De nombreuses langues autochtones risquent de disparaître
17 octobre 2019
Des linguistes estiment que nous assistons actuellement à une extinction de masse des langues, au rythme d'une langue toutes les deux semaines. Ces langues appartiennent dans de nombreux cas aux populations autochtones.
« Perdre ces langues, c'est perdre une grande partie de notre patrimoine humain, car elles sont beaucoup plus que des mots et des phrases exprimés à l'écrit ou à l'oral, elles permettent aussi aux cultures, aux connaissances et aux traditions d'être préservées et transmises de génération en génération », a déclaré Mona Rishmawi, la Chef du Service de l'état de droit, de l'égalité et de la non-discrimination du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH).
Mme Rishmawi s'est exprimée à ce sujet dans le cadre d'une réunion-débat sur la promotion et la préservation des langues autochtones à l'occasion du Conseil des droits de l'homme. Durant cette réunion, les participants se sont intéressés à la situation des langues autochtones et aux diverses façons de les promouvoir et de les préserver.
En dépit de leur immense valeur, des langues du monde entier continuent de disparaître à un rythme alarmant. Selon l'Atlas de l'UNESCO des langues en danger, parmi les 6 700 langues parlées dans le monde, 40 % sont menacées.
Dans ce contexte, les Nations Unies ont déclaré l'année 2019 l'Année internationale des langues autochtones, afin de sensibiliser le public à ce sujet, non seulement au profit des personnes parlant ces langues, mais aussi pour que d'autres personnes réalisent leur importante contribution à la diversité culturelle mondiale.
« Les gens prennent de plus en plus conscience que les langues autochtones ne constituent pas seulement un patrimoine culturel », a déclaré Irmgarda Kasinskaite de l'UNESCO, l'organisation qui effectue le suivi des langues menacées dans le monde. « Elles fournissent à ceux qui les parlent des compétences et une expertise inestimables dans différents domaines allant de l'environnement à l'éducation, en passant par l'économie, la vie sociale et politique, et les relations familiales ».
Par ailleurs, parler sa langue est un droit de l'homme, a déclaré Ken Wyatt, Ministre australien des affaires indigènes.
« Parler sa propre langue et l'utiliser pour exprimer son identité, sa culture et son histoire constituent un droit fondamental », a ajouté M. Wyatt devant le Conseil. « Pour les populations autochtones, cela nous permet de communiquer la philosophie et les droits qui nous caractérisent et dont nos peuples ont hérité ».
Bien qu'il n'existe aucune approche uniformisée pour préserver les langues, nous pouvons nous appuyer sur plusieurs exemples de bonnes pratiques, a indiqué Lahoucine Amouzay, un chercheur de l'Institut royal de la culture amazighe au Maroc. La langue amazighe a connu une revitalisation en termes du nombre de locuteurs et d'intégration. Selon M. Amouzay, le Gouvernement marocain a joué un rôle positif en ce sens grâce à l'adoption de politiques et de projets visant à promouvoir cette langue. On peut citer notamment la reconnaissance du statut officiel de la langue amazighe dans la constitution du pays ainsi que l'établissement du Conseil national des langues et de la culture marocaine cette année.
Il a néanmoins indiqué que c'était la population elle-même qui avait le plus contribué à la revitalisation et à la préservation de cette langue.
« En fin de compte, la survie d'une langue autochtone dépend encore plus de la volonté de la communauté », a-t-il ajouté. « Pour que le processus de formalisation de la langue autochtone soit une réussite, il faut que les citoyens s'engagent envers la communauté locale et nationale à s'approprier la langue. »
« Nous pouvons tous tirer des leçons des langues autochtones et de leurs utilisateurs », a déclaré Mme Kasinskaite de l'UNESCO. « Il peut s'agir de pratiques agricoles durables, de l'utilisation de plantes médicinales ou encore de la conservation de la biodiversité », explique-t-elle. « Les locuteurs, à travers leur langue, peuvent apporter des solutions à de nombreux problèmes contemporains, comme les changements climatiques. »
Il est donc nécessaire de préserver et de renforcer les langues autochtones. En effet, alors que nous célébrons les réussites de l'Année internationale des langues autochtones, certains ont manifesté leur volonté d'aller plus loin – d'établir une décennie consacrée à la promotion, à la préservation et la protection des langues autochtones, a indiqué Mme Rishmawi du HCDH.
Kristen Carpenter, Présidente-Rapporteuse du Mécanisme d'experts sur les droits des peuples autochtones et animatrice de la réunion-débat, soutient l'idée d'une décennie dédiée à ce thème : « les langues parlées par les peuples autochtones sont des langues vivantes, même si elles et leurs locuteurs ont souffert et doivent panser leurs plaies aujourd'hui », a-t-elle indiqué. « Ces langues sont essentielles pour le présent et l'avenir des droits des peuples autochtones, et une décennie internationale des langues autochtones nous permettrait de concrétiser cette vision. »
17 octobre 2019