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Communiqués de presse Conseil des droits de l’homme

Le Conseil des droits de l'homme examine des rapports sur la République populaire démocratique de Corée, le Myanmar et l'Iran

11 Mars 2013

APRÈS-MIDI

11 mars 2013

Le Conseil des droits de l'homme a examiné, cet après-midi, des rapports présentés par trois de ses Rapporteurs spéciaux chargés de mandats concernant des pays. Il s'agit des rapports sur la République populaire démocratique de Corée, le Myanmar et la République islamique d'Iran.

S'agissant de la République populaire démocratique de Corée, le Rapporteur spécial, M. Marzuki Darusman, a déclaré que de graves violations des droits de l'homme, s'apparentant à des crimes contre l'humanité, sont commises dans ce pays; elles s'inscrivent dans le cadre d'une campagne systématique et généralisée contre la population civile. L'impunité qui règne dans le pays est aggravée par le fait que ses autorités ne coopèrent pas avec les mécanismes des Nations Unies.

La République populaire démocratique de Corée a rejeté le rapport la concernant, estimant qu'il est un exemple d'informations falsifiées, fabriquées et inventées par des forces hostiles. Dans le débat qui a suivi, de nombreuses délégations ont déploré le refus de coopération des autorités avec la communauté internationale, un refus qui porte certains membres du Conseil à appuyer la proposition du Rapporteur spécial de créer un mécanisme international d'enquête sur la situation des droits de l'homme dans ce pays. D'autres États ont estimé, au contraire, que l'Examen périodique universel est le seul mécanisme permettant d'examiner la situation des droits de l'homme de tous les pays sur un pied d'égalité et ont demandé qu'il soit mis en terme au mandat.

Les délégations suivantes ont pris la parole au sujet du rapport sur la République populaire démocratique de Corée: Allemagne, Argentine, Australie, Belarus, Canada, Chine, Cuba, Estonie, États-Unis, France, Iran, Japon, Myanmar, Norvège, Nouvelle-Zélande, Pologne, République de Corée, République démocratique populaire lao, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Slovaquie, Suisse, Syrie, Thaïlande, Union européenne, Venezuela, Viet Nam et Zimbabwe. Human Rights Watch, Amnesty International et People for Successful Korean Reunification ont également participé au débat.

Le Rapporteur spécial sur le Myanmar, M. Tomás Ojea Quintana, s'est félicité des grands progrès accomplis par le Myanmar dans le domaine des droits de l'homme, notamment en matière de lutte contre le travail forcé et contre le recrutement d'enfants-soldats, de respect de la liberté d'expression ou de coopération avec la communauté internationale. Mais des difficultés demeurent: ainsi, dans l'État de Kachin, les civils continuent de souffrir des effets de la guerre que se livrent l'armée régulière et les groupes armés. Plus de 75 000 personnes sont déplacées à l'intérieur du pays.

Le Myanmar a remercié le Rapporteur spécial de s'être rendu sept fois au Myanmar depuis le début de son mandat et assuré que les forces du pays sont mises à contribution pour faire face aux nombreux défis que le pays doit encore relever. Plusieurs délégations ont salué les progrès constatés par le Rapporteur spécial. Rappelant que le Myanmar est un pays en transition, certains ont appelé la communauté internationale à soutenir ses efforts, notamment par le biais d'une assistance technique et par la levée de l'embargo, pour lui garantir un avenir stable et prospère. L'ingérence des pays qui promeuvent la création de mandats pour punir les pays qui échappent à leur mainmise a été dénoncée par plusieurs délégations.

Les délégations suivantes sont intervenues au sujet de la situation au Myanmar: Allemagne, Argentine, Australie, Autriche, Cambodge, Canada, Chine, Cuba, Danemark, États-Unis, Fédération de Russie, Indonésie, Norvège, Norvège, Philippines, République populaire démocratique de Corée, République populaire démocratique lao, Royaume-Uni, Slovaquie, Thaïlande, Union européenne, Venezuela et Viet Nam. Les organisations non gouvernementales suivantes se sont aussi exprimées: Forum asiatique pour les droits de l'homme et le développement, Jubilee Campaign, Maarij Foundation for Peace and Development, Human Rights Now et Human Rights Watch.

Présentant son rapport sur la situation des droits de l'homme en Iran, M. Ahmed Shaheed a déclaré que ce pays a fait de grands progrès dans certains domaines, comme par exemple les droits de la femme. Malgré cette embellie, la situation demeure préoccupante, notamment au regard du caractère systématique de la torture en Iran, de l'application de la peine de mort et des violations des droits des minorités. L'Iran est intervenu pour rejeter la sélectivité et la manipulation des mécanismes onusiens des droits de l'homme et l'approche partisane du Rapporteur spécial; le pays rejette la création du mandat de Rapporteur spécial le concernant, ce qui ne signifie pas pour autant qu'il n'entend pas coopérer avec les mécanismes des droits de l'homme. Les délégations qui ont pris la parole en fin de séance ont notamment appelé l'Iran à adopter un moratoire sur l'application de la peine de mort. L'existence même du mandat a été dénoncée par certains intervenants qui ont rejeté les pratiques des puissantes occidentales pour chercher à imposer leur volonté aux pays du Sud.

Les délégations suivantes sont intervenues au sujet de l'Iran: Autriche, Équateur, États-Unis, Norvège, République populaire démocratique de Corée, République tchèque, Suède, Suisse, Union européenne et Venezuela.

Le Conseil poursuivra demain matin le débat interactif avec le Rapporteur spécial sur la situation en Iran, avant d'être saisi de rapports du Haut-Commissariat et du Secrétariat s'agissant en particulier des situations au nord du Mali et en Afghanistan, ainsi que de l'assistance à la Guinée et à la Libye dans le domaine des droits de l'homme. Le Conseil procédera ensuite au débat général sur les situations relatives aux droits de l’homme qui requièrent son attention.

Examen du rapport sur la République populaire démocratique de Corée

Présentation du rapport

M. MARZUKI DARUSMAN, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée, a présenté son rapport annuel en observant d'emblée que de graves violations des droits de l'homme sont commises dans ce pays depuis plusieurs décennies, un fait confirmé par de nombreux acteurs, y compris des institutions des Nations Unies. Par une analyse détaillée de plus de soixante documents, le rapport distingue plusieurs grandes catégories de violations: violation du droit à l'alimentation; actes de torture; détention arbitraire; violations des droits de l'homme dans les camps de prisonniers; discrimination; violation de la liberté d'expression, du droit à la vie et de la liberté de mouvements; ainsi que disparitions forcées. Un tableau exhaustif et une analyse détaillée de ces violations des droits de l'homme figurent dans une des annexes du rapport. L'impunité qui règne en République populaire démocratique de Corée est aggravée par le fait que ses autorités ne coopèrent pas avec les mécanismes des Nations Unies. Le représentant permanent de la République populaire démocratique de Corée à Genève a ainsi envoyé récemment une lettre au Président du Conseil des droits de l'homme, dans laquelle il rejette l'existence d'un Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme dans son pays.

Le prédécesseur de M. Darusman avait appelé la communauté internationale à traiter l'impunité sous divers angles. Il s'agit de permettre aux mécanismes compétents de prendre les mesures appropriées pour faire cesser les violations des droits de l'homme, punir les coupables et offrir des réparations à la population. M. Darusman a estimé que les violations des droits de l'homme identifiées dans son rapport s'apparentent à des crimes contre l'humanité, commis dans le cadre d'une campagne systématique et généralisée contre la population civile, selon les critères des Statuts de Rome instituant la Cour pénale internationale. La communauté internationale a la responsabilité de lancer une enquête indépendante et impartiale, étant donné que le Gouvernement de la République populaire démocratique de Corée ne remplit pas ses obligations à cet égard. Un mécanisme d'enquête doté des ressources suffisantes devrait être créé pour évaluer l'ampleur des violations des droits de l'homme et examiner les responsabilités personnelles et institutionnelles, en vue de formuler des recommandations d'actions à l'intention de la communauté internationale et du Gouvernement de la République populaire démocratique de Corée.

Le rapport sur la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée (A/HRC/22/57) présente des recommandations à l'intention de la communauté Internationale. Il préconise l'établissement d'un mécanisme d'enquête doté de ressources suffisantes pour mener des investigations et rassembler des éléments de preuve concernant des violations graves, systématiques et généralisées des droits de l'homme dans ce pays, en vue d'examiner la question de la responsabilité à raison de ces violations ainsi que de crimes contre l'humanité.

Pays concerné

La République populaire démocratique de Corée a rejeté le rapport sur la situation des droits de l'homme dans le pays, estimant qu'il est un exemple d'informations falsifiées, fabriquées et inventées par des forces hostiles, par des transfuges et autres rebuts de la société. Ce n'est rien d'autre que l'instrument d'un complot politique visant à saboter le système socialiste et à diffamer l'image et la dignité du pays. Le document n'a aucune pertinence dans la promotion et la protection des droits de l'homme véritables. Les personnes sensées distingueront sans difficulté la vérité du mensonge. La République populaire démocratique de Corée ne reconnaît ni n'accepte la résolution la concernant, ni le mandat du Rapporteur spécial. Ce mécanisme est un produit de la politisation des droits de l'homme par l'Union européenne et le Japon, de concert avec la politique d'hostilité des États-Unis. La mention d'un prétendu mécanisme d'enquête faite par le Rapporteur spécial constitue un témoignage limpide de sa nature véritable. On ne doit pas se bercer d'illusions: la pression sous forme d'un «mécanisme d'enquête» ne changera absolument rien aux principes que le pays a l'intention de continuer à promouvoir, à savoir la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales de son peuple, en relevant le défi lancé par des forces hostiles.

Débat interactif

Le Japon s'est félicité de ce que, l'an passé, des résolutions sur la République populaire démocratique de Corée aient été, pour la première fois, adoptées par consensus aussi bien au Conseil des droits de l'homme qu'à l'Assemblée générale, ce qui démontre l'intérêt de la communauté internationale pour la question. Le Japon soutient le nouveau mécanisme d'enquête prévu dans le projet de résolution actuellement examiné par le Conseil des droits de l'homme. L'Union européenne a déclaré que la gravité de la situation et le refus des autorités de coopérer avec les mécanismes des Nations Unies la contraignaient, de même que le Japon, à proposer la création de ce mécanisme d'enquête. L'Union européenne s'est interrogée sur les meilleurs moyens d'obtenir la coopération de la République populaire démocratique de Corée et de susciter le changement dans ce pays.

La République de Corée a affirmé que le rapport de cette année était important car il brossait un tableau global des documents et résolutions concernant la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée. S'il peut constituer un document de référence solide, il n'en demeure pas moins que la connaissance et la compréhension de la situation des droits de l'homme dans ce pays est extrêmement limitée. La République de Corée est, elle aussi, favorable à la création d'un mécanisme d'enquête auquel le Rapporteur spécial participerait activement en la faisant bénéficier de sa grande expertise. La Suisse a également dit soutenir la création du mécanisme d'enquête, compte tenu de l'absence de volonté de la République populaire démocratique de Corée de lutter contre l'impunité et de mener des enquêtes effectives et impartiales. L'Allemagne a soutenu le mécanisme d'enquête, estimant que les responsabilités institutionnelles et personnelles des violations des droits de l'homme doivent être établies. Elle se demande de quelle manière les documents et ressources existants contribueront à l'enquête. Les États-Unis estiment que la création d'un mécanisme d'enquête donnerait un élan plus important à l'action entreprise jusqu'à présent par le Conseil. Ils espèrent que la République populaire démocratique de Corée finira par reconnaître les avantages qu'il y a à coopérer avec les mécanismes des droits de l'homme de l'ONU.

Le Canada a condamné le mépris total pour la liberté de religion et d'expression, ainsi que le traitement cruel des prisonniers politiques en République populaire démocratique de Corée. L'Argentine s'est dite très préoccupée par les atteintes au droit à la vie et à l'alimentation, ainsi que les détentions arbitraires, qui constituent des violations graves et systématiques des droits de l'homme pouvant constituer des crimes contre l'humanité.

La France a estimé plus urgent que jamais que les autorités de la République populaire démocratique de Corée réforment en profondeur leur système juridique et carcéral, et qu'elles sanctionnent le recours à la torture. Elles doivent également mettre en conformité leurs lois, le Code pénal en particulier, avec le droit international relatif aux droits de l'homme. La France appelle enfin la République populaire démocratique de Corée à libérer sans délai les prisonniers politiques et les membres de leurs familles. Le Royaume-Uni a appelé la République populaire démocratique de Corée à coopérer avec les institutions internationales des droits de l'homme.

L'Estonie et la Pologne ont dit leur soutien à la mise en œuvre des recommandations contenues dans le rapport, en particulier la création d'un mécanisme d'enquête. La Roumanie a demandé au Rapporteur spécial comment il envisageait le suivi des recommandations d'un futur mécanisme, étant donné l'absence de coopération du pays concerné. Favorable à la création du mécanisme d'enquête, la République tchèque a souhaité savoir s'il existait des indices de l'expansion du système des camps en République populaire démocratique de Corée. La Slovaquie s'est félicitée de l'appel lancé en faveur de la création du mécanisme d'enquête international. Elle estime qu'il faut se pencher de plus près sur les dossiers non réglés, celui des enlèvements en particulier.

La Norvège a jugé troublant le refus de la République populaire démocratique de Corée de donner la moindre réponse aux 117 recommandations qui lui ont été faites lors de son examen périodique universel. La Nouvelle-Zélande, favorable au renouvellement du mandat du Rapporteur spécial pour une année supplémentaire, soutient aussi la création d'un mécanisme d'enquête. L'accent doit être mis sur l'imputabilité et la détermination des responsabilités, selon elle. L'Australie, affligée par la détérioration de la situation en République populaire démocratique de Corée, a affirmé qu'elle évoquait régulièrement cette question dans ses contacts bilatéraux avec ce pays.

La Thaïlande s'est félicitée des efforts du Rapporteur spécial pour brosser un tableau de la situation et analyser les documents relatifs à la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée publiés au cours des huit dernières années. Elle a appelé la République populaire démocratique de Corée à coopérer avec les organes des Nations Unies chargés de fournir une aide alimentaire, ainsi qu'avec le Haut-Commissariat aux droits de l'homme. La question de l'établissement d'un mécanisme international d'enquête est sensible et doit être étudiée sans précipitation. Il faut éviter tout double-emploi avec le mandat du Rapporteur spécial et éviter le gaspillage des ressources. La communauté internationale doit tout faire pour promouvoir la coopération et le dialogue.

Le Viet Nam a pris note des nombreuses difficultés auxquelles la République populaire démocratique de Corée est confrontée, l'appelant à n'épargner aucun effort ni ressource pour remédier à la crise alimentaire, en particulier. Il appelle les parties concernées à redoubler d'effort pour résoudre certaines questions humanitaires, comme par exemple les enlèvements de ressortissants étrangers.

La Chine a déclaré que les divergences en matière de droits de l'homme doivent être traitées par le dialogue et la coopération, en vue d'une amélioration réelle de la situation des droits de l'homme, propice à la paix et à la sécurité. Vu la situation tendue dans la péninsule coréenne, les Nations Unies devraient s'abstenir de prendre des décisions qui mettrait en péril la stabilité régionale. La Chine, de même que l'Iran, s'oppose à la création d'un mécanisme d'enquête sur la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée, qui ne serait pas favorable aux droits de l'homme. Cuba a déclaré s'opposer par principe aux résolutions concernant des pays, qui sont l'expression de volontés politiques et ne concernent pas la situation des droits de l'homme. L'Examen périodique universel est le seul mécanisme qui permet d'examiner la situation des droits de l'homme de tous les pays sur un pied d'égalité, une position partagée par la République populaire démocratique lao. De même, pour le Myanmar, les mandats spécifiques par pays sont contre-productifs car ils ne favorisent pas un environnement propice à un dialogue authentique ni à une coopération efficace entre le titulaire de mandat et le pays concerné. Le Bélarus a observé que le mandat avait démontré, depuis huit ans, son inutilité. Il n'est donc guère opportun de le proroger. Seul le dialogue peut permettre de progresser et il n'est pas trop tard pour prendre langue avec la République populaire démocratique de Corée, estime le Bélarus. Le Zimbabwe a demandé qu'il soit mis en terme au mandat du Rapporteur spécial. Le Venezuela a souligné que la présentation du rapport confirmait le risque grave représenté par les mandats par pays: politiquement motivés, ils ont creusé la tombe de l'ancienne Commission des droits de l'homme. Malheureusement, cette pratique subsiste au sein du Conseil actuel.

La République arabe syrienne, qui déplore qu'il ne soit tenu aucun compte des progrès enregistrés par la République populaire démocratique de Corée, constate que l'attitude des auteurs du projet de résolution n'a rien de surprenant de la part de pays pratiquant l'ingérence afin de renverser des gouvernements établis et souverains.

Parmi les organisations non gouvernementales qui ont participé au débat, Human Rights Watch a regretté qu'en dépit des changements survenus à sa tête, la République populaire démocratique de Corée continuait de violer systématiquement les droits de l'homme. L'organisation se félicite de la décision du Japon et de l'Union européenne de présenter une résolution appelant à l'établissement d'une commission d'enquête, mécanisme qui pourrait attirer l'attention sur des décennies d'abus et d'impunité. Amnesty International s'est félicitée, elle aussi, de la proposition de créer un mécanisme international d'enquête. Son représentant a évoqué en détail la situation régnant aux environs du Camp de prisonniers N°14, dont l'analyse a été rendue possible grâce à des photos prises par satellite: elles démontrent qu'il y a peu de différence entre la vie dans le camp et celle de la population des environs immédiats. People for Successful Korean Reunification, dont le représentant s'est présenté comme un transfuge originaire du Nord de la péninsule coréenne, a dénoncé les structures politiques d'oppression en place dans son pays. Il a affirmé qu'en 2009 deux adolescents sans abri avaient été exécutés sur une place publique, pour vol. Or, la République populaire démocratique de Corée avait prétendu, lors de son examen périodique, que la peine capitale n'était plus appliquée sur des mineurs.

Conclusion du Rapporteur spécial

M. DARUSMAN a constaté que des pénuries alimentaires en République populaire démocratique de Corée se produisaient à intervalles extrêmement réguliers, généralement en été. La situation dans le pays ne doit pas pour autant dissuader toute assistance internationale: il est indispensable de venir en aide aux plus démunis dans ce pays. Le Rapporteur spécial est revenu sur la question de la création d'un mécanisme d'enquête, estimant que la situation apparaissait mûre, désormais, alors qu'il y a encore trois ans il était courant d'affirmer qu'une telle initiative risquait d'être contre-productive. Il faut dresser le bilan de ce que le Conseil a obtenu au fil des années. On dispose en effet d'une soixantaine de rapports concernant ce pays. Les rapports établis jusqu'à présents offraient des informations éparses. Il convient maintenant de systématiser l'analyse. C'est pourquoi M. Darusman estime que la communauté internationale doit créer une commission d'enquête pour ce faire. Le Rapporteur spécial ne peut en effet traiter, à lui seul, l'étendue et la gravité des violations des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée, dont certaines pourraient être qualifiées de crimes contre l'humanité. Depuis le changement de gouvernement, l'émigration a ralenti, ce qui semble indiquer que les autorités ont entrepris de parfaire leur emprise sur la population, selon M. Darusman.

Examen du rapport sur le Myanmar

Présentation du rapport

M. TOMÁS OJEA QUINTANA, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Myanmar, s'est félicité des progrès réalisés par le pays dans le domaine des droits de l'homme. Cela fait maintenant deux ans que le Myanmar a tenu ses élections générales et libéré, à cette occasion, 800 prisonniers de conscience. De grands progrès sont en outre été observés dans la réduction du travail forcé et du recrutement d'enfants soldats, de même qu'en matière de respect de la liberté d'expression. Le Gouvernement coopère activement avec la communauté internationale, y compris en permettant l'accès d'observateurs dans l'État de Rakhine.

Alors que le Gouvernement actuel arrive à mi-mandat, il est désormais temps d'impliquer plus de personnes dans le processus de transition, a estimé le Rapporteur spécial. M. Quintana a appelé les autorités du Myanmar à abolir la loi sur le rassemblement pacifique, dans le but de s'assurer que personne ne sera emprisonné pour avoir pris part à une manifestation. Le Gouvernement doit ainsi procéder à un renforcement des capacités tant des personnels de police que des forces armées.

De nombreuses difficultés demeurent au Myanmar, a souligné le Rapporteur spécial. Ainsi, dans l'État de Kachin, les civils continuent de souffrir des effets de la guerre que se livrent l'armée régulière et les groupes armés. Le pays compte plus de 75 000 personnes déplacées. Leur situation peut s'améliorer si le Gouvernement permet l'accès de l'aide humanitaire. La situation des minorités est également préoccupante, comme le montrent les discriminations dont sont victimes les quelques 800 000 membres des communautés rohingya, bouddhiste et musulmane dans l'État de Rakhine. Le Rapporteur spécial a appelé les autorités à prendre des mesures visant à faire en sorte que les lois s'appliquent concrètement sur le terrain.

Le rapport annuel sur la situation des droits de l'homme au Myanmar (A/HRC/22/58, à paraître – une version anticipée est disponible en anglais) examine l'impact des réformes en cours sur la situation des droits humains au Myanmar, évalue les évolutions positives, les lacunes, les domaines qui n'ont pas encore fait l'objet de l'attention des autorités et les lacunes en matière de mise en œuvre. Le Conseil est également saisi des réponses fournies par le Myanmar.

Pays concerné

Le Myanmar a indiqué que son Président, U Thein Sein, avait récemment rendu visite à quatre pays européens ainsi qu'au siège de l'Union européenne, à Bruxelles. Le Président y a déclaré, lors d'une conférence de presse conjointe avec le Premier Ministre de Norvège, que l'appui de ce pays avait été essentiel pour mettre fin au plus vieux conflit armé du monde. Le Myanmar a remercié M. Ojea Quintana de s'être rendu à sept reprises au Myanmar depuis le début de son mandat. Toutefois, certains éléments et recommandations de son rapport ne sont pas acceptables, tandis que d'autres ont perdu de leur pertinence suite aux réformes engagées. En particulier, les recommandations contenues aux paragraphes 94 (c) et (h) ainsi qu'au paragraphe 98 (a) constituent des atteintes à la souveraineté du Myanmar. Dans le cadre du processus de paix, des accords de cessez-le-feu ont été signés avec dix des onze groupes armés; des pourparlers sont en cours avec le dernier groupe, a précisé le Myanmar. Près de 90% de la population du Myanmar est bouddhiste et le pays connaît l'harmonie religieuse. L'égalité de traitement est garantie par la Constitution aux personnes issues de minorités religieuses. Les lieux de cultes se côtoient pacifiquement sur l'ensemble du territoire. Toutes les forces du pays sont mises à contribution pour faire face aux nombreux défis qu'il doit relever pour adopter une nouvelle culture politique. Le Myanmar appelle à la levée des sanctions et restrictions qui entravent le développement économique du pays. Il estime, par ailleurs, que les mandats spécifiques sur des pays ne permettent pas l'instauration d'un climat propice au dialogue entre les titulaires de mandats et les pays concernés. Il faut privilégier les procédures qui ne portent pas à controverse pour examiner la situation des droits de l'homme d'un pays, à l'instar de l'Examen périodique universel.

Débat interactif

Le Cambodge, la Thaïlande, la République populaire démocratique lao et l'Indonésie, ont salué les progrès réalisés par le Myanmar. Ce pays étant toujours en transition, il doit bénéficier de l'aide de la communauté internationale pour poursuivre ses efforts. Le Viet Nam a appelé à la levée de l'embargo imposé au Myanmar, pour lui garantir un avenir stable et prospère. La Chine a déclaré que le processus de réconciliation en cours au Myanmar renforce le respect des droits de l'homme dans le pays. La situation dans l'État de Rakhine semble se calmer, suite aux mesures prises par les autorités. Des pourparlers de paix ont eu lieu, en Chine, entre les groupes armés du Nord du pays et le Gouvernement. En raison des évolutions positives, la Thaïlande a appelé le Conseil à revoir sa position face au Myanmar, dans le but de renforcer la réconciliation. Cette position est en effet «artificielle», car elle ne favorise pas la réconciliation, a ajouté la Fédération de Russie.

La République populaire démocratique de Corée a critiqué l'ingérence des pays occidentaux qui promeuvent la création de mandats pour punir les pays qui échappent à leur mainmise; elle estime que l'Examen périodique universel traite de manière impartiale et équilibrée des situations relatives aux droits de l'homme, contrairement aux mandats par pays, qui sont anachroniques. Le Venezuela a estimé que le rapport de l'expert illustre la politisation des travaux du Conseil. Le Myanmar a accepté l'ouverture d'un bureau du Haut-Commissariat aux droits de l'homme sur son territoire, ce qui démontre son engagement en faveur de la coopération avec les mécanismes des Nations Unies, a-t-il souligné. Cuba a rappelé son opposition de principe à tout mandat spécifique ciblant les pays du Sud. Les mandats créés sans l'accord des pays concernés sont voués à l'échec: l'Examen périodique universel est le moyen idoine pour évaluer la situation des droits de l'homme dans tous les pays.

Le Royaume-Uni et la Norvège ont salué les progrès enregistrés dans le domaine des droits de l'homme au Myanmar, l'Union européenne affirmant que les réformes semblent se poursuivre et aller dans la bonne direction. L'Australie s'est félicitée de l'adoption de lois favorisant la démocratie. Les délégations ont salué l'engagement pris par les autorités du Myanmar d'accueillir un bureau national du Haut-Commissariat aux droits de l'homme. L'Union européenne, qui a rappelé que la libération des prisonniers de conscience devait être inconditionnelle, s'est réjouie de l'annonce de la création d'une commission chargée d'examiner les cas en suspens. Les Philippines ont salué la libération d'un grand nombre de prisonniers politiques depuis 2011.

Pour sa part, la France, qui a souligné que l'action du Rapporteur spécial était primordiale pour accompagner la transition en Birmanie, appelle tous les États membres du Conseil à se prononcer en faveur du renouvellement du mandat du Rapporteur spécial. L'Allemagne s'est dite déçue de ne rien avoir entendu de la part du représentant du Myanmar quant à l'ouverture d'un bureau du Haut-Commissariat des droits de l'homme dans le pays. L'Autriche a appelé le Myanmar à poursuivre et à renforcer sa coopération avec le Comité international de la Croix-Rouge. L'Argentine a appelé le Myanmar à ratifier la Convention contre la torture et à inviter le Rapporteur spécial sur la torture à visiter le pays.

De nombreuses délégations, dont le Danemark, le Canada, la Slovaquie, la Norvège et la Turquie, ont fait part de leur vive réoccupation face à la situation des droits de l'homme dans les États de Kachin et de Rakhine. La poursuite des combats est d'autant plus préoccupante qu'elle empêche l'acheminement de l'aide humanitaire et alimentaire. Les États-Unis ont dénoncé les discriminations dont sont l'objet les minorités ethniques et religieuses, dont les Rohingyas. La République tchèque et le Japon se sont inquiétés, de plus, de la situation humanitaire dans les camps pour personnes déplacées à l'intérieur du pays. La Suisse a appelé les autorités à garantir l'accès des travailleurs humanitaires aux régions sinistrées.

S'agissant des interventions d'organisations non gouvernementales, le Forum asiatique pour les droits de l'homme et le développement, a souligné que le rapport démontrait que le Conseil doit rester saisi de la situation des droits de l'homme au Myanmar, particulièrement dans les zones frontalières de peuplement non birman. Par ailleurs, un grand nombre de prisonniers politiques restent derrière les barreaux, a regretté le représentant. L'organisationconvient, avec le Rapporteur spécial, de la nécessité d'œuvrer pour la vérité, pour la justice pour la traduction en justice des auteurs de violations des droits de l'homme.

Jubilee Campaign a demandé au Conseil de continuer d'exhorter le Myanmar à approfondir sa démocratisation, à commencer par la libération de tous les prisonniers politiques en détention. La Maarij Foundation for Peace and Development a dénoncé la situation des Rohingyas et des musulmans kaman dans l'État d'Arakan, victimes de violences meurtrières de la part de milices de l'ethnie rakhine, avec la complicité manifeste des autorités. Des mosquées ont été attaquées et l'exode de réfugiés rohingyas grossit en direction des pays voisins. De même, Human Rights Now a dénoncé la poursuite des exactions de l'armée dans les États chan et kachin. Les militaires, plutôt que se retirer, consolident leur occupation et s'en prennent aux populations locales. L'organisation appelle les autorités à empêcher l'armée de continuer à se comporter en pays conquis. Elle appelle les pays désireux d'investir au Myanmar de tenir compte de l'incidence de leurs activités économiques sur les droits de l'homme. Human Rights Watch a regretté, à son tour, le sort de la minorité rohingya, soulignant que le soutien du Conseil au processus de réforme en Birmanie ne devait pas l'amener à fermer les yeux sur les abus toujours commis par l'armée, notamment dans l'État kachin. Elle a appelé à l'adoption d'une résolution reprenant les préoccupations exprimées dans cette salle et a demandé la prorogation du mandat du Rapporteur spécial.

Conclusions du Rapporteur spécial

M. OJEA QUINTANA a déclaré que la violence dans l'État de Rakhine est de nature moins religieuse que militaire; elle touche non seulement la communauté rohingya mais aussi les bouddhistes. Les violations des droits de l'homme dans l'État de Kachin sont elles aussi très graves. Ces réalités doivent être dites au sein de ce Conseil, a-t-il insisté, appelant le Gouvernement du Myanmar à en prendre toute la mesure. Les accords de cessez-le-feu devront aussi en tenir compte, a plaidé le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Myanmar. Par ailleurs, l'ouverture d'un bureau du Haut-Commissariat s'avérera certainement très utile pour aider le Gouvernement à assumer ses obligations. Le Rapporteur spécial a enfin demandé au Gouvernement de relâcher les nombreuses personnes encore détenues pour des motifs politiques: le Myanmar doit d'autant plus aller de l'avant qu'il s'apprête à présider l'Association des Nations de l'Asie du Sud-Est (ANASE), a conclu M. Ojea Quintana.

Examen du rapport sur la République islamique d'Iran

Présentation du rapport

M. AHMED SHAHEED, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en Iran, a déclaré avoir eu des entretiens avec des représentants des autorités iraniennes la semaine dernière, ce qui représente une avancée positive. Le Rapporteur spécial a concentré son rapport de cette année sur l'évaluation de la capacité du Gouvernement iranien à mettre en œuvre les engagements pris dans le cadre de l'Examen périodique universel auquel le pays s'est soumis devant le Conseil.

L'Iran a fait de grands progrès dans le domaine des droits de la femme, notamment concernant l'éducation. Mais l'accès des femmes continue à être limité dans certains domaines d'études et dans les postes importants au sein de l'administration. La situation des droits de l'homme en Iran continue à être préoccupante. Il semble que cinq prisonniers kurdes ont été poursuivis et torturés pour avoir pris contact avec le Rapporteur spécial. Le Gouvernement a affirmé que ces poursuites ne constituaient pas des actes de représailles. Mais la situation des défenseurs des droits de l'homme reste critique en Iran.

M. Shaheed a déploré que la torture soit systématique en Iran et que le Gouvernement continue d'y exécuter des personnes condamnées à mort. Il l'a appelé à cesser de harceler certains avocats et journalistes, plusieurs dizaines d'entre eux étant incarcérés en raison de leur prétendue collaboration avec des mouvements qualifiés de contre-révolutionnaires. Les personnes issues de minorités religieuses, comme les Bahaï et les protestants, sont également persécutées. Le Rapporteur spécial a appelé le Gouvernement iranien à libérer les centaines de prisonniers politiques, dont deux candidats à l'élection présidentielle, emprisonnés suite aux manifestations qui ont suivi le scrutin de 2009. Il a souligné que les libertés d'expression, de réunion et d'association sont des conditions essentielles à l'exercice effectif du droit de vote. Ainsi ces libertés doivent être promues et protégées. Enfin, le Rapporteur spécial s'est dit préoccupé par l'impact négatif des sanctions économiques imposées à l'Iran sur la situation humanitaire de sa population.

Le rapport sur la situation des droits de l'homme en République islamique d'Iran paraîtra sous la cote A/HRC/22/56 (une version anticipée du rapport est disponible en anglais).

Pays concerné

La République islamique d'Iran a rappelé les propos de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme à l'ouverture de la session, selon laquelle l'examen périodique universel était le mécanisme par excellence pour suivre la situation des droits de l'homme partout dans le monde. L'Iran est entièrement d'accord avec Mme Pillay et rejette, comme elle, la sélectivité et la manipulation des mécanismes onusiens des droits de l'homme. Or, les résolutions ponctuelles relatives à des pays affectent négativement les nobles préoccupations en matière de droits de l'homme. C'est la raison pour laquelle l'Iran a rejeté la création du mandat de Rapporteur spécial le concernant, ce qui ne signifie pas pour autant que l'Iran n'entend pas coopérer avec les mécanismes des droits de l'homme. Au contraire, l'Iran est attaché à cette coopération: le pays avait invité la Haut-Commissaire à se rendre sur place, invitation renouvelée aujourd'hui. L'Iran note que le Rapporteur spécial ne mentionne pas les sanctions imposées à l'Iran par les États-Unis et leurs alliés européens, sans même parler de les condamner pour leur caractère illégitime. Le Rapporteur spécial ne semble pas conscient, non plus, du contexte religieux et culturel iranien. Aucun dispositif de droits de l'homme n'oblige son pays à reconnaître les homosexuels, non plus que la notion de viol marital, mentionnés dans le rapport. En tant que nation musulmane, l'Iran a le droit de rejeter les styles de vie et modes occidentaux qu'on entend lui imposer, ainsi qu'au reste du monde, sans tenir compte des différences culturelles. L'Iran dénonce une ingérence politique patente et un détournement des mécanismes des droits de l'homme. Il est regrettable que, comme les précédents, ce rapport ne contribue pas à la promotion ni à la protection des droits de l'homme.

Débat interactif

L'Union européenne s'est dite préoccupée par la situation de la femme en Iran, par les violations des droits de l'homme des minorités, par l'application généralisée de la torture et par le taux d'exécution de la peine de mort, en augmentation. La Suède a demandé au Rapporteur spécial ce que la communauté internationale peut faire de plus pour que l'Iran protège les droits de l'homme. Les États-Unis se sont félicités des conclusions du rapport, exprimant sa préoccupation pour les graves violations qu'il rapporte. La Suisse et la Norvège se sont, quant à elles, déclarées vivement inquiètes de l'application de la peine de mort. L'Iran devrait adopter un moratoire sur les exécutions capitales, a plaidé le représentant de l'Autriche. La République tchèque s'est préoccupée de la situation des défenseurs des droits de l'homme en Iran.

Le Venezuela et la République populaire démocratique de Corée, notamment, ont rejeté la pratique des puissantes occidentales qui cherchent à imposer leur volonté aux pays du Sud. Cette pratique «de deux poids deux mesures» obéit à un agenda politique que l'Équateur ne saurait cautionner. Ce pays appelle toutefois le Gouvernement iranien à renoncer à la peine de mort et à répondre aux allégations qui lui sont imputés.

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