Impact des travaux menés au titre des procédures spéciales : réformes législatives
Le Kirghizistan retire son projet de loi controversé sur les médias après examen par la Rapporteuse spéciale sur la liberté d’opinion et d’expression, les institutions de l’OSCE et la Commission de Venise
Le 13 mars 2024, le Président du Kirghizistan a retiré pour révision un projet de loi sur les médias qui a fait l’objet de nombreuses critiques de la part d’organisations nationales et internationales de défense des droits humains et de structures intergouvernementales en raison de ses risques en matière de restriction de la liberté d’expression, dont la liberté des médias.
Le projet de loi sur les médias a fait l’objet d’une communication adressée en juin 2023 au Gouvernement du Kirghizistan par Irene Khan, Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression. Dans sa communication, elle a soulevé plusieurs questions concernant la conformité du projet de loi avec les normes internationales relatives à la liberté d’expression et à la liberté des médias. Dans le cadre de son analyse et de ses commentaires juridiques, la Rapporteuse spéciale a également fait part de ses préoccupations concernant les effets négatifs anticipés de ce projet de loi sur l’exercice de la liberté d’expression.
Dans sa communication, la Rapporteuse spéciale a déclaré que les restrictions à la liberté d’expression prévues par le projet de loi sur les médias vont à première vue au-delà des restrictions autorisées à la liberté d’expression, notamment les restrictions larges et vagues sur le contenu autorisé et la possibilité de restreindre les médias sur la base de termes vagues comme « la réputation professionnelle, l’honneur et la dignité des citoyens, des fonctionnaires et des personnes morales ». L’Experte indépendante a noté que de telles lois qui contiennent des termes ambigus créent une incertitude juridique et ont un effet dissuasif sur la liberté des médias, le droit à la liberté d’expression et l’accès à l’information de manière plus générale.
La décision de retirer et de réexaminer ce projet de loi sur les médias dans le cadre d’un processus consultatif impliquant la société civile et les représentants des médias indépendants a été saluée, notamment par des organisations nationales et internationales de défense des droits humains et des médias. Le projet qui a été retiré aurait élargi le pouvoir des autorités de suspendre et de fermer des organisations de médias par l’intermédiaire des tribunaux pour des motifs dépourvus de précision juridique, et aurait introduit de lourdes exigences concernant l’enregistrement obligatoire, y compris pour les sites Web et les médias en ligne. Il aurait ainsi pu être utilisé pour étouffer et supprimer les médias critiques et le journalisme d’investigation. Il aurait donné aux fonctionnaires des pouvoirs étendus pour retirer leur accréditation aux journalistes si leur couverture était jugée de nature à les discréditer. Le projet de loi comprenait également l’interdiction générale de la détention des médias par une entité étrangère.
La Rapporteuse spéciale espère que la loi sera réexaminée dans le cadre d’un processus consultatif transparent et inclusif, incluant les médias, la société civile et l’État, afin de garantir le respect des normes internationales relatives aux droits humains. Les experts dans le domaine de la liberté des médias et les organisations de défense des droits espèrent que ces consultations ouvertes incluront une demande d’un examen de suivi de la part du Gouvernement aux institutions de l’OSCE et à la Commission de Venise du Conseil de l’Europe, afin que le projet de loi final soumis au Parlement et adopté par celui-ci soit étroitement lié aux normes internationales des droits humains.
Le Parlement européen accepte de réformer sa directive
Plusieurs titulaires de mandat au titre des procédures spéciales, notamment sur la vente et l’exploitation sexuelle d’enfants, sur la vie privée et sur la violence à l’encontre des enfants (Représentant spécial du Secrétaire général), ont entrepris depuis un certain temps des démarches auprès du Parlement européen concernant la directive 2002/58. Ils avaient demandé l’adoption par le Parlement européen d’une législation permettant une dérogation temporaire à certaines dispositions de la directive 2002/58 en ce qui concerne l’utilisation de technologies pour le traitement de données à caractère personnel et d’autres données aux fins de la lutte contre les abus sexuels commis contre des enfants en ligne. Le 30 avril 2021, les négociateurs du Conseil et du Parlement européen sont parvenus à un accord provisoire sur une mesure temporaire visant à permettre aux fournisseurs de services de communication électronique, tels que les services de courrier électronique et de messagerie en ligne, de continuer à détecter, supprimer et signaler les abus sexuels commis sur des enfants en ligne, couvrant également la lutte contre le grooming, jusqu’à la mise en place de la législation permanente annoncée par la Commission européenne.
Autre impact : prévention et/ou cessation des violations des droits de l’homme
Le Liban adopte une loi abolissant les contrats de travail abusifs
Le Gouvernement du Liban a adopté un contrat type unique destiné aux travailleurs domestiques migrants le 4 septembre 2020, ce qui constitue un pas dans la bonne direction pour protéger les droits des travailleurs domestiques et abolir le système abusif de la « Kafala » (parrainage) s’il est accompagné d’un mécanisme d’application rigoureux. Ce nouveau contrat permet aux travailleurs de mettre fin à leur contrat sans le consentement de leur employeur et offre des garanties essentielles en matière de travail qui sont déjà accordées à d’autres travailleurs, notamment une semaine de travail de 48 heures, un jour de repos hebdomadaire, le paiement des heures supplémentaires, des indemnités de maladie, des congés annuels et le salaire minimum national, avec certaines déductions autorisées pour le logement et la nourriture. Les Rapporteurs spéciaux sur l’esclavage, sur les migrants et sur la violence à l’égard des femmes, ainsi que le Groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles ont envoyé un appel urgent au Liban sur la situation des travailleurs domestiques migrants le 17 juillet 2020. L’ancienne Rapporteuse spéciale sur l’esclavage a publié un rapport thématique sur la servitude domestique (A/HRC/38/52) en 2018, contenant plusieurs références à la situation critique des travailleurs domestiques au Liban et des recommandations sur la manière de prévenir et de traiter l’exploitation des travailleurs domestiques.
Autre impact : prévention et/ou cessation des violations des droits de l’homme
L’Argentine adopte un projet de loi légalisant l’avortement
En décembre 2020, le Groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles et d’autres titulaires de mandat ont envoyé une lettre au Congrès argentin soutenant le projet de loi légalisant l’avortement pendant les 14 premières semaines de grossesse. L’un des membres du Groupe de travail est également intervenu au Sénat pour présenter les principaux éléments de cette lettre. La loi a été adoptée le 30 décembre 2020.
Autre impact : contribution aux processus gouvernementaux et/ou judiciaires
Le Conseil national de la République slovaque rejette un projet de loi limitant l’accès à l’avortement
À la suite d’une communication commune envoyée le 29 novembre 2019 par le Groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles et le Rapporteur spécial sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible (OL SVK 172019), le Conseil national de la République slovaque a rejeté un projet de loi visant à modifier et compléter la loi 576/2004 sur la santé, la loi 578/2004 sur les prestataires de soins médicaux et la loi 147/2001 relative à la publicité, et ainsi restreindre l’accès à l’interruption volontaire de grossesse, qui est disponible sur demande, sans restriction pendant les 12 premières semaines de grossesse, et si la vie de la femme enceinte est en danger ou en cas de malformation du fœtus (loi 73/1986 sur l’interruption artificielle de grossesse).
Autre impact : contribution aux processus gouvernementaux et/ou judiciaires et prévention et/ou cessation des violations des droits de l’homme
Le Portugal modifie sa législation en matière de logement
Lors d’une visite au Portugal en décembre 2016, le Rapporteur spécial sur le logement convenable avait recommandé l’adoption d’une loi nationale sur le logement reflétant les normes internationales en matière de droits de l’homme. La loi sur le logement adoptée par le Portugal en octobre 2019 fait suite à cette recommandation et offre une protection ciblant les personnes ayant des besoins particuliers en matière de logement, par exemple les enfants, les jeunes, les personnes âgées, les personnes handicapées, les sans-abri et les victimes de violences fondées sur le genre. En outre, conformément à cette recommandation, la loi fondamentale sur le logement interdit les expulsions de groupes vulnérables, à moins qu’un autre logement convenable ne soit proposé. Elle prévoit également des mesures de protection pour les personnes menacées d’expulsion, notamment des consultations, des informations, une aide juridique et un accompagnement, ainsi que l’interdiction de procéder à des expulsions la nuit.
Autre impact : prévention et/ou cessation des violations des droits de l’homme
La loi hongroise sur la transparence des ONG jugée discriminatoire
En 2017 et à nouveau en 2018, le Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, ainsi que plusieurs autres titulaires de mandat au titre des procédures spéciales, ont fait part de leurs préoccupations concernant l’adoption de plusieurs lois introduisant des restrictions indues aux droits à la liberté d’association, de réunion pacifique et d’expression en Hongrie (HUN 2/2017 et HUN 7/2018), notamment la loi sur la transparence des ONG. Le 18 juin 2020, la Cour européenne de justice a rendu sa décision, indiquant que la Hongrie avait introduit des restrictions discriminatoires et injustifiées sur les dons étrangers aux organisations de la société civile, en violation de ses obligations au titre de l’article 63 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et des articles 7, 8 et 12 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
Autre impact : contribution aux processus gouvernementaux et/ou judiciaires
Le Canada adopte une nouvelle loi supprimant les dispositions discriminatoires de la Loi sur les Indiens
Au cours d’une visite au Canada du 13 au 23 avril 2018, la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences a exhorté le Gouvernement canadien à abroger toutes les dispositions discriminatoires subsistant dans la Loi sur les Indiens et toutes les autres lois et pratiques nationales discriminatoires contre les femmes et les filles autochtones (A/HRC/41/42/Add.1). Plus particulièrement, certaines dispositions de la Loi sur les Indiens stipulaient que les femmes perdaient leur statut lorsqu’elles épousaient des hommes non autochtones, tandis que les hommes épousant une femme non autochtone conservaient leur statut. Conformément à cette recommandation, le Gouvernement canadien a adopté le projet de loi S-3 visant à supprimer de la Loi sur les Indiens ces dispositions discriminatoires envers les femmes. Ce projet de loi est entré en vigueur le 15 août 2019. La Rapporteuse spéciale a ensuite publié le 28 août 2019 un communiqué de presse saluant l’adoption de cette nouvelle loi par le Gouvernement canadien et son entrée en vigueur, louant les efforts considérables déployés par les organisations de la société civile sur cette question, et notant que « [l]e retrait de la hiérarchie fondée sur le sexe enracinée dans la Loi sur les Indiens est une étape majeure vers la réalisation de l’égalité des sexes et met enfin un terme à la longue période de discrimination et de violence à laquelle les femmes et les filles autochtones ont été confrontées dans le pays ».
Autre impact : contribution aux processus gouvernementaux et/ou judiciaires, et réformes politiques.
La Mongolie met en œuvre avec succès les recommandations formulées pour garantir progressivement les droits à l’eau et à l’assainissement
Après sa visite en Mongolie du 9 au 20 avril 2018, le Rapporteur spécial sur le droit à l’eau potable et à l’assainissement Léo Heller a formulé plusieurs recommandations au Gouvernement sur la manière dont le pays peut garantir progressivement les droits de l’homme à l’eau et à l’assainissement, y compris des recommandations sur les dispositions institutionnelles, les normes de qualité de l’eau, et l’amélioration de la qualité de l’eau (A/HRC/39/55/Add.2, paragraphes 82(c), 82(i)(iii) et 82(i)(ii), respectivement). Conformément à ces recommandations, le Gouvernement mongol a indiqué en 2018 avoir récemment créé un groupe de travail relié au Ministère de l’environnement et du tourisme chargé d’examiner les lois et règlements, et d’étudier la possibilité de créer un organe administratif gouvernemental responsable des questions liées à l’eau et d’un comité national de l’eau. Plus récemment, le Gouvernement mongol a indiqué en 2019 prendre des mesures pour améliorer la structure organisationnelle de l’office national de l’eau et de l’assainissement en révisant un projet de loi visant à établir une agence nationale responsable de toutes les questions liées à l’eau, qui a depuis été approuvée par le Gouvernement. Par ailleurs, le Gouvernement a révisé la norme préexistante MNS 0900:2005 concernant les évaluations de la nécessité, de la qualité et de la sécurité de l’eau potable sur la santé par rapport aux directives de l’Organisation mondiale de la Santé sur la qualité de l’eau potable, et a adopté une nouvelle norme sur cette question, qui est entrée en vigueur le 21 juin 2018. Le Gouvernement a également confirmé qu’une réserve d’eau a été établie dans une nouvelle zone d’approvisionnement en eau qui satisfait à la norme de qualité de l’eau potable. Enfin, le Parlement mongol a récemment terminé et approuvé la révision du projet de loi concernant la taxe sur la pollution de l’eau le 2 mai 2019 ayant pour objectif d’améliorer le système de qualité des dispositifs de traitement de l’eau et de l’eau pour les ménages.
Autre impact : contribution aux processus gouvernementaux et/ou judiciaires, et réformes politiques.
Le Malawi adopte des mesures législatives et politiques pour lutter contre les attaques à l’encontre des personnes atteintes d’albinisme
L’Experte indépendante sur l’exercice des droits de l’homme par les personnes atteintes d’albinisme a effectué une visite au Malawi du 18 au 29 avril 2016 (A/HRC/34/59/Add.1). Conformément aux recommandations de l’Experte indépendante et peu de temps après la visite, le Gouvernement du Malawi a adopté diverses mesures, notamment : 1) la modification du Code pénal et de la loi sur l’anatomie afin de mieux répondre aux attaques contre des personnes atteintes d’albinisme ; 2) la publication d’une directive pratique pour veiller à ce que ces cas soient examinés par de hauts responsables du pouvoir judiciaire ; et 3) l’établissement d’un comité technique national sur l’albinisme présidé par le principal conseiller présidentiel et chargé de mettre en œuvre le plan national de lutte contre les attaques à l’encontre des personnes atteintes d’albinisme. À la suite de ces mesures, le nombre de rapports et de poursuites concernant ces attaques a augmenté.
Autre impact : contribution aux processus gouvernementaux et/ou judiciaires, mécanismes de réparation – responsabilité et réformes politiques
La République de Moldova apporte plusieurs modifications à sa législation sur l’égalité des genres à la suite d’une visite de pays officielle
Après la visite officielle en République de Moldova du 20 au 31 mai 2012 par le Groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles (A/HRC/25/50/Add.1), le Gouvernement a approuvé en 2014 une série de modifications concernant la législation sur l’égalité des sexes. L’une des propositions adoptées inclut l’établissement d’un quota minimum de 40 % pour chacun des deux sexes pour les postes gouvernementaux, et un quota de 40 % pour cent pour l’un ou l’autre sexe dans les listes électorales de chaque parti politique, conformément aux recommandations formulées par le Groupe de travail. Le rapport de visite de pays a aussi été utile pour défendre la modification de la législation relative à l’égalité des genres et les questions liées à la non-discrimination, en mettant l’accent sur le mécanisme institutionnel – la création d’un Conseil de lutte contre la discrimination et d’un Centre pour les droits de l’homme (médiateur).
Autre impact : contribution aux processus gouvernementaux et/ou judiciaires