Pleins feux sur les droits des autochtones lors des négociations climatiques de la COP22
17 novembre 2016
«Quand j'avais sept ans, une compagnie pétrolière est venue dans mon village», lance Nina Gualinga, 23 ans, se remémorant ainsi comment sa communauté indigène Kichwa s’est vue offerte $10,000 dollars américains afin qu’elle autorise l'exploitation pétrolière au niveau des 136.000 hectares de forêt vierge qui composent le territoire des Kichwa dans L'Amazonie équatorienne.
«Notre territoire est un endroit où nous vivons en harmonie avec la nature», a déclaré Gualinga qui a passé presque toute sa vie engagée dans la lutte que mène les membres de sa communauté pour sauver leurs terres de l'exploitation pétrolière. Pour les habitants de Sarayaku, il est primordial de protéger leurs forêts en maintenant le pétrole dans le sol et en prévenant autant que possible la déforestation. De ce fait, ils parviendront à préserver à la fois leurs terres et leur mode de vie.
Sans avoir obtenu l’autorisation préalable de la communauté, les compagnies pétrolières sont arrivées en hélicoptères au début des années 2000. Lorsque les Kichwa ont résisté, des forces militaires de l'État sont arrivées et ont battu les hommes, enfoui de la dynamite sous la terre des indigènes et abattu les arbres de la forêt. Les Kichwa ont porté l’affaire devant la Cour interaméricaine des droits de l'homme à San José, où les habitants de Sarayaku ont remporté en 2012 une victoire sans précédent lorsque le tribunal a statué que le gouvernement devait consulter les communautés autochtones avant d'autoriser les compagnies pétrolières à faire des affaires sur le territoire indigène.
Bien que les Kichwa aient gagné leur procès, leurs terres restent menacées, et Gualinga continue de lutter pour les terres et les droits de son peuple. Elle cherche à protéger les ressources forestières pour les générations futures et à garantir le respect des droits des peuples autochtones.
Lors des négociations climatiques de la CdP22 à Marrakech, Gualinga a mis en évidence les impacts du changement climatique sur le peuple kichwa. En collaboration avec un réseau de militants indigènes, elle exhorte les gouvernements à accorder la priorité à la justice climatique en faveur des communautés autochtones dans les actions climatiques visant à réduire les émissions de carbone.
Tout comme les autres communautés indigènes, la communauté de Gualinga fait partie de celles qui ont le moins contribué au changement climatique, néanmoins elles subissent les effets les plus néfastes de ce dernier. S’exprimant au cours d’un panel sur l’adaptation des communautés pour réduire les risques de catastrophes et renforcer la résilience face au changement climatique, Gualinga a décrit les impacts de la variabilité du climat que son village a déjà commencé à connaitre. Elle a ainsi noté que les inondations qui se produisaient jadis tous les 15 à 20 ans, surviennent maintenant deux ou trois fois dans l’année.
«Nous voyons ces changements parce que nous sommes si proches de la nature», dit-elle. «Notre vie entière dépend d'un environnement sain.»
Dès l'entrée en vigueur de l'Accord de Paris sur les changements climatiques le 04 novembre 2016, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Zeid Ra'ad Al Hussein, a appelé les États à accorder la priorité à la protection des droits des personnes affectées de manière disproportionnée par le changement climatique. « Je demande résolument à toutes les parties qui seront à la COP22 à Marrakech de veiller à ce que la réunion porte sur l'action des États conformément à leurs obligations internationales souscrites en matière de droits de l'homme », a déclaré M. Zeid.
Le changement climatique a un impact sur un large éventail de droits de l'homme, y compris le droit à la vie, à l'eau et à l'assainissement, à la nourriture, à la santé, au logement, à la culture, au développement et à la possibilité de disposer librement de soi-même. Face à ces menaces, Gualinga et d'autres militants indigènes exigent que l'action climatique soit conforme aux accords et normes établies en matière de droits de l’homme, en particulier concernant les peuples autochtones.
Le jeudi 17 novembre marque la première Journée de la Justice Climatique, qui se tient lors de la conférence sur le changement climatique de la Convention des Parties (CdP) à Marrakech. La journée met l'accent sur l'importance de l’intégration des droits de l'homme dans l'action climatique.
17 novembre 2016