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Déclarations Haut-Commissariat aux droits de l’homme

Colombie : le Haut-Commissaire Volker Türk promet de raviver l’esprit de la Déclaration universelle des droits de l’homme

24 janvier 2023

Dignité, liberté et justice pour tous : le Haut-Commissaire Volker Türk planifie le 75e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme durant une réunion à Bogota. © HCDH

Prononcé par

Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme

À

Célébration de la DUDH 75 en Colombie

A partir de

Bogota, Colombie


Soixante-quinzième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme
 

Excellences,

Chers amis,

Je tiens à remercier l’Ambassadrice Storm de m’avoir invité, ainsi que Daniela Soto pour ses contributions en faveur de la justice et de l’égalité, en particulier pour les jeunes, les peuples autochtones, les personnes d’ascendance africaine et les femmes.

J’aimerais également rendre hommage à la carrière remarquable de la Vice-Présidente Francia Márquez, à la fois en tant que militante des droits de l’homme et de la justice environnementale et en tant qu’avocate. La force symbolique dont elle fait preuve dans le cadre de ses responsabilités est une source d’inspiration pour les nombreuses personnes qui luttent pour la dignité et l’égalité dans le monde.

Nous sommes ici pour parler d’un tournant décisif sur la voie menant à une plus grande dignité humaine.

Un simple document, issu de cultures du monde entier, qui a entraîné des changements colossaux dans la vie des individus, dans les politiques et dans les mentalités.

Dans ce document, il n’y a pas de Nord ou de Sud, pas de pauvres ou de riches, pas de droite ou de gauche, pas de barrières de couleur, de genre ou de classe.

Nous sommes tous nés égaux. Nous partageons les mêmes droits humains fondamentaux : les droits civils et politiques, les droits économiques, sociaux et culturels, et le droit au développement.

Le droit d’être libre de toute forme de discrimination, de détention arbitraire et de torture.

Les droits à l’éducation et à une alimentation adéquate, à la santé, à l’eau potable, à l’assainissement, aux protections sociales et au logement.

La liberté d’expression et d’opinion, et le droit à la vie privée. La liberté d’association et de réunion, y compris le droit de manifester pacifiquement.

Le droit à des conditions de travail justes et équitables.

Le droit à un procès équitable et à une égale protection de la loi.

Le droit de participer librement et véritablement aux affaires publiques.

Il y a soixante-quinze ans, au milieu des ruines laissées par la Seconde Guerre mondiale, des États de toutes les régions du monde se sont réunis pour créer une déclaration capable de mettre fin aux cycles d’horreur, de destruction et de pauvreté que le monde avait endurés.

Ils ont soutenu unanimement ce texte. Car ils savaient, à la lumière de cette amère expérience, que les droits de l’homme étaient nécessaires pour que les communautés, les pays et l’humanité puissent laisser derrière eux la guerre, les inégalités et la misère.

Au cours des 75 dernières années, la Déclaration universelle des droits de l’homme a permis de réaliser des progrès considérables en matière de liberté et de développement. De nombreuses structures qui perpétuaient de graves discriminations raciales et de genre ont été démantelées. La pauvreté a été réduite et des progrès considérables ont été réalisés en matière d’éducation et de santé.

La nécessité d’avoir des gouvernements et des institutions à l’écoute et favorisant l’inclusion s’est affermie. De nombreux pays ont retrouvé leur indépendance.

Au fil des ans, de nombreux engagements initialement inscrits dans la Déclaration universelle des droits de l’homme ont été mis en œuvre. Les traités internationaux et les cadres régionaux ont défini les droits et les obligations de manière plus détaillée. Les droits ont été concrétisés au niveau national par des processus législatifs et judiciaires. De nouveaux droits qui n’avaient pas été envisagés au moment de l’adoption de la Déclaration ont été reconnus, comme le droit à un environnement propre, sûr et sain.

De nombreuses institutions cruciales ont été créées pour améliorer la vie de la population, sur la base de l’engagement fondamental de la Déclaration en faveur des droits de l’homme. Dans ce pays, le nouveau Ministère de l’égalité est l’un de ces organismes : une avancée qui, nous l’espérons, permettra de mettre en œuvre les politiques nécessaires pour mettre fin à la discrimination à l’égard des femmes, des peuples autochtones, des personnes d’ascendance africaine, des agriculteurs et des communautés rurales, des jeunes, des LGBTI+, des personnes handicapées et d’autres personnes en Colombie.

Plus important encore peut-être, la DUDH a suscité un militantisme et une solidarité dynamiques, créatifs et forts, permettant aux gens de revendiquer leurs droits et de s’engager activement dans leurs communautés et leurs sociétés. Au cours des sept dernières décennies, dans toutes les régions du monde, les défenseurs des droits humains et les militants de la société civile se sont levés pour exiger la réalisation de nos droits.

Ce pays est un bel exemple de cette action. Je tiens à rendre hommage aux nombreux militants et défenseurs des droits humains de Colombie, qui ont accompli des travaux considérables pour favoriser la justice, la paix et un développement plus durable, pour le peuple colombien. Je suis profondément préoccupé par la violence dont ils font l’objet – une violence qui vise de manière disproportionnée les dirigeants et les militants autochtones et d’ascendance africaine, et qui est principalement le fait d’acteurs armés non étatiques. Il est essentiel de veiller à ce que les responsables de ces crimes, notamment les 112 meurtres de défenseurs des droits humains identifiés par le HCDH l’année dernière, rendent des comptes.

J’encourage aussi vivement de renforcer les moyens d’action de la société civile en Colombie, notamment des défenseurs des droits humains, des responsables locaux, des femmes et des jeunes, afin de parvenir à une paix durable et viable. Le HCDH soutiendra tous ces efforts, et nous sommes prêts à apporter notre soutien à la nouvelle politique de « paix totale » du Gouvernement, notamment son engagement à mettre pleinement en œuvre l’accord de paix de 2016 avec les FARC-EP, et les pourparlers avec l’Armée de libération nationale (ELN). Les victimes devraient pouvoir participer de manière significative à ces discussions, qui devraient inclure un dialogue approfondi sur des questions relatives aux droits de l’homme.

Dans l’ensemble, les progrès récents de la Colombie sur plusieurs questions importantes relatives aux droits de l’homme ont été impressionnants. Mais ce n’est pas le cas à l’échelle mondiale. Comme l’a déclaré le Secrétaire général des Nations Unies la semaine dernière à Davos, « nous sommes aujourd’hui confrontés aux niveaux les plus graves de division géopolitique et de méfiance depuis des générations, et cela compromet tout ».

Le monde est en train de tourner le dos à des décennies de progrès réalisés en matière de droits de l’homme. Face à la récession mondiale, aux conflits et aux crises, à la menace globale des changements climatiques et aux nombreuses atteintes aux droits de l’homme et à l’avenir de l’humanité, il est urgent de raviver l’esprit et l’engagement de la DUDH.

Nous devons forger un nouveau consensus mondial sur les droits, et commencer à reconstruire notre confiance mutuelle et notre travail commun pour un avenir meilleur.

Je suis convaincu qu’ensemble, sur la base de nos valeurs profondément ancrées et partagées, nous pouvons construire un monde meilleur, plus égal, plus juste et plus prospère pour nous tous, et pour les générations à venir.

Je pense que beaucoup d’entre vous partagent cet objectif. Mais vous vous demandez comment.

Permettez-moi d’insister sur deux points :

Premièrement, les droits de l’homme et la Déclaration universelle des droits de l’homme sont universels. L’égalité, la justice, la liberté, l’approche commune du développement et la participation aux décisions sont des valeurs que nous partageons tous, et des droits que nous méritons tous. Ils peuvent, et doivent, prendre vie en utilisant diverses méthodes dans différentes sociétés, mais ils ne sont pas limités à une région, un groupe ethnique, un sexe ou un genre.

Deuxièmement, je tiens à souligner l’insistance de la Déclaration sur le lien entre la liberté et la justice économique et sociale – et sur la relation entre ces dernières et la paix. La DUDH est un ensemble intégré de principes.

La distinction artificielle entre les droits civils et politiques d’une part et les droits économiques, sociaux et culturels d’autre part est un phénomène politique datant de la guerre froide qui est loin derrière nous et ne reflète pas la réalité et la richesse de l’expérience humaine. Nous devons y renoncer.

Nous devons mettre l’accent sur les actions.

Les actions, tant à l’échelle mondiale que nationale, qui s’attaquent aux inégalités, renforcent les protections sociales et éliminent la discrimination et les autres causes profondes des conflits, des crises environnementales et de la misère.

Des actions qui garantissent que les droits de l’homme offrent des solutions à certains de nos défis les plus urgents. Partout, car les droits de l’homme sont universels, sans exception, et avec une attention égale et interconnectée aux droits civils, culturels, économiques, politiques et sociaux.

J’ai récemment lancé un appel auprès des États pour qu’ils libèrent les personnes détenues arbitrairement. Cet appel a été une première étape dans la mise en œuvre de la DUDH 75. Nous assurerons le suivi des cas spécifiques devant être résolus. Tout au long de l’année, nous lancerons d’autres appels aux États et à d’autres acteurs pour mener des actions spécifiques fortes leur permettant de manifester leur engagement envers la Déclaration universelle des droits de l’homme, et qui se termineront par un événement de haut niveau d’annonces de contributions tenu à la fin de l’année pour les gouvernements et autres parties prenantes.

Nous devons mettre l’accent sur les personnes.

Nous devons faire mieux pour atteindre de nombreux groupes – en particulier les jeunes – afin de lutter contre le désespoir et les encourager à s’unir aux mouvements de défense des droits de l’homme. Nous devons leur donner les outils et les ressources dont ils ont besoin pour y parvenir. Les mouvements contre la discrimination, les mouvements pour les droits des travailleurs, les mouvements pour la justice climatique, l’égalité des genres, les droits fonciers ou l’instauration ou le renforcement de l’état de droit – ces milliers de courants peuvent se rejoindre et former un grand fleuve imposant : le mouvement pour les droits de l’homme.

Nous devons nous tourner vers l’avenir.

Je vois ce 75e anniversaire de la Déclaration universelle comme un tremplin permettant de propulser les droits de l’homme vers ces 75 prochaines années. Ensemble, j’aimerais que nous prenions part à des discussions visant à apporter des solutions pratiques aux problèmes existentiels et aux nouvelles questions relatives aux droits de l’homme qui menacent l’humanité, comme les dommages causés à l’environnement et à la biodiversité, et les nombreuses avancées technologiques et numériques.

Les organismes de défense des droits de l’homme doivent se préparer à un travail beaucoup plus important.

Le HCDH profitera de cette occasion pour se renouveler. Je prévois de renforcer nos liens avec l’ensemble du système des Nations Unies et au sein de l’écosystème international des droits de l’homme. Les outils et les directives en matière de droits de l’homme doivent guider la conception et la mise en œuvre des activités de l’ONU de manière forte, pragmatique et transparente, de manière à atteindre plus efficacement les populations où qu’elles se trouvent, et pour qu’ils leur soient bénéfiques.

Rien de cela n’est facile. Le monde est plus compliqué et plus dangereux aujourd’hui qu’il ne l’a été pendant des décennies. Mais c’est exactement le bon moment pour chercher et trouver des solutions – des solutions qui prennent en compte nos intérêts communs et nous relient les uns aux autres.

La Déclaration universelle des droits de l’homme est une déclaration éloquente et puissante des valeurs fondamentales qui unissent toute l’humanité.

Le respect de ces valeurs est le plus important facteur pour garantir la paix, le développement durable, et un avenir de l’humanité qui assure la dignité, l’égalité et le respect pour tous.

Merci

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