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Communiqués de presse Conseil des droits de l’homme

Le Conseil des droits de l'homme se penche sur la situation des droits de l'homme en République arabe syrienne

Situation des droits de l'homme en Syrie

14 Mars 2017

Conseil des droits de l'homme

MATIN

14 mars 2017

Le Conseil des droits de l'homme a tenu, ce matin, une réunion-débat de haut niveau sur la situation des droits de l'homme en République arabe syrienne, comme le prévoit la résolution 33/23 du Conseil.  Ont particulièrement été évoquées les détentions arbitraires, actes de torture et disparitions forcées en Syrie, ainsi que la question de reddition de compte pour ces violations de droits de l'homme qui sont susceptibles d'être constitutives de crimes contre l'humanité. 

Dans ses remarques liminaires à l'ouverture du débat, le Haut-Commissaire aux droits de l'homme, M. Zeid Ra'ad Al Hussein, a rappelé que le Haut-Commissariat aussi bien que la Commission d'enquête internationale sur la Syrie se sont vu refuser l'accès au pays et qu'aucun observateur international des droits de l'homme n'a pu visiter les lieux où des dizaines de milliers de personnes probablement sont détenues et torturées.  Aujourd'hui, la Syrie tout entière s'est transformé en une gigantesque salle de torture, un lieu d'injustice absolue et d'horreur, a déclaré le Haut-Commissaire.

Le Haut-Commissariat est en train de créer le «Mécanisme international, impartial et indépendant chargé de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international commises en République arabe syrienne depuis mars 2011 et d'aider à juger ceux qui en sont responsables» voulu par l'Assemblée générale dans sa résolution 71/248, a rappelé M. Zeid.  Il a par ailleurs appelé les belligérants à arrêter de torturer et de commettre des exécutions sommaires, à laisser les acteurs humanitaires et observateurs internationaux travailler dans les centres de détention et à libérer les personnes détenues – ou à tout le moins à dire quelles sont ces personnes – et enfin à dévoiler les lieux d'inhumation des personnes décédées. 

M. Paulo Sérgio Pinheiro, Président de le Commission d'enquête internationale indépendante sur la République arabe syrienne, a souligné que cette réunion avait pour objectif d'entendre les voix des victimes.  Trop de voix ont été réduites au silence, a-t-il dénoncé.  L'énorme quantité de prisonniers tués suggère que le Gouvernement est responsable d'actes d'extermination qui peuvent être considérés comme des crimes contre l'humanité, a déclaré M. Pinheiro.

M. Kevin Kennedy, Coordinateur humanitaire régional des Nations Unies, a indiqué que plus de 13 millions de Syriens avaient besoin d'assistance.  Depuis 2011, plus de la moitié de la population a dû fuir son foyer, a-t-il rappelé.  En outre, près de 650 000 personnes vivent encore dans des zones assiégées, a-t-il souligné.  Des attaques indiscriminées contre les structures civiles sont attestées et elles sont perpétrées par toutes les parties au conflit, a-t-il indiqué. 

Animatrice de la réunion-débat, Mme Arwa Damon, journaliste et correspondante de CNN, a rappelé les très nombreux crimes commis à l'encontre de la population, notamment les enfants.  Il faut assurer la reddition de compte à l'encontre des auteurs de ces crimes, a-t-elle souligné. 

Ont ensuite nourri la discussion, les panélistes ci-après: M. Fadel Abdul Ghani, Directeur exécutif du Réseau syrien des droits de l'homme; Mme Joumana Seif, avocate engagée aux côtés du Réseau des femmes syriennes; Mme Noura Aljizawi, militante et ancienne Vice-Présidente de la Coalition nationale syrienne; M. Sarmad Al-Jilane, cofondateur de l'organisation «Raqqa is Being Slaughtered Silently» et chercheur sur les groupes extrémistes au Moyen-Orient; et M. Mazen Darwish, Directeur du Centre syrien pour les médias et la liberté d'expression. 

M. Fadel Abdul Ghani a expliqué que le régime syrien appliquait un plan délibéré et systématique de détentions prolongées dans des conditions atroces, de tortures systématiques contre les personnes détenues et de disparitions forcées.  Mme Joumana Seif a décrit les persécutions dont sa famille est victime depuis plus d'une trentaine d'années.  Mme Noura Aljizawi a attiré l'attention sur le sort des femmes dans le conflit.  M. Sarmad Al-Jilane a rappelé le sort réservé à la population de Raqqa.  Mazen Darwish a relevé que le pouvoir syrien tentait de donner aux crimes de génocides, crimes contre l'humanité et crimes de guerre un vernis légal.

De nombreux intervenants* ont pris part au débat.  Plusieurs délégations ont souligné qu'elles appuyaient la création par le Haut-Commissariat du mécanisme international impartial et indépendant chargé de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international commises en Syrie depuis 2011 et ont souligné que face aux violations des droits de l'homme en Syrie, l'obligation redditionnelle jouerait un rôle central dans le processus de paix, au même titre que la lutte contre l'impunité.  Plusieurs intervenants ont souligné que s'il est vrai que toutes les parties au conflit ont commis des violations des droits de l'homme, il n'en demeure pas moins que le Gouvernement syrien est le premier responsable de ces crimes. 

Certaines délégations ont défendu une approche pacifique du règlement de la crise syrienne, basée sur le dialogue.  La Fédération de Russie a affirmé que cette réunion du Conseil était basée sur de fausses informations, ajoutant qu'il s'agit d'une tentative de faire porter l'ensemble des responsabilités du conflit sur Damas.  La Fédération de Russie a dénoncé l'attitude de ceux qui se plaignent de la crise humanitaire mais qui, en même temps, imposent des sanctions injustes à la population syrienne.

Ce midi, le Conseil doit entamer un débat interactif avec la Commission d'enquête internationale indépendante sur la République arabe syrienne.

Réunion-débat de haut niveau sur la situation des droits de l'homme en République arabe syrienne

Déclarations liminaires

M. ZEID RA'AD AL HUSSEIN, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, a ouvert le débat en observant que le Haut-Commissariat aussi bien que la Commission d'enquête se sont vu refuser l'accès à la Syrie, et qu'aucun observateur international des droits de l'homme n'a pu visiter les lieux où des dizaines de milliers de personnes probablement sont détenues et torturées.  Car, a rappelé le Haut-Commissaire, le conflit en Syrie a commencé par la torture: la détention et la torture, par des membres de forces de sécurité, d'un groupe d'enfants de Deraa ayant dessiné des graffiti antigouvernementaux sur les murs de leur école.  Aujourd'hui, la Syrie tout entière s'est transformée en une gigantesque salle de torture, un lieu d'injustice absolue et d'horreur, a déclaré le Haut-Commissaire.

Malheureusement, a déploré M. Zeid, les appels désespérés de la population d'Alep l'an dernier n'ont pas infléchi les dirigeants du monde, dont l'influence aurait pu mettre un terme au conflit.  Les atrocités commises sur les yézidis par le groupe extrémiste Daech – y compris l'enlèvement de femmes et d'enfants et leur réduction à l'esclavage – n'ont pas non plus entraîné de réaction décisive pour traduire les coupables en justice.  Les veto se sont succédé qui ont anéanti tout espoir de mettre fin à ce carnage insensé et d'en saisir la Cour pénale internationale, a regretté M. Zeid.

Le Haut-Commissariat est en train de créer le «Mécanisme international, impartial et indépendant chargé de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international commises en République arabe syrienne depuis mars 2011 et d'aider à juger ceux qui en sont responsables» voulu par l'Assemblée générale dans sa résolution 71/248.  Le mécanisme travaillera aux côtés de la Commission d'enquête pour récolter des preuves et constituer des dossiers sur des suspects individuels, a précisé le Haut-Commissaire.

M. Zeid a appelé les belligérants à arrêter de torturer et de commettre des exécutions sommaires, à laisser les acteurs humanitaires et observateurs internationaux travailler dans les centres de détention et à libérer les personnes détenues – ou à tout le moins à dire quelles sont ces personnes – et enfin à dévoiler les lieux d'inhumation des personnes décédées. 

M. PAULO sérgio PINHEIRO, Président de le Commission d'enquête internationale indépendante sur la République arabe syrienne, a souligné que cette réunion avait pour objectif d'entendre les voix des victimes.  Le Président de la Commission a expliqué qu'il fallait que le Conseil se concentre sur le besoin de reddition des comptes pour les violations et les abus commis durant les conflits, y compris pour ce qui est des disparitions forcées et des détentions arbitraires.  Trop de voix ont été réduites au silence, a-t-il dénoncé.  Les disparitions forcées laissent les familles dans l'inconnu, ne leur permettant pas de connaître le sort des êtres chers.

Les vingt rapports produits par le Commission d'enquête montrent l'inimaginable souffrance des populations civiles et le nombre de violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire commises en Syrie.  L'énorme quantité de prisonniers tués suggère que le Gouvernement est responsable d'actes d'extermination qui peuvent être considérés comme des crimes contre l'humanité, a souligné M. Pinheiro.  Daech a aussi torturé et tué des détenus, notamment des journalistes et des militants, a-t-il ajouté.  La Commission d'enquête a donné la preuve des abus commis par toutes les parties au conflit, a-t-il insisté.  Tous les recoins du pays sont touchés par le conflit, qui a des répercussions partout dans le monde, a-t-il rappelé.  Il faut trouver une solution politique qui assure la reddition des comptes pour les horribles violations des droits de l'homme infligées aux victimes.  La Commission d'enquête a répété son appel au Conseil de sécurité pour que la situation de la Syrie soit renvoyée devant la Cour pénale internationale ou devant un tribunal spécial, a en outre rappelé M. Pinheiro.

La Commission d'enquête va continuer de s'acquitter de son mandat, qui est d'enquêter et de recueillir les preuves de toutes les exactions commisses en Syrie, a indiqué M. Pinheiro.  Elle va aussi amplifier la voix des victimes qui demandent justice.  La Commission d'enquête va continuer d'adresser des recommandations au États membres et à toutes les parties au conflit afin que soient protégés et respectés les droits de l'homme du peuple syrien, y compris en garantissant des voies d'accès à la justice pour les victimes. 

M. KEVIN KENNEDY, Coordinateur humanitaire régional des Nations Unies pour la crise syrienne, a indiqué que plus de 13 millions de Syriens avaient besoin d'assistance.  Depuis 2011, plus de la moitié de la population a dû fuir son foyer, a-t-il rappelé.  En outre, près de 650 000 personnes vivent encore dans des zones assiégées, a-t-il souligné.  Des attaques indiscriminées contre les structures civiles sont attestées et elles sont perpétrées par toutes les parties au conflit, a-t-il indiqué.  Prévenir et répondre aux violations des droits de l'homme et du droit humanitaire est extrêmement difficile, a souligné M. Kennedy.  Les agences humanitaires ne peuvent pas apporter leur soutien aux personnes vivant dans les zones assiégées ou contrôlées par Daech, a-t-il précisé.  Il s'est en outre dit épouvanté par les rapports faisant état d'assassinats, de tortures et de traite d'êtres humains. 

L'assistance qui provient de la Turquie et de la Jordanie est essentielle, a poursuivi le Coordinateur humanitaire régional des Nations Unies.  L'assistance humanitaire ne parvient presque que dans les zones tenues par les rebelles, a-t-il précisé.  Les humanitaires, les médecins et la défense civile sont pris pour cibles, car ils sont soupçonnés d'appuyer les groupes armés, a-t-il regretté. 

Animatrice de la réunion-débat, MME ARWA DAMON, journaliste et correspondante internationale pour CNN, a  quant à elle rappelé les très nombreux crimes commis à l'encontre de la population, notamment les enfants.  Elle a notamment attiré l'attention du Conseil sur la pratique répandue de la torture à l'encontre des opposants ou des individus considérés comme tels.  Pour qu'un processus politique réussisse, il faut assurer la reddition de compte des auteurs de ces crimes, a-t-elle souligné.  Mme Damon a rappelé qu'il était probable que la plupart des crimes commis en Syrie ne soient pas encore publics, comme l'a démontré le récent rapport d'Amnesty International.

Présentations des panélistes

M. FADEL ABDUL GHANI, Directeur exécutif du Réseau syrien des droits de l'homme, a souligné que son Réseau avait collecté depuis 2011, de manière patiente et systématique, des statistiques sur le nombre de victimes du conflit en Syrie, personnes disparues ou décédées et a assuré que si l'on essayait de connaître le chiffre réel, les chiffres seraient deux ou trois fois supérieurs.   Près de 92 000 personnes se trouvent aujourd'hui encore dans les centres de détention du régime au pouvoir en Syrie, a-t-il notamment indiqué avant d'attirer l'attention sur le plan délibéré et systématique d'arrestations, de tortures et de disparitions forcées – une véritable machinerie à trois niveaux – pratiqué uniquement par le régime durant les neuf premiers mois de conflit, avant que d'autres parties nouvelles n'émergent et adoptent peu ou prou la même méthodologie, qu'il s'agisse du Front Al Nusra, du Parti de l'union démocratique (PYD) kurde, des factions armées de l'opposition ou de l'état islamique. 

M. Ghani a rappelé que les militants des droits de l'homme et la Commission d'enquête, notamment, avaient transmis des messages et des recommandations au Conseil de sécurité et aux États Membres; si ces derniers n'agissent, ce sont les premiers responsables, a-t-il rappelé.  M. Ghani a déclaré que si un État se saisissait du problème des détentions en Syrie pour y trouver une solution, cet État jouirait de la reconnaissance universelle du peuple syrien.  Le Directeur exécutif du Réseau syrien des droits de l'homme a affirmé qu'accroître les sanctions économiques contre les États qui soutiennent le régime syrien a un impact significatif et effectif; de son point de vue, ces États ne paient pas le prix approprié pour leur soutien criminel sans limite.

MME JOUMANA SEIF, avocate engagée aux côtés du Réseau des femmes syriennes, a décrit les persécutions dont sa famille est victime depuis 1980, date à laquelle son oncle a été arrêté et a disparu; sa famille n'a su que très longtemps après qu'il avait été exécuté dans une prison militaire, a-t-elle indiqué.  Un cousin de Mme Seif a disparu depuis treize ans et son frère cadet est toujours manquant.  La famille vit sous la menace depuis des années.  Cette histoire familiale est symptomatique des souffrances de milliers d'autres familles en Syrie confrontées à la disparition et à la torture de proches, a déclaré Mme Seif. 

Ces atrocités ont été perpétrées par «Assad le père» (Hafez el-Assad) –  des dizaines de milliers de Syriens ayant été massacrés en 1982 – et aujourd'hui par son fils, Bachar el-Assad: si Hafez et Bachar el-Assad avaient été confrontés à leurs responsabilités au moment de la commission de leurs crimes, le problème ne se poserait pas aujourd'hui dans des termes aussi crus, a fait observer Mme Seif, demandant à la communauté internationale de traduire en justice les auteurs de crimes contre les Syriens.  Toute solution politique qui ne tiendra pas compte de cette obligation de rendre compte sera éphémère, a-t-elle mis en garde.

MME NOURA ALJIZAWI, militante et ancienne Vice-Présidente de Coalition nationale syrienne, a dit parler au nom de toutes les personnes réduites au silence.  Elle a précisé avoir elle-même disparu pendant plus de six mois.  Mme Aljizawi a indiqué avoir été placée d'une cellule d'isolement à une autre et a souligné que son histoire est celle de milliers de femmes syriennes.  Il suffit d'appartenir à une région où la population a montré une opposition au régime pour être détenue, a-t-elle expliqué; les femmes peuvent alors être arrêtées pour être torturées à des fins d'extorsion d'informations.  Des dizaines de femmes ont témoigné avoir été torturées devant leur mari afin de l'amener à faire des aveux pour des crimes qu'il n'a pas commis.  La violence sexiste est un moyen de torturer les femmes, a ajouté Mme Aljizawi .  Tous ces faits sont commis dans des centres de détention secrets, a-t-elle précisé. 

Des femmes ont été arrêtées avec des enfants dans des centres qui ne pourraient même pas recueillir des animaux, a poursuivi Mme Aljizawi.  Les femmes et les enfants sont aussi enlevés par des organisations terroristes et ils sont aussi victimes de milices, a-t-elle ajouté.  Même si un jour des enquêtes sont ouvertes sur ces centres de détention, la communauté internationale ne sera jamais en mesure d'avoir accès à ces centres qui sont parfois de simples maisons ou des corps de fermes dans lesquels de nombreuses dépouilles de femmes ont été retrouvées, a-t-elle indiqué.  Mme Aljizawi a expliqué qu'elle avait été libérée grâce aux défenseurs des droits de l'homme qui ont apporté un soutien et qui ont mené des campagnes de solidarité; une pression a été exercée sur le régime afin qu'elle ne soit pas tuée, preuve que même si tous ces mécanismes sont lents, il faut persévérer et faire en sorte que tous les prisonniers soient libérés. 

M. SARMAD AL-JILANE, cofondateur de l'organisation «Raqqa is Being Slaughtered Silently» et chercheur sur les groupes extrémistes au Moyen-Orient, a expliqué qu'on avait tendance à oublier qu'il y a chaque minute un civil qui est tué ou détenu en Syrie.  Il a rappelé l'historique des événements qui se sont déroulés à Raqqa, notamment les exactions généralisées semant la terreur au sein de la population lorsque l'état islamique a pris le contrôle de la ville.  Aucune famille dans certaines zones du pays n'a pu échapper à l'état islamique, a insisté M. Al-Jilane.  Beaucoup de femmes et d'enfants ont été touchés.  Quatre ans, c'est beaucoup pour les détenus, a insisté M. Al-Jilane, précisant qu'un détenu qui a pu s'échapper d'une prison de l'état islamique a raconté ses conditions de détention en relatant qu'un jour, il s'était réveillé avec une tête sans corps sur lui. 

Plus de 1300 enfants ont disparu dans des camps autour de Raqqa, a ajouté M. Al-Jilane.  Des entreprises d'épuration ethniques sont perpétrées dans tout le pays, a-t-il poursuivi.  Des personnes sont mortes sous la torture.  Les milices ont obligé les personnes à choisir entre recrutement forcé et disparition forcée.  Assurant que rien n'est impossible, M. Al-Jilane a affirmé qu'il faut commencer en haut de la pyramide, avec Bachar el-Assad qui est le premier à avoir permis le développement des organisations terroristes sur le territoire syrien.  Les enfants en Syrie attendent tous que leurs parents soient libérés de prison, a conclu M. Al-Jilane. 

M. MAZEN DARWISH, avocat et Directeur du Centre syrien pour les médias et la liberté d'expression, a rappelé que de nombreuses milices opéraient en Syrie, qu'elles viennent de l'intérieur du pays ou de l'extérieur.  Depuis la Seconde Guerre mondiale, jamais autant de preuves de crimes de masse n'avaient été récoltées, a-t-il souligné.  La question n'est pas la circulation des informations, mais la volonté politique de mettre fin au conflit, a-t-il déclaré.  Certains crimes sont commis sous couvert de légalité, a-t-il ajouté; les tribunaux de campagne prononcent de nombreuses peines de mort.  La codification et cette institutionnalisation des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité n'est pas nouvelle, a poursuivi M. Darwish; le pouvoir en place tente de donner aux crimes de génocides, crimes contre l'humanité et crimes de guerre un vernis légal, a-t-il insisté. 

En dépit des nombreuses preuves récoltées, il n'y a pas de mouvement fort de la communauté internationale afin de mettre fin aux atrocités, a déploré M. Darwish.  Face au désespoir et face aux atrocités commises, l'extrémisme voit le jour, a-t-il expliqué.  Pour lutter contre l'extrémisme et contre le terrorisme, il faut empêcher le Gouvernement et les institutions de commettre des crimes de masse, a-t-il indiqué.  M. Darwish a rappelé que la paix était impossible alors que des centaines de milliers de familles sont sans nouvelles de leurs proches.  Les pourparlers de paix d'Astana ressemblent aujourd'hui à des négociations entre chefs de guerre, a fait observer M. Darwish; ce qui importe aux parties à ces pourparlers, c'est le sort de leurs combattants, pas celui de la population, a-t-il déclaré.  Il faut mettre en place une justice de transition qui assure la reddition de compte, sans volonté de vengeance ou de représailles, a-t-il conclu. 

Débat

Le Royaume-Uni, s'exprimant au nom d'un groupe de pays, a indiqué que le régime syrien était responsable de détentions illégales et de disparitions forcées de dizaines de milliers de syriens.  Le Royaume-Uni demande à toutes les parties au conflit, y compris au régime, de libérer ces prisonniers.  La Commission d'enquête doit poursuivre son travail, a ajouté la délégation britannique.

L'Union européenne, à l'instar de la Norvège et de l'Australie, a déploré les disparitions forcées, les détentions arbitraires, les assassinats et la torture qui sont constitutifs de crimes contre l'humanité; la résolution 2254 du Conseil de sécurité doit être mise en œuvre et la reddition de compte est centrale à la conclusion d'une paix durable.  A cet égard, la Norvège a salué la création du Mécanisme international impartial et indépendant, qui doit affirmer clairement qu'il n'y aura pas d'impunité pour les crimes commis en Syrie, quels que soient les auteurs.  Bahreïn, au nom du Conseil de coopération du Golfe, a exprimé sa préoccupation face aux crimes commis en Syrie, quels que soient les auteurs.  Bahreïn a notamment déploré la situation des prisonniers en Syrie, qui passent des années en prison sans aucun droit. 

Le Royaume-Uni, s'exprimant en son nom propre, a rappelé que la détention arbitraire, dont le régime syrien est le premier responsable, est un crime.  La plupart des détenus sont victimes de torture et de violences sexuelles.  En outre, le Royaume-Uni a rappelé au Conseil le dernier rapport d'Amnesty international sur les exécutions de masse commises dans les prisons du régime.  L'Australie a exhorté le Gouvernement syrien à respecter les droits des détenus et à rétablir un système judiciaire sain, exempt de toute forme de torture.  Les habitants d'Alep ont été victimes d'attaques indiscriminées contre les infrastructures civiles.  Des centaines de milliers de Syriens sont actuellement assiégés, a ajouté l'Australie. 

De nombreuses délégations ont appuyé la création du mécanisme international impartial et indépendant chargé de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international commises en Syrie depuis 2011 et, à l'instar de l'Espagne, ont souligné que face aux violations des droits de l'homme en Syrie, l'obligation redditionnelle jouerait un rôle central dans le processus de paix, au même titre que la lutte contre l'impunité.  La Belgique a indiqué avoir déjà contribué au financement de ce mécanisme afin qu'il commence ses travaux sans délai.  Le Liechtenstein a demandé à tous les États de contribuer au budget de fonctionnement du mécanisme, estimé à 13 millions de dollars par an. 

La Nouvelle-Zélande a condamné toutes les formes de torture et les exécutions extrajudiciaires en Syrie, rappelant qu'Amnesty International avait montré qu'en cinq ans, 13 000 personnes ont été pendues en secret en Syrie.  La France a souligné que le régime syrien est le premier responsable de ces pratiques qui, avec les détentions arbitraires, les disparitions forcées et d'autres traitements inhumains, constituent autant d'actes d'extermination susceptibles de constituer des crimes contre l'humanité. 

De même, pour l'Allemagne, s'il est vrai que toutes les parties au conflit ont commis des violations des droits de l'homme, il est aussi vrai que le Gouvernement syrien est le principal responsable de ces crimes.  À ce jour, en Syrie, 600 000 personnes sont délibérément privées d'accès à l'alimentation et aux médicaments par leur propre Gouvernement, a souligné la délégation allemande.  Israël a pour sa part condamné le bombardement de la population civile au moyen d'armes chimiques par les forces gouvernementales syriennes. 

Le Qatar a condamné le comportement systématiquement criminel du Gouvernement syrien, au mépris de tous les instruments de droits de l'homme.  Le Conseil de sécurité n'ayant pu ni transférer le dossier à Cour pénale internationale, ni établir la responsabilité des violations des droits de l'homme commises en Syrie, que reste-t-il à faire à la communauté internationale, s'est interrogé le Qatar?

La Slovénie a appelé toutes les parties en Syrie à renoncer à toute nouvelle violation des droits fondamentaux des enfants, des femmes et de toute personne sur la base de sa religion.  Comme d'autres intervenants, la Slovénie a demandé aux belligérants en Syrie d'assurer le libre passage des personnes chargées de l'aide humanitaire.  L'Uruguay, qui a déploré l'échec des tentatives successives de mettre un terme au conflit, a lui aussi demandé que l'accès de l'aide humanitaire soit garanti aux populations civiles.

La République islamique d'Iran a souligné les effets déstabilisateurs de la politique de terrorisme d'État menée par Israël en Syrie.  Elle a préconisé un dialogue intersyrien pour résoudre le conflit. 

Le Venezuela a regretté que le débat ne porte pas sur la manière concrète de rétablir les conditions de vie de la population syrienne. 

La Bolivie a souligné que la crise en Syrie s'aggravait en raison des fausses impartialités et des pratiques coloniales de certaines puissances étrangères.  La confiance mondiale est minée par des verdicts partiaux qui prônent la sanction internationale.  Il faut développer une approche pacifique basée sur le dialogue, a estimé la Bolivie.  La Fédération de Russie a affirmé que cette réunion du Conseil était basée sur de fausses informations; il s'agit, selon la délégation russe, d'une tentative de faire peser l'ensemble des responsabilités sur Damas.  Rien n'a été dit au sujet des exactions commises par les terroristes qui ont réservé un sort épouvantable aux personnes qui sont tombées entre leurs mains, a affirmé la Fédération de Russie, dénonçant en outre l'attitude de ceux qui se plaignent de la crise humanitaire en Syrie tout en imposant des sanctions injustes à la population du pays.

Les Maldives ont souligné que le droit des droits de l'homme et le droit international humanitaire devaient être respectés et ont jugé désolant de constater que les enfants sont les principales victimes des violations des droits de l'homme en Syrie.  La communauté internationale doit agir sans attendre et les parties prenantes doivent mettre fin immédiatement aux violences, a insisté la délégation maldivienne.

Les États-Unis ont demandé à toutes les parties de mettre fin aux exécutions extrajudiciaires, de placer les auteurs devant leurs responsabilités et de mettre fin aux violences.  Différents rapports évoquent les horreurs du régime el-Assad depuis le début du conflit; 13 000 personnes auraient été pendues dans un centre de détention après des procès dont les procédures ne respectent pas les exigences internationales en la matière.  La Suisse a déclaré que les violations des droits de l'homme en Syrie sont particulièrement frappantes dans le contexte de la détention.  Il faut libérer l'ensemble des prisonniers détenus de manière arbitraire, a insisté la délégation suisse. 

Les Pays-Bas ont souligné que les auteurs des crimes commis par toutes les parties doivent être traduits en justice.  Il faut placer les uns et les autres devant leurs responsabilités et le mécanisme international impartial et indépendant pourra jouer un rôle dans ce domaine, a précisé la délégation néerlandaise. 

L'Italie a souligné qu'après six ans de conflit, les violations des droits de l'homme étaient toujours systématiques en Syrie.  Les disparitions forcées et les détentions arbitraires sont particulièrement préoccupantes.  Tous les auteurs des violations des droits de l'homme doivent être mis devant leurs responsabilités.  Le Portugal a déploré à son tour les violations systématiques et à grande échelle des droits humains, par toutes les parties et dans une totale impunité.  Ces violations pourraient être constitutives de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, a souligné le Portugal.  

L'Iraq a condamné l'attentat commis à Damas samedi.  Il faut absolument que la communauté internationale condamne ce crime.  L'Iraq, qui a malheureusement été décrit comme une dictature dans les débats, avait lancé il y a longtemps déjà des avertissements concernant les répercussions du terrorisme.  La solution en Syrie doit être trouvé par les Syriens eux-mêmes.  L'évaluation du respect des droits de l'homme par chaque pays ne doit pas souffrir de politisation, ni d'ingérence dans les affaires internes. 

S'agissant des organisations non gouvernementales, Women's International League for Peace and Freedom a demandé à la communauté internationale de faire pression sur le Gouvernement syrien et sur toutes les parties au conflit pour qu'ils publient des listes de personnes détenues, cessent immédiatement les actes de torture et remettent aux familles concernées des certificats de décès en bonne et due forme.  La communauté internationale doit aussi exiger du Gouvernement syrien qu'il abolisse les tribunaux d'exception.  Human Rights Watch a demandé aux belligérants d'assurer l'accès aux centres de détention.  L'ONG a en outre demandé l'abolition des lois qui criminalisent l'exercice de la liberté d'expression, d'assemblée et d'association. 

L'Institut du Caire pour les études sur les droits de l'homme a fait observer que le régime syrien avait bel et bien déclaré la guerre à sa population.  Dans ces conditions, les États ne doivent pas se contenter de «suivre» la situation et d'exprimer leur dégoût: ils doivent prendre des mesures concrètes pour que leurs propres systèmes de justice exigent des comptes de la part de ceux qui ont commis des crimes en Syrie.

Le Conseil international pour le soutien à des procès équitables et aux droit de l'homme, a estimé que la conspiration contre la Syrie devenait aujourd'hui claire; il s'agit d'une attaque contre une culture qui respectait les valeurs humaines.  L'État syrien reste ferme et sa population résiste au terrorisme, dont certains États présents au Conseil sont complices, a poursuivi l'ONG.  Ce n'est pas un hasard qu'un projet de résolution ait été présenté par Israël et par les pays du Golfe, qui visent à détruire la Syrie, a affirmé l'ONG. 

World Council of Arameans (Syriacs) a demandé à toutes les parties impliquées d'unir leurs forces dans la recherche de la paix.  Le Conseil de sécurité doit reconnaître le génocide perpétré par Daech contre les Araméens et les Syriaques.  Les forces kurdes ont des velléités  expansionnistes dans le nord de la Syrie et s'en prennent également aux Araméens, a ajouté l'ONG. 

Africa Culture Internationale s'est dit solidaire avec toutes les victimes des actes de violences commis ces six dernières années en Syrie.  La communauté internationale a la responsabilité première de mettre fin au bain de sang, a souligné l'ONG. 

L'Organisation internationale pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale a dénoncé les violences massives commises par tous les acteurs au conflit en Syrie.  Le terrorisme n'est pas une excuse pour attaquer des zones civiles et déployer des armes de destruction massive.  Les États membres doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre fin aux violations des droits de l'homme. 

Réponses et conclusions des panélistes

MME SEIF a répondu à une question sur les meurtres perpétrés par des soldats en soulignant qu'il s'agit du meurtre de «nos enfants» et en expliquant que ces soldats avaient appliqué des ordres provenant du régime syrien; ils ont ainsi dû tuer leurs propres frères syriens.  Le CICR doit pouvoir se rendre en Syrie et visiter l'ensemble des centres de détention.

M. ABDUL GHANI a expliqué que si le régime syrien n'est pas représenté au sein du Conseil des droits de l'homme, ses alliés – eux - y sont bien présents.  Il faut que la Fédération de Russie arrête les bombardements et les crimes de guerre.  L'aviation iranienne a précédé l'entrée d'Al-Qaeda et de l'état islamique en Syrie, a rappelé M. Abdul Ghani.  Il y a des milices du Yémen qui combattent en Syrie sous la direction de l'Iran, a-t-il ajouté.  La Fédération de Russie et l'Iran ne paient pas le prix qu'ils devraient payer pour le soutien à ce régime et le soutien aux milices transfrontalières, a-t-il déploré. 

M. AL-JILANE a expliqué que contrairement à ce qu'a déclaré la délégation de la Fédération de Russie, la question du terrorisme a bien été évoquée (par lui-même) lors de ce débat. 

MME ALJIZAWI a relevé que la tactique du siège est utilisée par le Gouvernement syrien depuis 2011 et a même constitué la première sanction du régime contre les civils.  Ceux qui ont tenté de lever le siège et de permettre l'accès à l'aide humanitaire ont été punis.  Un siège constitue un crime collectif car il vise à punir la population en détruisant des établissements scolaires, les souks ou encore les hôpitaux.  Il faut que les Nations Unies mettent sur pied des mécanismes qui permettront de garantir les droits de propriété des Syriens au moment de la reconstruction, a en outre expliqué Mme Aljizawi. 

M. DARWISH a expliqué qu'il fallait mettre en place un partenariat avec la société civile.  Il ne faut pas recourir uniquement aux organisations de la société civile pour avoir des informations; il faut les inclure dans les processus portant, notamment, sur la reddition de compte.  Les auteurs de crimes, notamment de crimes contre l'humanité, quelle que soit leur origine, doivent rendre des comptes, a insisté M. Darwish.

Toutes les parties au conflit doivent annoncer un moratoire sur la peine capitale, quel que soit le tribunal, a-t-il poursuivi.  Si 13 000 cas d'exécutions capitales ont été enregistrés par Amnesty International, ce sont plus de 15 000 condamnations à la peine capitale qui ont été prononcées par des cours militaires ou des cours martiales.  Il faut aller dans les centres de détention et y améliorer les conditions de vie. 

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*Les délégations suivantes ont pris la parole dans le cadre de la réunion-débat sur la situation des droits de l'homme en République arabe syrienne: Royaume-Uni (au nom d'un groupe de pays et en son nom propre), Union européenne, Norvège, Australie, Bahreïn (au nom du Conseil de coopération du Golfe), Australie, Espagne, Belgique, Liechtenstein, Nouvelle-Zélande, France, Allemagne, Israël, Qatar, Slovénie, Uruguay, République islamique d'Iran, Venezuela, Bolivie, Fédération de Russie, Maldives, États-Unis, Suisse, Pays-Bas, Italie, Portugal, Iraq.

*Les organisations non gouvernementales suivantes ont pris la parole dans le cadre de la réunion-débat sur la situation des droits de l'homme en République arabe syrienne:Institut du Caire pour les études sur les droits de l'homme; Women's International League for Peace and Freedom; Human Rights Watch; Conseil international pour le soutien à des procès équitables et aux Droits de l'Homme; World Council of Arameans (Syriacs); Africa Culture Internationale; et  l'Organisation internationale pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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