrétien, et où aucune religion n'a été imposée aux enfants.

« Ils nous ont dit qu'ils nous enseigneraient les deux religions jusqu'à l'âge adulte, et que ne pourrions ensuite choisir la religion que nous voulions. Mais ce qui est important ici, c'est qu'on nous a enseigné ces deux religions et je pense que cela m'a réellement permis de faire le travail que je fais aujourd'hui », dit-elle.

Arizza a imputé le manque de compréhension entre les divers groupes ethniques et religieux comme l'une des causes des tensions présentes aux Philippines. « Cependant, grâce à ce que j'avais vécu chez moi, j'ai pu me rendre compte que même s'il existe différentes religions et origines, elles sont capables de coexister », ajoute-t-elle.

Selon elle, le mariage mixte de ses parents l'a encouragée à militer pour la paix, ce qu'elle fait à travers son travail de promotion du droit à l'éducation, en faisant preuve de gentillesse et avec la compassion envers les autres que ses parents lui ont inculquée.

« Si nous pouvions enseigner cela plus fermement et avec plus d'impact dans nos systèmes éducatifs, dans nos écoles, en ligne, sur les médias sociaux, dans les médias et partout où nous apprenons, nous pourrions davantage nous assurer que les gens – indépendamment de leur sexe, de leur âge, de leur religion ou de leur origine – font preuve de compassion envers ceux qui ne partagent pas tout à fait leur point de vue », indique-t-elle.

Arizza affirme également quele fait de garantir le droit à une éducation de qualité à chaque enfant nécessite des solutions sur mesure. Elle cite le cas spécifique des personnes déplacées, des réfugiés et des migrants qui, non seulement doivent s'adapter à une nouvelle langue et une nouvelle culture, mais ont également des besoins psychosociaux.

« Ils proviennent généralement de situations où ils ont été témoins d'un conflit, ils sont traumatisés, ils ont vécu des choses qu'ils n'ont pas encore eu le temps de digérer et ils continuent de faire face quotidiennement à ce traumatisme, car ils se retrouvent dans un nouvel environnement, avec de nouvelles personnes et doivent à nouveau s'adapter », déplore-t-elle.

« Nous devons être là pour vraiment les soutenir, pas seulement grâce à un service de thérapie ou de soutien psychologique, mais aussi pour fournir un solide réseau de familles et de pairs qui peuvent les épauler tout au long du chemin », ajoute Arizza.

Ce récit fait partie d'une série d'articles parus dans le cadre de la célébration de la Journée des droits de l'homme 2019, qui met l'accent sur les jeunes défenseurs des droits de l'homme dans la pratique. Découvrez comment lesjeunes défendent les droits de l'homme.

5 décembre 2019