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Communiqués de presse Procédures spéciales

Mauritanie: Un expert des droits de l’homme réclame la mise en œuvre effective des garanties contre la torture

Mauritanie / Torture

03 février 2016

NOUAKCHOTT / GENEVE (3 février 2016) – L’expert des droits de l’homme des Nations Unies Juan E. Méndez a appelé aujourd’hui les autorités mauritaniennes « à mettre en œuvre les lois et les garanties existantes et destinées à protéger tous les suspects et tous les détenus contre la torture et les mauvais traitements. »

« Les garanties juridiques contre la torture et les mauvais traitements sont en place, mais elles ne sont pas appliquées », a déclaré le Rapporteur spécial des Nations unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants à l’issue de sa première visite officielle dans le pays.

M. Méndez s’est félicité des derniers développements législatifs en matière de lutte contre la torture, et notamment de la nouvelle loi relative à la lutte contre la torture et de la loi instituant le mécanisme national de prévention de la torture. « Cependant », a-t-il souligné, « les acteurs judiciaires en Mauritanie doivent comprendre qu’il existe un problème dans ce domaine et intensifier leurs efforts pour utiliser et mettre en œuvre ces garanties de protection. »

« Je suis particulièrement préoccupé par l’absence quasi totale d’enquêtes sur les allégations de torture et de mauvais traitements à l’heure actuelle », a déclaré l’expert de l’ONU.

« Il semble y avoir peu d’intérêt de la part des procureurs et des tribunaux à examiner les allégations de torture. L’absence totale d’expertise médico-légale constitue un facteur concourant à l’incapacité du système judiciaire à enquêter sur ce type d’allégations de manière adéquate. Ceci a également pour effet de rendre quasiment impossible l’application de la règle d’exclusion des déclarations obtenues sous la contrainte », a-t-il noté.

Au cours de sa visite de dix jours en Mauritanie, l’expert a mené des visites inopinées dans des lieux de détention, tels que des commissariats de police, des brigades de gendarmerie, des prisons, des centres de détention pour mineurs, ainsi que des institutions de santé mentale et des lieux dans lesquels des migrants irréguliers sont détenus. Il s’est aussi rendu dans un centre de détention de haute sécurité très rarement visité, dans la base militaire de Salahdine. Lors de sa visite, l’expert s’est déplacé dans la capitale et dans plusieurs régions du pays.

« Lors d’entretiens avec des détenus, plusieurs d’entre eux ont décrit diverses formes de coercition exercées par la police et la gendarmerie lors des phases d’arrestation et d’interrogatoire et qui, en vertu du droit international, constituent des traitements cruels, inhumains ou dégradants, tels que des passages à tabac, des menaces, des violences verbales dégradantes et des gifles », a déclaré M. Méndez, tout en précisant que d’autres détenus ont reconnu ne pas avoir fait l’objet de mauvais traitements.

« Selon certains témoignages que j’ai reçus et que j’estime être fiables, la sévérité de la douleur et de la souffrance endurées constituent de la torture, comme par exemple l’isolement prolongé, le placement dans des positions très douloureuses ou des passages à tabac sévères durant plusieurs jours », a-t-il souligné.

A cet égard, il a noté que « bien qu’il ne s’agisse pas d’un phénomène endémique, les mauvais traitements sont infligés suffisamment fréquemment - en particulier pour les crimes les plus graves - pour que cela mérite d’être pris au sérieux par le gouvernement. Chaque allégation devrait faire immédiatement l’objet d’une enquête complète et les conclusions qui s’imposent être tirées. »

Le Rapporteur spécial a également attiré l’attention sur l’utilisation des centres de détention non officiels dont l'existence a été reconnue par les autorités mauritaniennes durant la visite: « Le recours à de tels lieux, ainsi que l’impossibilité de communiquer avec un avocat pendant une période pouvant aller jusqu’à 45 jours pour les suspects poursuivis pour terrorisme, crée un environnement propice à la torture et aux mauvais traitements », a-t-il prévenu. Il a exhorté le gouvernement à réviser ces deux politiques et à harmoniser la pratique de la détention avec les standards du droit international.

« Les conditions de vie des détenus sont inhumaines », a ajouté M. Méndez. « Les installations sont surpeuplées, inadéquates – elles ont en effet rarement été conçues à cet effet – insalubres et insuffisamment ventilées. Il n’y a pas d’accès effectif aux soins de santé, et le suivi dentaire et psychiatrique est totalement inexistant. Les détenus n’ont pas d’opportunité d’emploi ou d’éducation, ni d’activité physique ou d’accès au soleil. »

Le Rapporteur spécial de l’ONU s’est en outre dit préoccupé par le fait que le personnel pénitentiaire ne dispose pas d’une formation appropriée en matière de gestion et de sécurité des établissements pénitentiaires.

Il a également exhorté la Mauritanie à envisager des réparations pour les violations des droits de l’homme et déportations forcées qui se sont déroulées durant la période dite du « passif humanitaire » entre 1989 et 1992, y compris en engageant des poursuites pour les crimes internationaux, en particulier la torture. « L’impunité pour les crimes du passé ne fait que favoriser l’impunité pour les situations d’abus actuelles », a-t-il noté.

Au cours de sa visite officielle en Mauritanie, M. Méndez s’est entretenu avec de hauts fonctionnaires de l’Etat, les institutions gouvernementales concernées, des organisations de la société civile et des associations de victimes. « Tout au long de la visite, les autorités m’ont permis un accès complet et sans entrave. Le gouvernement mérite d’être félicité pour avoir honoré son engagement de respecter l’intégrité et l’indépendance de la mission », a-t-il noté.

Le Rapporteur spécial présentera un rapport final au Conseil des droits de l’homme ou à l’Assemblée générale dans le courant de l’année.

M. Juan E. Méndez (Argentine) a été nommé Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants par le Conseil des droits de l’homme le 1 novembre 2010. M. Méndez a dédié sa carrière juridique à la défense des droits de l’homme, a un long et éminent passé de plaidoyer à travers les  Amériques. Pour en savoir plus, connectez-vous à: http://www.ohchr.org/en/special-procedures/sr-torture 

Les Rapporteurs spéciaux des Nations Unies font partie de ce qu’on appelle les « procédures spéciales » du Conseil des droits de l’homme. Les procédures spéciales qui constituent le plus grand groupe d’experts indépendants dans le système des Nations Unies des droits de l’homme, sont les mécanismes indépendants d’enquête et de surveillance du Conseil qui traitent, soit de situations spécifiques de pays ou de questions thématiques dans toutes les régions du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent sur une base volontaire; ils ne sont pas fonctionnaires de l’ONU et ne reçoivent pas un salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou organisation et siègent à titre individuel.

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants : http://www.ohchr.org/fr/instruments-mechanisms/instruments/convention-against-torture-and-other-cruel-inhuman-or-degrading

Droits de l’homme par pays – Mauritanie : http://www.ohchr.org/fr/countries/morocco

Pour plus d’information et pour des demandes de presse, veuillez contacter Andrea Furger (+ 41 79 201 0119 / afurger@ohchr.org) ou Sonia Cronin (+41 22 917 9160 / scronin@ohchr.org)

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