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Le 3 octobre 2014, dans la résolution 27/21 et son rectificatif (Corr.1) daté du 17 novembre 2014, le Conseil des droits de l’homme a créé le mandat du Rapporteur spécial sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme. Le mandat, tel que défini au paragraphe 22, consiste à : 

a) recueillir toutes les informations pertinentes, d’où qu’elles proviennent, notamment auprès des gouvernements, des organisations non gouvernementales et de toute autre partie, concernant les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme ;

b) étudier les tendances, les faits nouveaux et les problèmes liés aux effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme et formuler des lignes directrices et des recommandations sur les moyens de prévenir, de réduire et de corriger les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur les droits de l’homme ;

c) procéder à un examen d’ensemble des mécanismes indépendants permettant d’évaluer les mesures coercitives unilatérales en vue de promouvoir le principe de responsabilité ;

d) contribuer à renforcer la capacité du Haut-Commissariat de fournir aux pays touchés une assistance technique et des services consultatifs en vue de prévenir, de réduire et de corriger les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur les droits de l’homme.

Au paragraphe 23 de la même résolution, le Rapporteur spécial est prié, dans le cadre de son mandat :

a) d’appeler l’attention du Conseil des droits de l’homme et du Haut-Commissariat sur les situations et les cas se rapportant aux effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur la pleine réalisation des droits de l’homme ;

b) de coopérer avec d’autres organismes compétents des Nations Unies, notamment avec le Haut-Commissariat, les organes créés en vertu d’instruments relatifs aux droits de l’homme, les procédures et mécanismes spéciaux, les institutions spécialisées, les différents fonds et programmes, les organisations intergouvernementales régionales et leurs mécanismes, en vue de prévenir, de réduire et de corriger les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur les droits de l’homme.

Le 6 octobre 2020, dans sa résolution 45/5, le Conseil des droits de l’homme a prorogé le mandat du Rapporteur spécial, tel que décrit dans sa résolution 27/21, pour une durée de trois ans. 

Les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme

Les mesures coercitives unilatérales ont été définies par le Conseil des droits de l’homme dans ses résolutions 27/21 et 45/5. Elles englobent les mesures économiques et politiques imposées par un ou un groupe d’États pour contraindre un autre État à subordonner l’exercice de ses droits souverains, en vue de modifier sa politique de façon spécifique. Ces mesures sont différentes de celles prises par le Conseil de sécurité en vertu de l’article 41 de la Charte des Nations Unies. En règle générale, toute mesure unilatérale, y compris toute mesure nationale ou internationale imposée par un État Membre pour faire appliquer les mesures du Conseil de sécurité, doit respecter le droit international, notamment le droit international des droits de l’homme, le droit international des réfugiés et le droit international humanitaire.

Vision du mandat

Dans son premier rapport thématique (A/HRC/45/7) au Conseil des droits de l’homme, Mme Alena Douhan, Rapporteuse spéciale sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l'exercice des droits de l’homme, souligne que tout acte ou moyen hostile auquel un État peut avoir recours pour faire pression sur un autre État ne s’apparente pas nécessairement à une mesure coercitive unilatérale. Dans le même temps, les États sont libres de choisir leurs partenaires commerciaux, économiques ou autres. Le droit international coutumier prévoit la possibilité de recourir à des actes hostiles qui ne violent pas le droit international et de réagir de manière proportionnée aux violations des obligations internationales, pour autant que ces actes et ces réactions obéissent aux restrictions énoncées dans le texte du projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite.1

Dans le cadre de son mandat, la Rapporteuse spéciale garde à l’esprit les écarts considérables entre les États qui imposent les sanctions et les États sanctionnés, y compris s’agissant de la définition de ce qui constitue une activité légale ou illégale et du type d’action unilatérale (sanction) prise sans l’autorisation du Conseil de sécurité ou outrepassant son autorisation et pouvant ou devant être considérée comme une mesure coercitive unilatérale. Elle garde également à l’esprit la licéité d’une action unilatérale du point de vue de la Charte des Nations Unies, du droit international humanitaire, du droit international des droits de l’homme et des autres domaines du droit, ainsi que les conséquences humanitaires des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme, le niveau d’efficacité des exemptions humanitaires et l’insuffisance des mécanismes de radiation, de contrôle, de réparation et d’indemnisation.

Dans le rapport susmentionné, la Rapporteuse spéciale souligne que des progrès sur ces questions ne seront possibles que sur la base du consensus et moyennant l’élaboration d’un cadre juridique approprié qui tienne compte des préoccupations légitimes des États concernés et qui comble les lacunes concernant la promotion des droits de l’homme et la protection contre les violations systématiques et flagrantes de ces droits. Dans le rapport, le terme « sanctions unilatérales » est employé sans préjuger en aucune façon de la légalité ou de l’illégalité de ces sanctions. Il fait référence à tout moyen de pression appliqué par des États ou des organisations internationales sans l’autorisation du Conseil de sécurité ou outrepassant son autorisation.

Dans son premier rapport thématique (A/75/209) à l’Assemblée générale, la Rapporteuse spéciale souligne que les sanctions unilatérales prises sans l’autorisation du Conseil de sécurité ou outrepassant celle-ci doivent être évaluées du point de vue de leur légalité au regard du droit international. Les effets de ces sanctions sur les droits de l’homme, y compris dans les situations d’urgence, doivent être examinés dans le cadre de ces évaluations. La coopération internationale aux niveaux bilatéral et multilatéral doit être fondée sur les principes de légalité et de respect de l’état de droit, conformément aux obligations découlant de la Charte des Nations Unies, du droit international humanitaire et du droit des droits de l’homme, ainsi qu’aux autres obligations internationales, en particulier dans le contexte du défi mondial créé par la pandémie.

En aucun cas, le commerce de denrées alimentaires ou de biens et de produits humanitaires essentiels, tels que les médicaments, les antiviraux, le matériel médical, ses composants et les logiciels correspondants ne doit faire l’objet d’une quelconque forme de mesure ou de sanction économique unilatérale directe ou indirecte. En conséquence, tout obstacle à ce commerce ou aux contrats, aux opérations financières, aux transferts de devises ou de documents de crédit et au transport appropriés qui entrave la capacité des États à lutter efficacement contre la pandémie de COVID-19 et qui les prive de soins médicaux vitaux et d’accès à l’eau potable et à la nourriture doit être levé ou au moins suspendu jusqu’à ce que la menace soit éliminée.

La Rapporteuse spéciale salue tous les efforts déployés pour apporter une aide humanitaire, mais elle souligne que les exemptions humanitaires restent inefficaces et inadaptées. Les organisations humanitaires considèrent les sanctions unilatérales comme le principal obstacle à l’acheminement de l’aide. En règle générale, et en particulier dans tout contexte d’urgence, y compris la pandémie de COVID-19, la gestion des exemptions humanitaires ne doit pas reposer sur des autorisations, mais sur un système d’enregistrement. En d’autres termes, les exemptions doivent être organisées en partant du principe que leur finalité est véritablement humanitaire, et la charge de la preuve du contraire doit incomber aux autres.

Dans ce contexte, la Rapporteuse spéciale exhorte les États, les organisations internationales et les autres acteurs concernés à lever, réexaminer et réduire au minimum toute l’étendue des sanctions unilatérales, à garantir que ni les médecins ni les centres de recherche médicale ne sont visés, et à s’assurer que les exemptions humanitaires sont efficaces et pleinement adaptées pour permettre aux États visés par les sanctions d’assurer la protection de leur population face à la COVID-19, de redresser leur économie et de garantir le bien-être de leur population au lendemain de la pandémie.

En ce qui concerne les préoccupations relatives aux effets néfastes des mesures coercitives unilatérales, en particulier sur les droits humains des populations des pays ciblés, elles sont exprimées depuis longtemps par les Nations Unies, notamment dans un certain nombre de décisions et de résolutions du Conseil des droits de l’homme et de l’Assemblée générale, ainsi que par la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) et d’autres grandes conférences internationales. 

La résolution 27/21 du Conseil des droits de l’homme réaffirme à cet égard que la poursuite de l’application de mesures coercitives unilatérales a des « conséquences négatives […] pour l’action sociale et humanitaire et le développement économique et social des pays en développement, notamment leurs incidences extraterritoriales, créant ainsi de nouveaux obstacles au plein exercice de tous les droits de l’homme par les peuples et les individus relevant de la juridiction d’autres États ». La même résolution souligne les préoccupations concernant « les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur le droit à la vie, les droits à la santé et aux soins médicaux, le droit d’être à l’abri de la faim et le droit à un niveau de vie suffisant, à l’alimentation, à l’éducation, au travail et au logement », et fait référence au « coût humain disproportionné et arbitraire des sanctions unilatérales et leurs effets négatifs sur la population civile des États ciblés, notamment les femmes et les enfants ». 

Instruments internationaux pertinents

Les instruments internationaux suivants fournissent un cadre juridique et une orientation au travail mené par la Rapporteuse spéciale sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme :

  1. la Charte des Nations Unies, en particulier l’article 55 ;
  2. la Déclaration universelle des droits de l’homme, en particulier les articles 3, 5, 6, 8, 12, 13, 17, 22, 23, 25, 26 et 28 ; 
  3. le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, en particulier les articles 1, 6, 7, 14, 16 et 17 ;
  4. le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, en particulier les articles 1, 2, 6, 11, 12 et 13 ; 
  5. la Convention relative aux droits de l’enfant, en particulier les articles 6 et 24 ;
  6. Les décisions 4/103 et 18/120 et les résolutions 45/5, 40/3, 37/21, 36/1030/2, 27/21, 24/14, 19/32, 15/24, 12/22, 9/4 et 6/7 du Conseil des droits de l’homme ; 
  7. les résolutions 74/15473/16772/168, 71/193, 70/151, 69/180, 68/162, 67/170, 66/156, 65/217, 64/170, 63/179, 62/162, 61/170, 60/155, 59/188, 58/171, 57/222, 56/179, 56/148, 55/110, 54/172, 53/141, 52/120, 51/103, 50/96, 48/168, 46/210, 44/215, 42/173, 41/165, 40/185, 39/210 et 38/197 de l’Assemblée générale ; 
  8. le projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite, Documents officiels de l’Assemblée générale, cinquante-sixième session, Supplément nº 10 et rectificatif (A/56/10 et Corr.1), chapitre IV ; 
  9. le Mandat de Doha de la CNUCED, TD/500/Add.1, paragraphe 25 ; 
  10. la Déclaration et le Programme d’action de Vienne, adoptés par la Conférence mondiale sur les droits de l’homme le 25 juin 1993 ;
  11. la Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies, adoptée en 1970 par l’Assemblée générale dans sa résolution 2625 (XXV) ;
  12. la Déclaration sur le droit au développement, adoptée en 1986 par l’Assemblée générale dans sa résolution 41/128.

La Rapporteuse spéciale accorde une attention particulière aux nombreuses décisions et résolutions concernant les mesures coercitives unilatérales adoptées notamment par le Conseil des droits de l’homme, l’Assemblée générale des Nations Unies, la CNUCED, et dans le cadre de conférences multilatérales et de réunions d’organisations régionales, ainsi qu’aux observations générales pertinentes adoptées par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels.

1. Documents officiels de l’Assemblée générale, cinquante-sixième session, Supplément nº 10 et rectificatif (A/56/10 et Corr.1), chapitre IV.