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Personnes d’ascendance africaine

« C’est mon devoir de lutter contre l’injustice. »

06 Avril 2023

Noman Al Hothaifi pendant une interview avec le HCDH © HCDH

« Un jour, alors que j’allais au travail, je suis tombé sur une femme noire et son enfant, assis devant un hôpital au Yémen. La femme était en pleurs. Je lui ai demandé ce qui n’allait pas et elle m’a répondu qu’elle et son fils venaient d’être expulsés de l’hôpital parce qu’ils étaient noirs, donc sales. »

Vingt ans plus tard, Noman Al Hothaifi se souvient encore vivement de cet instant. Ce fut pour lui un véritable tournant qui l’a poussé à quitter son poste d’inspecteur au Ministère des travaux publics et des autoroutes pour devenir un défenseur des droits humains de la communauté noire du Yémen.

« Je me suis senti responsable, en tant que personne noire, de dénoncer cette injustice », explique M. Al Hothaifi, « et c’est ainsi qu’a commencé ma lutte contre la discrimination raciale au Yémen. Je voulais défendre les droits de mon peuple, me battre pour lui. »

À 51 ans, M. Al Hothaifi est le président du Conseil national des minorités du Yémen. Il est actuellement le principal défenseur des droits des personnes d’ascendance africaine au Yémen.

« Au Yémen, la législation nationale n’est pas discriminatoire », précise-t-il. « Cependant, la discrimination raciale prévaut largement dans les pratiques sociales qui ont été transmises de génération en génération depuis l’occupation abyssine du Yémen. »

Pour Noman Al Hothaifi, cette occupation, durant laquelle le pays a été envahi et les habitants noirs ont été victimes de pratiques discriminatoires, dont l’esclavage, est considérée comme un tournant historique ayant amené les Yéménites noirs à vivre dans l’isolement, « aux confins de la société », décrit-il.

« Les Yéménites noirs étaient des marchands, des membres de la noblesse et de la royauté. L’occupation a créé des fractures sociales et les personnes noires ont soudain été mal vues et méprisées. Nous sommes devenus une sorte de race de seconde classe, traités comme des esclaves, dépouillés de tous nos droits, nous n’avions pas le droit de posséder des biens, de faire du commerce ou d’envoyer nos enfants à l’école. »

Noman Al Hothaifi a contribué à la création de nombreuses organisations civiles et de défense des droits humains représentant les personnes d’ascendance africaine au Yémen. La plus importante est l’Union nationale des personnes marginalisées, dont il est le président depuis 2007. Il est également le fondateur de Marginalized Voice News.

Pour lui, la discrimination raciale au Yémen est née d’une discrimination historique, qui s’est ensuite inscrite dans les coutumes et les traditions du peuple.

« La culture arabe est empreinte de coutumes et de traditions, et les nôtres sont assez discriminatoires à l’égard des personnes noires », explique M. Al Hothaifi. « Elles [les traditions] dictent comment nous [les Noirs] devons nous marier et comment nous devons enterrer nos morts. »

Ayant participé à divers ateliers et cours de formation sur les droits de l’homme, M. Al Hothaifi estime que l’absence de justice sociale est l’un des principaux responsables de la discrimination raciale dans le pays.

« La discrimination et les pratiques raciales doivent être clairement érigées en infractions dans la législation nationale, sinon l’état de droit restera hors de portée dans mon pays », insiste-t-il.

Pour lui, l’éducation est le principal agent de changement dans la société. Il décrit la lutte contre le racisme comme une pratique sociale qui doit commencer à la maison et dans les salles de classe.

« Les enfants noirs sont constamment victimes de harcèlement dans les écoles yéménites », déplore-t-il. « Toutefois, grâce aux efforts de plaidoyer et de sensibilisation de notre alliance, nous avons vu un nombre croissant d’élèves noirs obtenir leur diplôme de fin d’études secondaires et s’inscrire dans des universités locales [ou internationales]. »

Noman Al Hothaifi a participé à la réunion régionale pour le Moyen-Orient, dans le cadre de la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine organisée par le HCDH en octobre 2022. Cette rencontre a permis de rassembler des militants noirs de la région pour discuter des difficultés et des possibilités dans cette région. M. Al Hothaifi se dit ravi d’avoir pu « rencontrer de nouveaux amis qui partagent la même vision et le même combat ».

Au cours de cette réunion, plusieurs militants noirs de la région se sont réunis et ont décidé de créer un réseau régional pour les militants contre la discrimination.

« Ce n’est peut-être qu’un rêve », fait-il remarquer, « mais tous les rêves commencent quelque part, n’est-ce pas ? »

Quatre mois après la réunion régionale, ce rêve est devenu réalité.

Le 21 mars 2023, Noman Al Hothaifi a rejoint 33 autres militants noirs de 13 pays de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord pour lancer officiellement le premier Réseau régional pour le développement et la lutte contre le racisme au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Ce réseau bénéficie du soutien du HCDH et Noman Al Hothaifi en est le premier président. Selon lui, ce réseau est l’aboutissement d’un travail acharné et nourri d’espoir.

« Aujourd’hui, [le réseau] est un outil concret qui renforcera la solidarité humaine pour éliminer toutes les formes de discrimination raciale, en particulier dans cette région où le fossé se creuse entre le droit international des droits de l’homme et l’amère réalité de la vie quotidienne », affirme-t-il.