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Torture et traitements inhumains

Une identité retrouvée : une réunion répare des années de souffrance en Argentine

26 avril 2016

Avant sa naissance, les parents de Guillermo ont fait partie des personnes disparues de force au cours de la dictature militaire en Argentine, des faits sinistres qu’il ignorait pendant ses années d’enfance et d’adolescence.

« À l’âge adulte, j’ai commencé à avoir des doutes au sujet de ma naissance et de l’homme et de la femme qui disaient être mes parents », se souvient Guillermo.

Depuis 1977, l’organisation de la société civile Abuelas de Plaza de Mayo (Grand-mères de la Place de Mai) recherche des petits-enfants tels que Guillermo pour les réunir avec leur famille.

Pendant la dictature militaire en Argentine, qui a duré de 1976 à 1983, les disparitions constituaient une torture psychologique pour les familles qui ignoraient ce que leurs proches étaient devenus et s’ils étaient toujours en vie.

À ce jour, Abuelas de Plaza de Mayo, une organisation qui bénéficie d’un soutien du Fonds des Nations Unies pour les victimes de la torture depuis 1990, a réuni 119 petits-enfants avec leur famille. Les fonds versés servent notamment à effectuer des analyses de l’ADN pour tirer pleinement profit d’une banque de données génétiques créée en 1987 après le retour de l’Argentine à la démocratie en vue d’aider à l’identification des petits-enfants volés pendant la dictature pour réprimer les jeunes opposants à la dictature.

« Le plus souvent, l’armée n’exécutait pas les femmes enceintes – elles étaient enfermées à Campo de Mayo, un centre de détention clandestin de l’armée, qui est devenu tristement célèbre pour être un lieu où les nouveau-nés étaient confisqués puis “disparaissaient” pour être adoptés illégalement », explique Guillermo.

« En 2007, alors que je regardais à la télévision Televisión por la Identidad, une émission sur les recherches effectuées par les Abuelas pour réunir des enfants avec leur famille à l’aide d’analyses de l’ADN, j’ai entendu parler d’une affaire dont j’ai su qu’elle me concernait », continue-t-il. « Je me suis mis à pleurer et ma petite amie m’a convaincu de me rendre à la Commission nationale pour le droit à l’identité (CONADI). »

L’histoire de Guillermo est l’une des neufs histoires présentées dans une nouvelle publication, From Horror to Healing: A life-saving journey supported by the UN Fund for Victims of Torture (De l’horreur à la guérison : un voyage pour renaître à la vie soutenu par le Fonds des Nations Unies pour les victimes de la torture). Le Fonds est géré par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme à Genève (Suisse) et célèbre le 35e anniversaire de sa création cette année.

Cette publication fournit un éclairage sur les expériences vécues par les victimes de la torture et les professionnels qui les aident à retrouver leur dignité et à bénéficier d’une réadaptation, à obtenir justice et des réparations – un chemin qui peut souvent durer plusieurs années. Ces histoires ont été rassemblées auprès d’organisations soutenues par le Fonds des Nations Unies pour les victimes de la torture, qui fournissent chaque année des services sur le plan médical, psychologique, humanitaire, social, juridique ainsi que des services de réadaptation à près de 50 000 victimes de la torture et aux membres de leur famille.

En décembre 2007, Guillermo s’est rendu à la Banque nationale des données génétiques (BNDG). Mais il n’a pas eu de réponse immédiate. Quatre mois plus tard, il a été informé que son profil génétique ne correspondait à aucun des groupes familiaux conservés dans la banque. Puis, en 2009, la CONADI l’a appelé pour lui donner rendez-vous avec sa Directrice, une rencontre qui fut riche en émotions.

« Elle m’a raconté, en pleurs, l’histoire de ma famille », se souvient Guillermo.

« Cela nous a pris deux ans de confirmer mon identité, parce que personne ne savait que ma mère était enceinte lorsqu’elle a été arrêtée avec mon père, le 17 octobre 1979. De sorte que sa famille n’avait pas déposé son ADN. Mais il se trouve qu’un survivant est venu dire que ma mère avait mis au monde un enfant alors qu’elle était en détention. Ils ont donc demandé des échantillons de sang aux frères et sœurs de mes parents – mes oncles et mes tantes – et ils ont pu confirmer que j’étais le fils de Marcela Molfino et de Guillermo Amarilla. »

Les parents de Guillermo s’étaient mariés en 1973 et avaient eu trois enfants avant d’être arrêtés.

« C’est ainsi que j’ai appris, à l’âge de 29 ans, que j’avais trois frères et une grande famille. Nous nous sommes rencontrés pour la première fois dans les locaux des Abuelas. Nous nous sommes serrés dans nos bras, et j’ai compris que plus rien ne pourrait jamais nous séparer. »

Depuis 1981, 168 millions de dollars des États-Unis de subventions ont été distribués par le Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture, qui est géré par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme, à plus de 630 organisations qui apportent une aide directe sur le plan médical, psychologique, humanitaire, social et juridique aux victimes de la torture.

26 avril 2016