Déclarations Haut-Commissariat aux droits de l’homme
Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme Volker Türk conclut sa visite officielle en Colombie
25 janvier 2023
Bonjour.
Je reviens d’une cérémonie au Ministère des affaires étrangères, où j’ai signé un nouvel accord avec le Gouvernement permettant de prolonger la présence du HCDH en Colombie jusqu’en 2032.
Je tiens à exprimer ma profonde gratitude au Gouvernement pour cet accord, qui nous permettra de poursuivre et, j’espère, de renforcer notre travail ici. Comme beaucoup d’entre vous le savent, la Colombie est l’une des plus anciennes et des plus importantes présences sur le terrain du HCDH. Depuis près de 26 ans, son personnel engagé et expérimenté travaille aux côtés des Colombiens et des Colombiennes pour améliorer la situation des droits humains de toutes les personnes en Colombie. Le HCDH joue un rôle précieux d’intermédiaire entre les communautés et l’État, et ces efforts se poursuivront, bien entendu.
Je tiens également à remercier le Gouvernement colombien pour son invitation à organiser une visite dans le pays. Au cours de mon court séjour, j’ai eu l’occasion de rencontrer notamment les ministres de la défense, de l’intérieur et de la justice, le Haut-Commissaire pour la paix, le Procureur général et le Médiateur, le Chef de la Mission de vérification des Nations Unies, ainsi que des représentants de la société civile, des peuples autochtones et afro-colombiens et des membres de la communauté internationale.
Lors de ma rencontre avec le Président Gustavo Petro cet après-midi, j’ai salué la nouvelle politique de « paix totale » de son Gouvernement, notamment l’engagement à appliquer pleinement l’accord de paix de 2016 avec les FARC-EP. J’ai également salué la reprise des pourparlers avec l’Armée de libération nationale (ELN). Le Gouvernement peut compter sur l’expertise spécifique du HCDH pour accompagner les négociations et donner des conseils sur les questions liées aux droits de l’homme, notamment sur les droits des victimes.
L’ampleur des défis est considérable : des conflits et des violences qui durent depuis des décennies, des inégalités structurelles profondément ancrées, la discrimination et l’exclusion et la présence faible ou inexistante de l’État dans de nombreuses zones rurales touchées par les conflits.
Les problèmes de la Colombie, notamment le racisme et la discrimination profondément enracinés, remontent à des décennies, voire des siècles. Et ils demeurent encore, comme l’ont souligné les représentants des peuples autochtones et des Afro-Colombiens, et, bien sûr, ces communautés, dont la situation a été trop longtemps presque invisible pour beaucoup, ont souffert de manière disproportionnée des conflits et de la violence.
Les niveaux de violence que les communautés subissent de la part de divers groupes armés sont inimaginables. Les déplacements, les détentions, les violences sexuelles et fondées sur le genre, les massacres font partie de leur quotidien. Nous devons tous soutenir les efforts visant à mettre un terme à cette situation.
Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires, en 2022, environ 102 000 personnes n’ont pas pu entrer et sortir de leur zone sans autorisation, et se sont retrouvées isolées, sans accès à l’aide humanitaire. En outre, 82 860 personnes ont été récemment déplacées. Il est important que tous les acteurs armés garantissent l’accès humanitaire dont les communautés ont si désespérément besoin. Dans un conflit armé, toutes les parties doivent agir conformément à leurs obligations et responsabilités en vertu du droit international humanitaire et dans le respect du droit international des droits de l’homme, le cas échéant.
En ce qui concerne plus particulièrement les négociations de paix en cours, il est important que les autorités colombiennes veillent à ce que les négociations avec l’ELN et les dialogues avec les autres acteurs armés tiennent pleinement compte des droits de l’homme dès le départ. Comme je l’ai entendu lors de mes rencontres avec des représentants de la société civile, les négociations doivent mettre l’accent sur les victimes et les communautés touchées, et la participation de ces dernières doit être garantie. Il sera crucial que les femmes puissent participer de manière significative aux pourparlers de paix.
Au cours de mes échanges, j’ai pu voir l’espoir qu’ont les représentants de la société civile. L’un d’eux a décrit ce sentiment comme le fait de voir le ciel bleu apparaître après un ouragan. Toutefois, ils ont aussi souligné qu’en raison des profondes inégalités en Colombie, surtout dans les zones rurales, la paix avec les groupes armés ne suffit pas à elle seule, et la mise en œuvre de l’accord de 2016 et le développement rural sont essentiels.
Le Gouvernement s’engage à prendre des mesures positives pour que les personnes traditionnellement marginalisées et exclues puissent jouir pleinement de leurs droits humains, notamment en ce qui concerne la politique sociale, le secteur de la sécurité, la protection de l’environnement et la politique en matière de drogues. J’espère que le Ministère de l’égalité nouvellement créé sera en mesure de faire avancer la mise en œuvre des politiques qui sont nécessaires pour mettre fin à la discrimination.
La propriété foncière étant l’une des causes profondes des conflits qui durent depuis des décennies, il est essentiel que la réforme rurale, telle que définie dans les accords de paix avec les FARC-EP, soit mise en œuvre.
La réforme du secteur de la sécurité, notamment de la police, est un autre domaine clé. Je salue le fait que le Gouvernement ait exprimé sa volonté d’entreprendre cette démarche grâce à une approche fondée sur le respect des droits de l’homme. Le HCDH espère signer prochainement un mémorandum d’accord avec le Ministère de la défense afin de soutenir l’intégration des normes internationales relatives aux droits de l’homme dans le travail des forces de sécurité.
N’oublions pas que pour 2022, le bureau du HCDH en Colombie a jusqu’à présent pu confirmer 83 cas de massacres et 112 meurtres de défenseurs des droits humains.
Depuis la pandémie, nous constatons un accroissement de la violence dans les zones rurales où la présence de l’État est faible ou inexistante. Il ne fait aucun doute pour moi que l’état de droit dans les zones particulièrement touchées par la violence et les conflits doit être consolidé en renforçant la présence et la capacité des institutions civiles de l’État.
Des mesures décisives s’imposent, notamment le démantèlement des groupes armés non étatiques et des organisations criminelles qui sont principalement responsables d’une grande partie de cette violence.
À travers la Colombie, les défenseurs des droits humains jouent un rôle essentiel en défendant les plus vulnérables. Travaillant dans des zones touchées par la violence, ils sont trop souvent eux-mêmes en danger. Les défenseurs des droits humains m’ont fait part de leur inquiétude quant au manque de protection et à l’absence d’établissement des responsabilités. Je salue donc les importantes mesures d’urgence mises en place par le Gouvernement à la demande de la société civile, pour faire face aux risques de protection des défenseurs des droits humains dans ces zones. Nous continuerons à faire tout notre possible pour aider le Gouvernement dans la mise en œuvre de ses politiques de protection des défenseurs des droits humains et visons à conclure un mémorandum d’accord avec le Ministère de l’intérieur à ce sujet.
En ce qui concerne la violence, la politique en matière de drogues a été l’un des points que j’ai abordés lors de ma rencontre avec le Président Petro. J’ai fait part de mon soutien à l’évolution de la politique en matière de drogues allant d’une approche principalement punitive vers une approche plus sociale et davantage axée sur la santé publique. En s’attaquant à l’une des causes de la violence en Colombie, cette approche pourrait contribuer à mieux protéger les droits des agriculteurs ruraux et des communautés autochtones et afro-colombiennes. Une approche de la santé publique permettrait d’offrir de meilleurs services aux personnes qui consomment des drogues, tant en Colombie que dans le reste du monde. Le HCDH est prêt à aider le Gouvernement à renforcer la protection des droits de l’homme dans ses politiques de lutte contre le commerce illégal de la drogue.
Je salue les importants progrès réalisés par les mécanismes de justice transitionnelle. Lors de mes discussions avec les membres du système général de paix, j’ai convenu avec eux de l’importance vitale de garantir les droits des victimes à la vérité, à la justice, à la réparation et à la non-répétition, pour rétablir la confiance entre les communautés et l’État. L’engagement annoncé par le Gouvernement de mettre en œuvre les recommandations de la Commission de la vérité est extrêmement important pour s’attaquer aux causes profondes de la violence et du conflit, et dans le cadre du processus de guérison.
Je me félicite des premières résolutions finales émises par la Juridiction spéciale pour la paix sur la politique de prise d’otages des FARC-EP et sur les cas de civils tués par les militaires et présentés ensuite comme des membres de la guérilla tués au combat (connus sous le nom de « falsos positivos »). Cela est essentiel pour faire avancer les droits des victimes du conflit armé.
Je tiens également à reconnaître le rôle central joué par les femmes de manière générale, et notamment dans la recherche inlassable de leurs proches toujours portés disparus. J’appelle donc à une coordination efficace entre les institutions de l’État afin que l’Unité de recherche des personnes disparues puisse remplir pleinement son mandat.
Le chemin de la Colombie pour sortir de décennies de conflit et de son héritage sera sans aucun doute long et souvent difficile, pour les raisons que j’ai évoquées. Mais je quitte la Colombie en étant optimiste pour le pays et avec beaucoup d’espoir.
Hier soir, mardi, j’ai pris la parole lors d’un événement organisé par l’Ambassadeur de Suède pour célébrer le 75e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme.
J’étais accompagné de Francia Márquez, la première Vice-Présidente afro-colombienne de Colombie, une militante des droits de l’homme et de la justice environnementale avec laquelle le HCDH a travaillé pendant des années, et de Daniela Soto, une jeune responsable autochtone, elle-même victime du conflit armé, qui a parlé avec éloquence de la nécessité de protéger toute vie humaine – et la nature.
Ces deux femmes représentent la Colombie dans toute sa diversité et sa richesse raciale. Elles sont l’incarnation de ce que j’ai souligné hier soir, à savoir que l’égalité, la justice, la liberté, l’approche commune du développement et la participation aux décisions sont des valeurs que nous partageons tous, et des droits que nous méritons tous.
Merci.
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