Aider les jeunes à aider leur communauté
08 août 2016
Milka Chepkorir Kuto a su très tôt qu’elle voulait défendre les droits de l’homme.
« Nous sommes victimes de nombreuses violations des droits de l’homme, d’expulsions forcées de nos forêts ancestrales, et nous n’avons aujourd’hui nulle part où aller où nous pouvons dire « Nous sommes chez nous », s’est-elle désolée. « C’est ainsi que j’ai commencé à défendre les droits de l’homme à l’époque où j’étais au lycée. »
Cette défenseuse des droits de l’homme autochtone âgée de 26 ans est membre du peuple autochtone Sengwer, qui occupe la forêt Embobut et Kabolet dans la vallée du Rift, au Kenya (les collines de Cherang’any). Elle a commencé par défendre les droits des filles, puis des femmes et finalement de tous les habitants des forêts autochtones. Son dévouement à cette cause l’a aussi conduite au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, où elle a participé au Programme de bourses 2016 mis en place par le Haut-Commissariat.
Le Haut-Commissariat a lancé ce programme en 1997 pour donner aux participants la possibilité de mieux connaître les mécanismes des Nations Unies relatifs aux droits de l'homme et la manière dont ils peuvent contribuer à la promotion et à la protection des droits des peuples autochtones. « Lorsque les boursiers sont de retour dans leur communauté, ils peuvent utiliser ces connaissances pour promouvoir leurs droits fondamentaux et ceux de leur communauté », a indiqué Estelle Salavin, qui coordonne ce Programme de bourses destinées aux autochtones.
Dans ce cadre unique, les boursiers autochtones du monde entier peuvent échanger des données d’expérience, établir des alliances et s’inspirer mutuellement », explique-t-elle. « Une valeur ajoutée de ce programme de formation est qu’il offre la possibilité de comprendre concrètement comment cela fonctionne en observant et en participant directement aux sessions de mécanismes relatifs aux droits de l’homme. Il donne également aux boursiers la possibilité d’établir des contacts avec des représentants de l’ONU, de ses organismes spécialisés, de gouvernements et d’ONG actives dans le domaine des droits de l’homme basés à Genève ».
Mme Kuto a expliqué que les plus grandes difficultés auxquelles font face les Sengwer touchent les femmes. Les expulsions sont caractérisées par la destruction générale des biens en mettant le feu aux habitations. « Pendant les expulsions, les hommes se cachent, car ils craignent de se faire arrêter par les fonctionnaires chargés de procéder aux expulsions », a-t-elle précisé. Mais les femmes et les enfants qui sont restés sur place regardent leurs maisons et leurs biens se transformer en cendres.
« Une femme m’a dit qu’elle n’oubliera jamais le jour où elle a vu sa maison brûler, alors que tout ce qu’elle possédait s’y trouvait », a indiqué Mme Kuto. « Il ne lui restait plus que les vêtements qu’elle portait sur elle et ses enfants. »
« Mon séjour à Genève a déjà porté ses fruits, s’est félicitée Mme Kuto. Pendant le programme de bourses, elle a appris à mieux défendre les droits de son peuple en amont, et à établir un contact avec les institutions financières internationales. En 2013, avec l’aide des anciens de la communauté, son organisation ‑ le Programme pour les peuples autochtones Sengwer ‑ a déposé une plainte devant un panel d’inspection de la Banque mondiale afin que cette dernière puisse revoir sa politique au Kenya qui, selon eux, a encouragé le Gouvernement à expulser illégalement les Sengwer de leurs terres ancestrales. « J’ai appris ici comment assurer un suivi plus efficace du rapport du panel d’inspection ». Une fois de retour au Kenya, elle a immédiatement transmis les informations à ses collègues.
Bien qu’elle soit une défenseuse engagée des droits des femmes et des filles, avant de bénéficier de cette formation, Mme Kuto ignorait l’existence de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW). Maintenant, elle sait qu’il existe des traités et des mécanismes relatifs aux droits de l’homme pour surveiller la mise en œuvre par les États des obligations qui leur incombent, ainsi que des fonctionnaires de l’ONU et des ONG disponibles pour l’aider elle et son peuple à faire valoir leurs droits fondamentaux en justice et à jouir des droits de l’homme auxquels ils ont droit.
« La difficulté, a-t-elle admis, « est juste de savoir par où commencer ».
« Je pense que j’ai trop d’informations », s’est-elle exclamée en riant. « Je me sens désorientée, mais de façon positive. Je dispose d’un grand nombre d’informations et je suis bien armée pour me mettre au travail immédiatement dès que je serai de retour », a-t-elle conclu.
Cette histoire fait partie d’une série célébrant la Journée internationale des peuples autochtones du monde, le 9 août 2016. La célébration de cette année est consacrée au droit à l’éducation, qui est protégé par de nombreux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme.
8 août 2016