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Les personnes qui se déplacent ont des droits qu’il faut protéger

15 Septembre 2015

Les droits des travailleurs migrants sont régulièrement bafoués, à plus forte raison lorsqu’ils sont en situation irrégulière, a observé le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Zeid Ra’ad Al Hussein.

« Ils se voient non seulement dénier les droits les plus fondamentaux, concernant la protection des travailleurs, la sécurité individuelle, la garantie d’une procédure équitable, la santé et, dans le cas de leur enfants, l’éducation ; mais ils font aussi l’objet d’abus aux frontières internationales, dont des détentions prolongées et des mauvais traitements. Et dans certains cas, ils risquent d’être victimes de la traite des personnes, d’être réduits en esclavage, de subir des agressions sexuelles et d’être assassinés. »

M. Al Hussein a tenu ces propos lors d’une réunion-débat organisée à l’occasion du 25e anniversaire de la convention sur les travailleurs migrants, réunion-débat qui visait non seulement à analyser les évolutions actuelles en matière de migrations mais à solliciter le point de vue des pays de destination sur la manière dont ils faisaient face aux défis suscités par la protection des droits des migrants.

L’adhésion aux normes destinées à protéger les migrants a été faible à travers le monde, puisque seuls 48 États ont ratifié le texte, même s’il est prouvé que la migration a contribué au développement économique et à la hausse de la natalité dans des pays à la population vieillissante.

La Directrice de la Plate-forme pour la coopération internationale sur les migrants sans papiers, Michele Levoy, a fait remarquer que plus de 30 000 réfugiés et migrants avaient péri en tentant de rallier l’Europe ou d’y séjourner depuis 2000. En 2014, plus de 276 000 personnes en situation irrégulière sont entrées en Europe, un nombre en hausse de 159% par rapport à 2013. Cependant, a souligné Mme Leroy, aucun État membre de l’Union européenne n’a ratifié la Convention sur les travailleurs migrants. 

« Les critères stricts qui régissent le regroupement familial et l’insuffisance des filières migratoires sont les principaux facteurs à l’origine du trafic des êtres humains », a-t-elle observé, évoquant la photo du petit Aylan Kurdi, symbole mondial d’une crise politique concernant la migration. « La politique sécuritaire adoptée en matière de migration conduit à des violations des droits de l’homme, y compris le placement d’enfants en détention et la restriction des services sociaux. »

Diego Lorente Pérez de Eulate, du Centro de Derechos Humanos Fray Matías de Córdova Tapachula, au Chiapas (Mexique), a également insisté sur la situation des enfants migrants, en particulier dans les trois pays du Triangle Nord de l’Amérique centrale (El Salvador, Guatemala et Honduras), suffisamment désastreuse pour les inciter à endurer mille et un périls tout au long de leur transit et même une fois arrivés à destination.

Selon M. Pérez de Eulate, l’insuffisance des politiques de protection des droits de l’enfant et la corruption au sein des structures de l’État, la pauvreté, l’absence de systèmes éducatifs, le taux élevé d’homicides et le grand nombre d’abus subis par les enfants dans les pays d’origine sont autant de facteurs qui contribuent à la migration des mineurs, accompagnés ou non accompagnés, en situation irrégulière.

À leur arrivée aux États-Unis, les enfants migrants originaires d’Amérique centrale sont presque systématiquement arrêtés et expulsés, en l’absence de toute procédure juridique. Les enfants sont passibles d’expulsion si leur demande d’asile est rejetée et ceux qui sont nés sur le sol américain risquent d’être séparés de leur famille lorsque leurs parents sans papiers sont expulsés.

« En 2013, 17 240 enfants ont été arrêtés et ils ont tous été expulsés ; 740 enfants ont été placés en détention préventive » a indiqué M. Pérez de Eulate. « On estime que 152 000 enfants américains perdent chaque année un de leurs parents suite à une expulsion. »

Mustafa Qadri, d’Amnesty International, a souligné la nécessité d’entreprendre de toute urgence des réformes dans les États du Golfe. La kafala, système de parrainage qui régit le recrutement des travailleurs migrants, a favorisé le travail forcé, a-t-il indiqué, et la crainte d’une arrestation, suivie d’une expulsion, paralyse les travailleurs désireux de quitter l’employeur qui les maltraite.

« Nous devrions donc prendre le temps de réfléchir aujourd’hui à l’importance de la Convention pour la protection des droits des travailleurs migrants, mais aussi à la nécessité de poursuivre les efforts et la coopération pour assurer aux millions de travailleurs migrants [présents dans les pays du Conseil de coopération du Golfe] la dignité, le respect et la protection qu’ils méritent. »

Défis auxquels les États sont confrontés pour faire face à ces crises

Les Philippines figurent parmi les principaux pays d’origine des travailleurs migrants présents dans le Golfe, et, comme l’a souligné la Représentante permanente des Philippines auprès des Nations Unies à Genève, Cecilia Rebong, et parmi les tout premiers États signataires de la convention sur les travailleurs migrants. Mme Rebong a indiqué que son pays avait adopté un certain nombre de bonnes pratiques visant à protéger les droits fondamentaux des migrants philippins et de leurs familles.

Les mesures prises pour garantir les droits des travailleurs migrants consistent notamment à veiller à ce que les candidats à l’émigration acquièrent une qualification, suivent un séminaire obligatoire d’orientation avant leur départ et s’inscrivent à une caisse mutuelle. Par ailleurs, les agences de recrutement locales sont tenues de souscrire une assurance-maladie pour les travailleurs migrants récemment embauchés ; enfin, l’État a mis en place un dispositif d’aide aux ressortissants philippins en difficulté à l’étranger. Cependant, a souligné l’Ambassadrice, la protection effective des migrants relève à la fois de la responsabilité des pays d’origine et de celle des pays de destination.

Peter Sørensen, Chef de la délégation de l’Union européenne auprès des Nations Unies à Genève, a insisté sur l’ampleur des défis auxquels l’Europe était actuellement confrontée, rappelant que la crise concernait davantage des êtres humains en quête de protection que des travailleurs migrants. « Cela donne lieu à des obligations différentes, mais en aucun cas cela ne dispense de l’obligation de protéger les droits de l’homme. »

M. Sørensen a cité les chiffres de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), qui estime que 320 000 personnes ont tenté de rallier l’Europe par voie de mer. Quatre-vingt-dix-neuf pour cent d’entre elles sont arrivées à bon port, grâce à la multiplication par trois, en avril, des opérations de secours en mer Triton et Poséidon menées par l’UE.

« Tout en continuant à soutenir les efforts qui visent à apporter une solution politique à la crise syrienne – seul véritable espoir de changement – l’UE reste déterminée à aider les pays qui assument l’essentiel des charges associées à l’accueil des réfugiés », a-t-il déclaré. « Nous avons tous le devoir de mettre davantage la main au porte-monnaie pour aider les personnes qui sont en première ligne, les véritables victimes du conflit et des destructions ».

15 septembre 2015