Communiqués de presse Organes conventionnels
Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels examine le rapport de l'Espagne
08 mai 2012
8 mai 2012
Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné, hier après-midi et aujourd'hui, le rapport de l'Espagne sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
M. Isaac Salama Salama, Chef du secteur constitutionnel et Avocat général de l'État au Ministère de la justice de l'Espagne, a d'emblée souligné que l'examen du présent rapport s'inscrit dans le contexte de grave crise économique que traversent les pays de la zone euro et que l'économie espagnole est engagée dans un coûteux processus d'ajustement budgétaire. Seule la stabilité des comptes permettra d'assurer la durabilité des mécanismes qui sous-tendent l'État providence. Dans le cadre de cet effort budgétaire, le Gouvernement veille à ce que l'effort demandé soit progressif et pèse essentiellement sur ceux qui ont le plus. Le chômage est la première et la plus grave conséquence de la crise en Espagne, a poursuivi M. Salama, attirant l'attention sur la réforme du marché du travail engagée dans le cadre d'une ambitieuse modification des relations de travail afin de freiner le taux de destruction d'emplois, de permettre la création d'emplois de qualité, d'introduire de nouveaux mécanismes de flexibilité et de moderniser la négociation collective. En dépit des coupures budgétaires, les dépenses sociales continuent de croître a aussi fait valoir M. Salama, qui a assuré du ferme engagement de l'Espagne en faveur de la défense la plus vigoureuse des droits de l'homme et, en particulier, des droits économiques, sociaux et culturels.
La délégation espagnole était également composée de la Représentante permanente de l'Espagne auprès des Nations Unies à Genève, Mme Ana Menéndez Pérez, ainsi que de représentants du Ministère de l'emploi et de la sécurité sociale, du Ministère de l'éducation, de la culture et des sports, du Ministère de la justice, du Ministère de la santé, des services sociaux et de l'égalité, du Ministère du développement et du Ministère des affaires extérieures et de la coopération. Elle a répondu aux questions soulevées par les membres du Comité en ce qui concerne, notamment, la lutte contre la discrimination; les questions liées à l'emploi, s'agissant plus particulièrement de la récente réforme du marché du travail, du chômage, du salaire minimum, des accidents du travail ou encore du droit de grève; les questions d'immigration; les questions de santé et d'éducation; la situation de la population gitane, les questions relatives au logement.
Interrogée sur la possibilité pour l'Espagne d'emprunter une voie intermédiaire entre la politique d'austérité et la politique de croissance, la délégation a assuré que le Gouvernement espagnol n'a jamais renoncé à mener une politique de croissance, notamment par des mesures d'assouplissement de l'économie visant à favoriser l'emploi. L'Espagne n'entend pas reporter sur les plus défavorisés le poids de l'ajustement budgétaire, a par la suite assuré la délégation.
À l'ouverture du dialogue, le Président du Comité, M. Ariranga Govindasamy Pillay, a souligné que ce dialogue permettrait au Comité de mesurer l'impact des mesures d'austérité qu'a dû prendre le Gouvernement espagnol sur la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels. Le rapporteur pour l'examen du rapport de l'Espagne, M. Jaime Marchán Romero, a souligné que la crise économique a eu des répercussions dévastatrices, remettant en cause les niveaux minima de protection offerts aux Espagnols. Les mesures adoptées jusqu'ici se sont avérées insuffisantes, compte tenu de la gravité de la crise économique, et ne répondent pas aux exigences du Pacte. Le rapporteur s'est inquiété du taux élevé de chômage, en particulier chez les jeunes, ainsi que des coupes budgétaires dans la santé et l'éducation.
Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales sur le rapport de l'Espagne, qui seront rendues publiques à la fin de la session, le vendredi 18 mai prochain.
Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de l'Éthiopie (E/C.12/ETH/1-3), qui se poursuivra jusqu'à la mi-journée de jeudi.
Présentation du rapport
Présentant le rapport de l'Espagne (E/C.12/ESP/5), MME ANA MENÉNDEZ PÉREZ, Représentante permanente de l'Espagne auprès des Nations Unies à Genève, a rappelé que le pays avait exprimé dans sa Constitution de 1978 son engagement en faveur de la promotion et de la protection des droits de l'homme. L'Espagne croit en la nécessité d'approfondir le développement des différents droits économiques, sociaux et culturels, a-t-elle déclaré, soulignant que la norma normarum du pays énonce de nombreux droits et libertés fondamentaux en accordant une large part aux droits économiques, sociaux et culturels. Mme Menéndez Pérez a par ailleurs attiré l'attention sur le Plan d'action sur les droits de l'homme approuvé par l'Espagne le 12 décembre 2008.
M. ISAAC SALAMA SALAMA, Chef du secteur constitutionnel et Avocat général de l'État au Ministère de la justice de l'Espagne, a souligné que l'examen du rapport s'inscrit dans le contexte de grave crise économique que traversent la zone euro et l'Espagne. L'économie espagnole est engagée dans un coûteux processus d'ajustement fiscal qui, de plus, doit être mené à bien dans un contexte externe fortement influencé par une crise de la dette souveraine dans la zone euro qui affecte très sévèrement l'Espagne, a-t-il déclaré. Les engagements qu'a contractés l'Espagne auprès de l'Union européenne obligent le pays à faire face, en 2012 et 2013, aux plus grands ajustements budgétaires depuis l'adoption de la Constitution de 1978, afin de passer en deux années d'un déficit de 8,51% à un déficit de 3% du PIB, a déclaré M. Salama, affirmant que l'Espagne est engagée dans cette voie de consolidation fiscale. Seule la stabilité des comptes permettra d'assurer la durabilité des mécanismes qui sous-tendent l'État de bien-être social, a-t-il insisté. Dans le cadre de cet effort budgétaire, le Gouvernement a dû agir à la fois en augmentant les revenus publics et en réduisant les dépenses, mais toujours en veillant à ce que l'effort demandé soit progressif et pèse essentiellement sur ceux qui ont le plus, a-t-il affirmé.
En dépit des ajustements qui ont dû être adoptés en 2012, les dépenses sociales représentent, hors financement des communautés autonomes, 64,6% du budget consolidé – ce qui constitue une hausse en comparaison aux 63,7% de l'année précédente, a poursuivi M. Salama. Ainsi, en dépit des coupures budgétaires, les dépenses sociales continuent de croître, dans la mesure des possibilités du pays, du point de vue de la part du budget qui leur est consacrée. Dans un contexte de forte réduction des dépenses publiques, le Gouvernement espagnol a maintenu son engagement d'accroître de 3,2% par rapport à 2011 les dépenses associées aux pensions, qui atteindront ainsi près de 115,83 milliards d'euros. En outre, l'Espagne va consacrer 34,57 milliards à des politiques de promotion de l'emploi et de couverture du chômage, 1,41 milliards à la prise en charge de la dépendance et 3,80 milliards aux compléments de pensions minima, a indiqué M. Salama.
Cette dure crise économique passera, mais ce qui restera, sans aucun doute possible, c'est le ferme engagement de l'Espagne en faveur de la défense la plus vigoureuse des droits de l'homme et, en particulier, des droits économiques, sociaux et culturels, a déclaré M. Salama. Les proclamations de la Déclaration universelle des droits de l'homme ont été intégrées au jour le jour dans la société espagnole à travers la Constitution de 1978, la jurisprudence du Tribunal constitutionnel, la législation et la pratique judiciaire et administrative du pays. L'Avocat général de l'État a rappelé que la Constitution, en son article premier, proclame que l'Espagne est un État social et démocratique, de droit, c'est-à-dire qu'elle est avant tout un État social, de sorte que la Constitution oblige les pouvoirs publics non seulement à assurer une égalité formelle de tous les individus, sans créer de différences arbitraires, mais aussi à imposer la réalisation de l'égalité matérielle par la levée active des obstacles qui l'entravent.
Le chômage est la première et la plus grave conséquence de la crise en Espagne, a poursuivi M. Salama. Aussi, le Gouvernement espagnol est-il fermement engagé dans la lutte contre le chômage et une la loi a été adoptée cette année portant mesures urgentes de réforme du marché du travail, dans le cadre d'une ambitieuse modification des relations de travail, dont l'objectif premier est de «freiner le taux de destruction d'emplois», de «jeter les bases pour la création d'emplois de qualité», d'«introduire de nouveaux mécanismes de flexibilité interne dans les entreprises» et de «moderniser la négociation collective entre les représentants des travailleurs et des employeurs». Pour atteindre ces objectifs, a précisé M. Salama, on favorise la transformation des contrats temporaires en contrat à durée indéterminée et le versement en une seule traite de la totalité des prestations chômage pour les jeunes qui souhaitent ouvrir un commerce ou une affaire a été autorisé.
Pour ce qui est de la situation juridique des immigrants, M. Salama a attiré l'attention sur l'importante réforme dont a fait l'objet en 2009 la Loi organique sur l'extranéité et sur les plans stratégiques de citoyenneté et d'intégration des années 2007-2010 et 2011-2014; ces deux plans ont permis d'importants progrès en matière de gestion intégrale de l'immigration d'un point de vue de la cohabitation. En outre, la profonde réforme du Code pénal opérée en 2010 a permis d'incriminer expressément la traite de personnes, laquelle est sanctionnée par de lourdes peines.
M. Salama a ensuite évoqué les mesures prises par les autorités pour parvenir à une égalité effective de toutes les personnes. Il a notamment attiré l'attention sur la Loi organique 3/2007 pour l'égalité effective entre hommes et femmes et sur le plan d'action mis en œuvre par l'Inspection du travail pour surveiller l'égalité effective des hommes et des femmes. Il a également rappelé la création, en 2007, du Conseil pour la promotion de l'égalité de traitement et la non-discrimination à l'encontre des personnes sur la base de leur origine raciale ou ethnique.
Relevant que la situation de la population gitane avait suscité un intérêt constant de la part du Comité, M. Salama a attiré l'attention sur les importants outils que constituent pour l'amélioration de la situation des Gitans le Plan d'action pour le développement de la population gitane 2010-2012 et la Stratégie nationale pour l'intégration sociale de la population gitane en Espagne 2012-2020 – tous deux approuvés au mois de mars dernier. Pour ce qui est des résultats de ces politiques, M. Salama a fait observer qu'en matière d'emploi, le programme ACCEDER est une référence en Europe et un exemple de «bonnes pratiques». Dans le domaine de l'éducation, a-t-il poursuivi, les résultats du Plan d'action sont également positifs. Ainsi, 93,2% des élèves gitans sont scolarisés avant l'âge de six ans et 90,9% des mineurs gitans sont inscrits aux cours qui correspondent à leur âge.
L'Espagne considère que l'éducation est une valeur fondamentale pour susciter des attitudes de respect, de compréhension et de tolérance mutuelle et a fait une priorité éducative de la lutte contre la discrimination et les inégalités, a déclaré M. Salama. «Nous croyons en l'éducation comme principal outil d'intégration», a-t-il insisté. Aussi, la Loi sur l'éducation de 2006 garantit-elle les mêmes droits à tous les élèves au sein du système éducatif, qu'ils soient ressortissants espagnols ou étrangers, avec ou sans papiers. En outre, des mesures sont prises afin de promouvoir l'intégration des élèves étrangers dans le système éducatif, par le biais de programmes spécifiques facilitant l'intégration des élèves qui ne connaissent pas la langue et la culture espagnoles ou qui présentent des lacunes en matière de connaissances fondamentales. Enfin, la Loi sur l'éducation prend en charge de manière spécifique les enfants ayant des besoins éducatifs spéciaux et ceux qui ont un handicap.
En conclusion, M. Salama a déclaré que les progrès réalisés par l'Espagne ces dernières années attestent du ferme engagement du pays en faveur du respect et de la promotion des droits de l'homme. En dépit de la profonde crise économique mondiale, le Royaume d'Espagne restera engagé en faveur de la sauvegarde et de la défense des droits économiques, sociaux et culturels qui caractérisent l'État providence, a-t-il assuré.
Examen du rapport
Questions et observations des membres du Comité
M. JAIME MARCHÁN ROMERO, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Espagne, a félicité le pays d'être le troisième, avec l'Équateur et la Colombie, à avoir ratifié le Protocole facultatif se rapportant au Pacte. Il a en outre salué le plan d'action et la stratégie mis en place en faveur des Gitans, ainsi que l'adoption de plusieurs lois.
Depuis le précédent rapport périodique, présenté en 2002, une décennie s'est écoulée au cours de laquelle deux événements majeurs se sont produits en Espagne: d'une part, les élections législatives de novembre dernier ont porté au pouvoir le Parti populaire, remplaçant le Parti socialiste qui présidait aux destinées du pays depuis 2004; et d'autre part, le pays s'est trouvé confronté à une grave crise économique dont les conséquences ont eu des répercussions dévastatrices, remettant en cause les niveaux minima de protection offerts aux Espagnols. Les mesures adoptées jusqu'ici se sont avérées insuffisantes, compte tenu de la gravité de la crise économique, et ne répondent pas aux exigences du Pacte – lequel demande d'assurer progressivement la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels, en particulier pour les groupes les plus vulnérables, a affirmé M. Marchán Romero. Le taux de chômage en Espagne atteint un niveau historique de 24% et touche 51% des jeunes, s'est-il inquiété, ajoutant par ailleurs que le salaire minimum est trop bas.
Le rapporteur s'est également inquiété des coupes budgétaires dans la santé et l'éducation et a fait observer que la pauvreté touche 22% des ménages. M. Marchán Romero a d'autre part déploré les effets délétères de la bulle immobilière, qui a accru le nombre de personnes sans logis. Comment se fait il que ce soit les plus pauvres qui paient la facture de cette crise dont ils ne sont pas responsables et dont ils sont les victimes, a demandé M. Marchán Romero ?
Les taux d'abandon scolaire sont encore trop élevés, notamment au niveau universitaire, a ajouté le rapporteur.
À l'instar de M. Marchán Romero, plusieurs membres du Comité se sont inquiétés de la diminution de l'aide publique au développement accordée par l'État espagnol.
Même en période de crise, les obligations qui pèsent sur un État en matière de droits de l'homme ne cessent pas, a rappelé un membre du Comité. Cet expert a attiré l'attention sur la très grande inégalité des revenus en Espagne.
Une experte a indiqué ne pas s'expliquer pourquoi l'Espagne a opté pour l'application de mesures d'austérité dans le domaine social; l'experte a estimé qu'il vaudrait mieux, par exemple, lutter contre la fraude que d'opérer des coupes budgétaires dans les secteurs de la santé, de l'éducation ou de l'emploi.
Comment se fait-il qu'un pays aussi important et fort que l'Espagne soit à ce point frappé par la crise économique, qui va d'ailleurs se poursuivre, a demandé un expert? Ne serait-il pas possible pour l'Espagne d'adopter une approche équilibrée face à la crise plutôt que d'avoir à choisir entre austérité et croissance, a demandé un autre membre du Comité?
Une experte a regretté que l'Espagne ne dispose toujours pas d'une loi globale sur la lutte contre la discrimination, de sorte qu'il est difficile pour les personnes dont les droits économiques, sociaux et culturels ont été violés de s'adresser à un tribunal. Le pays entend-il se doter d'une telle loi, a-t-elle demandé? Une autre experte s'est inquiétée du faible nombre de plaintes pour discrimination enregistrées en Espagne: 560 en une année pour un pays de 45 millions d'habitants, c'est peu.
D'après des études, 52% des Espagnols perçoivent les Gitans comme un groupe ethnique qui inspire réserves et craintes, s'est inquiété un membre du Comité, avant de s'enquérir des mesures prises par les autorités pour s'efforcer de modifier cette perception.
Un expert s'est inquiété des fortes disparités régionales en Espagne en termes de niveaux de vie et d'emploi et de possibilités offertes aux populations d'exercer leurs droits économiques, sociaux et culturels. Les populations concernées profitent-elles de l'exploitation des ressources naturelles qui se trouvent sur leur territoire et qu'en est-il des efforts déployés par les autorités pour assurer un niveau de vie décent à tous les Espagnols, où qu'ils vivent sur le territoire national?
La Constitution espagnole reconnaît le principe de communauté autonome mais pas de communauté souveraine, a relevé un membre du Comité. Or certaines communautés, comme le peuple basque ou les populations des deux présides de Ceuta et Melilla, revendiquent depuis de nombreuses années l'exercice du droit à l'autodétermination, a-t-il fait observer. Dans ce contexte, la délégation estime-t-elle qu'il serait possible qu'un jour l'Espagne révise la Constitution de 1978 pour assurer l'exercice du droit à l'autodétermination?
Un membre du Comité s'est inquiété du fort taux de chômage – plus de 20% - qui frappe l'Espagne et a fait observer que depuis 2008, le chômage de longue durée dans le pays aurait, selon certaines informations, été multiplié par cinq, représentant 45% du chômage total en 2010. Plus de 10% des foyers espagnols ont tous leurs membres au chômage, s'est en outre inquiété l'expert. Il a souhaité en savoir davantage au sujet de la situation actuelle en matière d'incidence des accidents du travail et des maladies professionnelles. Un autre expert a par ailleurs exprimé sa préoccupation face à la hausse importante du nombre de personnes touchant les prestations de chômage et s'est demandé si les indemnités chômage, dont le montant minimum avoisinerait 400 euros mensuels, suffisent pour vivre décemment en Espagne.
Quelque 4 millions de personnes en Espagne travailleraient dans l'économie souterraine, sans accès à la moindre protection sociale, s'est également inquiété cet expert, qui a demandé quelles mesures ont été prévues pour régulariser l'emploi de ces personnes. Il s'est également inquiété d'informations indiquant que quelque 80 000 foyers en Espagne n'auraient aucune source de revenus quelle qu'elle soit.
Un expert a souhaité en savoir davantage au sujet du droit de grève en Espagne. Il a aussi été demandé si des coupes budgétaires ont concerné les montants des retraites versées, en particulier dans la fonction publique.
Un membre du Comité s'est enquis de la politique suivie par l'Espagne en matière d'expulsions forcées, dans un contexte où les véritables propriétaires de nombreux logements sont les banques auprès desquelles se sont endettées les personnes qui avaient souhaité accéder à la propriété.
Il semblerait que ce ne soit pas toutes les personnes handicapées qui touchent les prestations prévues mais que cela dépende du niveau ou de la nature du handicap, a fait observer un expert; il a souhaité connaître les critères permettant à une personne handicapée de bénéficier des prestations prévues par la Loi 26/2011.
Un membre du Comité a souhaité en savoir davantage au sujet de l'évolution de la situation, depuis l'examen du précédent rapport espagnol, en matière de violence intrafamiliale, plus précisément pour ce qui est du problème des assassinats de femmes par leurs conjoints.
Questions et commentaires des experts - suite
Un expert s'est inquiété du nombre relativement élevé de suicides dans les lieux de détention. Quelles mesures ont-elles été prises pour améliorer la santé, y compris psychique, des détenus, a-t-il demandé ?
Quels ont été les résultats des mesures prises en faveur de la communauté gitane, a-t-il été demandé ?
Une experte s'est inquiétée d'orientations prises dans certaines régions allant vers la privatisation des services de santé.
Les salaires sont-ils indexés sur les prix à la consommation, a demandé un expert ? Qu'en est-il des mesures prévues par les autorités espagnoles pour combattre l'évasion fiscale, a-t-il également souhaité savoir ?
Qu'en est-il des sans-abri en Espagne et des mesures particulières prises pour les sortir de cette situation, a demandé un autre membre du Comité ?
Plusieurs experts ont attiré l'attention sur les conséquences de l'explosion de la bulle immobilière en Espagne. L'un d'eux s'est enquis des mesures prévues pour remédier aux effets de la loi dite d'expulsion expresse. Un autre a pointé l'insuffisance du nombre d'unités de logement social.
Les taux d'abandon scolaire précoce restent élevés en Espagne, s'est inquiété un membre du Comité.
Réponses de la délégation
Le Défenseur du peuple a un statut d'indépendance vis-à-vis de toutes les institutions espagnoles et est inamovible pour toute la durée de son mandat, a indiqué la délégation.
La délégation a rappelé que la part du budget national consacrée aux dépenses sociales a augmenté en 2012 par rapport à 2011, alors que le montant total du budget national a dû être réduit de 25 milliards par rapport à 2011.
S'agissant du régime fiscal en vigueur, la délégation a expliqué que le Gouvernement espagnol espère prélever quelque 4,1 milliards de dollars en 2012 grâce à une nouvelle tranche d'impôt touchant les plus hauts revenus. En outre, l'impôt sur les sociétés pour les plus grandes entreprises, qui sont capables de payer des impôts plus élevés, a été accru, ce qui devrait permettre de collecter 5 milliards de plus cette année. Si les taxes immobilières ont été augmentées pour les biens de forte valeur, elles ont été baissées pour les habitations normales afin de réduire la charge fiscale pesant sur la majorité des gens. En outre, un projet de loi visant à prévenir la fraude fiscale a récemment été adopté qui accordera des pouvoirs accrus aux autorités chargées de collecter les impôts. L'idée globale de ces mesures est d'empêcher que la crise n'ait un impact trop lourd sur ceux qui possèdent le moins.
Interrogée sur la possibilité pour l'Espagne d'emprunter une voie intermédiaire entre la politique d'austérité et la politique de croissance, la délégation a assuré que le Gouvernement espagnol n'a jamais renoncé à la politique de croissance. Il s'efforce ainsi de prendre des mesures d'assouplissement de l'économie afin d'être en mesure de créer des emplois, a-t-elle expliqué. C'est la raison pour laquelle ont été prises des mesures visant à réduire la rigidité du marché du travail.
L'Espagne est un pays fortement décentralisé, a rappelé la délégation. Les communautés autonomes peuvent définir leurs propres politiques concernant toutes les affaires qui concernent le Pacte, mais il existe des mécanismes d'égalisation, en particulier du fait que les compétences de base sont reconnues par la Constitution à l'État central; ainsi, des minima (fixés par l'État central) doivent-ils être respectés par toutes les communautés autonomes en ce qui concerne les droits économiques, sociaux et culturels, a expliqué la délégation. En ce qui concerne l'exercice du droit à l'autodétermination, la délégation a rappelé que la Constitution espagnole reconnaît une large autonomie, et non une souveraineté, aux communautés autonomes et ne leur reconnaît donc pas le droit à l'autodétermination.
L'Espagne n'a pas renoncé à l'objectif de consacrer 0,7% de son PIB à l'aide publique au développement, a par ailleurs assuré la délégation, rappelant que de nombreuses mesures ont dû être prises à titre temporaire dans le contexte de la crise à laquelle est confronté le pays. L'Espagne espère pouvoir augmenter cette aide dans les années à venir, a ajouté la délégation.
Ces dernières années, de très nombreuses lois ont été approuvées en Espagne en matière de lutte contre la discrimination, qui trouvent leur source dans les divers instruments normatifs internationaux ou régionaux auxquels le pays est devenu partie, a souligné la délégation. Elle a expliqué qu'en mai 2011, un projet de loi intégrale sur la non-discrimination avait été préparé qui n'a finalement pas pu être approuvé en raison des élections législatives anticipées de la fin de l'année dernière. La délégation a estimé que, sans pour autant fermer la porte à l'idée de se doter d'une telle loi, le besoin ne se faisait pas réellement sentir d'adopter une loi intégrale de lutte contre la discrimination car le principe d'égalité se retrouve dans nombre de normes juridiques existantes dans le pays. Quoi qu'il en soit, si une telle loi devait être envisagée, il faudrait préalablement en évaluer l'impact.
La délégation a fait état de statistiques laissant apparaître que les plaintes pour discrimination avaient trait, dans l'ordre décroissant d'importance numérique, à l'emploi, à l'éducation, à la santé, à l'accès aux biens et services, aux médias et au logement. Elle a par ailleurs attiré l'attention sur les statistiques attestant d'une représentation accrue des femmes dans les différentes assemblées législatives du pays et des communautés autonomes, les assemblées législatives de 12 de ces dernières atteignant le seuil de 40% de femmes.
Le profilage ethnique n'est pas pratiqué par les forces de l'ordre espagnole et aucune instruction ne leur a été donnée pour qu'elle procède à des contrôles massifs en vue d'interpeller des migrants en situation irrégulière, a par ailleurs assuré la délégation. Elle a en outre attiré l'attention sur les mesures prises pour renforcer la formation et la sensibilisation des agents des forces de l'ordre et de sécurité en matière de lutte contre le racisme et la discrimination.
La délégation a indiqué que les accidents du travail ont accusé en 2010 une baisse de 7,8%, les accidents mortels (environ 500) ayant pour leur part enregistré cette même année une baisse de 10%. Ainsi, les chiffres associés aux accidents du travail sont-ils les plus faibles enregistrés par le pays depuis 1998. La délégation a par ailleurs attiré l'attention sur la réduction concomitante du nombre mensuel moyen de procès engagés pour invalidité temporaire suite à des accidents de travail. Ces réductions ne sont pas uniquement dues à la baisse du nombre des travailleurs en raison de la crise économique; en effet, elles sont largement supérieures à celle de l'activité économique. En outre, des mesures de prévention ont été mises en place par le biais de l'Institut de sécurité et d'hygiène au travail, a souligné la délégation. En ce qui concerne les maladies professionnelles, la délégation a fait valoir que l'Espagne est, avec la France, le pays qui prend en considération le plus grand nombre de maladies liées au travail. Par ailleurs, sont considérés comme travailleurs handicapés, en Espagne, les travailleurs qui ont un taux d'invalidité supérieur à 33%. Afin de faciliter l'embauche de ces personnes, les cotisations de sécurité sociale liées à l'emploi d'un travailleur handicapé sont remboursées à 100% pour les entreprises de moins de 150 travailleurs, le taux de remboursement étant réduit à 65% pour les entreprises plus grandes.
La délégation a ensuite présenté les dispositifs et autres mesures incitatives à l'embauche, telles que les réductions de charge pour les employeurs, mis en place dans le cadre de la réforme du marché du travail intervenue en février dernier. Dans ce contexte, l'embauche des chômeurs de longue durée est encouragée.
La délégation a attiré l'attention sur l'immense transformation qu'a connue l'Espagne en matière d'emploi ces dix dernières années. La population active dans le pays a cru de trois millions, en grande partie en raison de l'augmentation du nombre des immigrants arrivés en Espagne durant cette période, a-t-elle précisé. La population active en Espagne était en 1999 de l'ordre de 18 millions de personnes et elle était passée à 21 millions en 2005, pour dépasser aujourd'hui les 23 millions. Cette évolution a obligé le pays à transformer profondément le fonctionnement du marché du travail, a expliqué la délégation. Historiquement, c'est à partir d'un taux de croissance de 2,5% que l'Espagne est en mesure d'assurer des créations nettes d'emplois, a-t-elle souligné. Or, depuis 2008, le pays est confronté à une crise. Selon les données de mai, le pays compte quelque 4 750 000 de chômeurs, dont 655 000 sont des citoyens étrangers, a indiqué la délégation. La part de citoyens étrangers parmi les chômeurs est passée de 10,4% en 2008 à 13,68% aujourd'hui.
Le taux du chômage de longue durée a connu une hausse exponentielle, a fait observer la délégation. L'Espagne comptait en 2007 quelque 1 421 000 bénéficiaires des prestations chômage (régime contributif et régime d'assistance confondus); ce nombre était passé à 2,9 millions en 2007 et il dépasse aujourd'hui les trois millions, a indiqué la délégation, attirant l'attention sur l'augmentation des ressources publiques nécessaires pour honorer ces prestations. Au total, ce sont actuellement 385 000 ressortissants étrangers qui touchent des prestations chômage, soit un peu plus de 13% du nombre total de bénéficiaires de ces prestations, a précisé la délégation.
En Espagne, a souligné la délégation, le salaire minimum interprofessionnel fixe un niveau de revenu qui doit garantir un niveau de vie décent. La nécessité de garantir un niveau de vie approprié est ainsi contenue dans la définition du salaire minimum, a insisté la délégation. Depuis 2004, a-t-elle fait valoir, la revalorisation du salaire minimum interprofessionnel a représenté une hausse totale de 34,5%.
La délégation a par ailleurs souligné que l'Espagne a décidé de conserver à titre prioritaire les prestations sociales destinées aux familles se trouvant dans les situations de plus grande vulnérabilité.
La délégation a assuré que le Gouvernement espagnol est engagé en faveur du maintien du régime de pensions de retraites. Elle a expliqué que seuls ont été gelés les montants des pensions qui se situaient au-dessus du montant de pension minimum. Si le taux de pauvreté a augmenté en Espagne ces dernières années, le taux de pauvreté relative des personnes de plus de 65 ans a régressé de 8% entre 2004 et 2011, a souligné la délégation.
La Constitution reconnaît à tous les salariés le droit de grève pour la défense de leurs droits, a poursuivi la délégation. La seule exception a trait aux personnes qui sont soumises à une discipline et un encadrement militaires, comme les membres de la Guardia Civil. En ce qui concerne les fonctionnaires, la seule limitation à leur droit de grève concerne la nécessité pour eux d'assurer des services minima dans certains secteurs tels que les transports et la santé, a ajouté la délégation.
S'agissant des questions d'immigration, la délégation a indiqué que 33% de la population étrangère présente en Espagne (5,2 millions de personnes dont toutes ne sont pas actives puisque plus d'un million sont mineures ou ont plus de 65 ans) est couverte par la sécurité sociale. Ce taux est très proche de la moyenne espagnole, qui est de 36%, a souligné la délégation. La moitié des 5,2 millions d'étrangers en Espagne sont des ressortissants communautaires et peuvent donc vivre en Espagne sans aucune restriction, qu'ils exercent ou non une activité professionnelle, a en outre rappelé la délégation.
Interrogée sur la raison pour laquelle l'Espagne n'a pas ratifié la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, la délégation a expliqué que cet instrument couvre des sujets qui sont régis par le Traité d'Amsterdam de 1997 et au sujet desquels les États Membres de l'Union européenne doivent élaborer une position commune, c'est-à-dire que c'est un domaine qui échappe à la compétence des États Membres et qui relève d'une décision communautaire; c'est probablement la raison pour laquelle aucun État Membre de l'Union européenne n'a à ce stade ratifié cette Convention, a insisté la délégation.
Les centres d'internement (ou de rétention) pour étrangers vont faire l'objet d'un nouveau règlement en vertu d'un nouveau texte législatif qui devrait très prochainement remplacer la loi de 2009 actuellement en vigueur sur la question, a indiqué la délégation. Les deux axes d'action de la gestion de ces centres préconisés par le nouveau règlement sont la sécurité des centres et des personnes qui s'y trouvent, d'une part, et l'assistance, de l'autre. Ces centres ne s'appelleront plus centres d'internement mais centres de séjour contrôlé des étrangers, a précisé la délégation. L'Espagne compte actuellement 14 centres, situés sur le continent et aux Canaries. La loi espagnole prévoit que la durée de séjour dans ces centres ne doit pas dépasser les 60 jours; or, elle est en moyenne de 18 jours, a fait valoir la délégation.
Il n'est pas vrai de dire que les étrangers abusent du système d'assistance médicale en Espagne, a déclaré la délégation. Ce qui a été mis en évidence, a-t-elle précisé, c'est que l'État espagnol paie pour l'assistance médicale fournie à des ressortissants de pays appartenant à l'Union européenne qui, en réalité, ne résident plus en Espagne. Cela est dû à l'interprétation très souple qui a été faite par l'Espagne de la directive de l'Union européenne accordant aux ressortissants communautaires un droit de résidence dans tous les pays de l'Union; certains d'entre eux ont ainsi obtenu la carte médicale communautaire en Espagne puis sont repartis vivre dans leur pays, de sorte que la facture de leurs soins médicaux est répercutée sur l'État espagnol alors qu'ils ne vivent pas en Espagne.
La délégation a par ailleurs fait valoir que le droit d'asile est accordé par Espagne aux victimes de violence sexuelle et pour d'autres motifs liés au genre.
S'agissant des questions d'éducation, la délégation a notamment rappelé que les étrangers âgés de moins de seize ans ont les droits et devoirs prévus par la loi en matière d'éducation, ce qui comprend l'accès à un enseignement de base gratuit et obligatoire de six à seize ans. Depuis 2005, un taux d'abandon scolaire précoce a été relevé en Espagne, qui se situait alors autour de 30%, pour ne cesser de baisser depuis, atteignant 28% en 2010, a par ailleurs indiqué la délégation. L'objectif du Gouvernement espagnol est d'abaisser encore ce taux à 23% en 2015 et 20% en 2020, a-t-elle annoncé.
La délégation a d'autre part rappelé que l'enseignement des droits de l'homme fait partie intégrante de l'éducation civique dispensée aux élèves de six à seize ans conformément à la loi sur l'éducation.
En ce qui concerne la santé en prison, la délégation a indiqué que l'Espagne compte en moyenne environ 60 000 prisonniers et quelque 1440 professionnels de la santé qui exercent auprès des prisonniers, de sorte que le ratio est de 161 détenus par médecin et de 126 détenus par infirmier, a précisé la délégation. Ces dernières années, les taux de suicide de prisonniers ont diminué, a poursuivi la délégation. D'un taux de 0,47 cas pour mille (soit 27 suicides), on est passé à un taux de 0,41 pour mille en 2009, puis à 0,35 pour mille en 2010 et 0,24 pour mille en 2011. On peut en conclure que l'attention portée à la santé mentale en prison est bonne, a estimé la délégation.
S'agissant de l'interruption volontaire de grossesse, qui est gratuite en Espagne, la délégation a indiqué que la loi en vigueur en Espagne stipule que l'avortement est praticable jusqu'à la quatorzième semaine de grossesse sur demande de la mère et jusqu'à la vingt-deuxième semaine sur avis médical en cas de risque pour le fœtus ou pour la mère. S'agissant du cas de deux cliniques privées en Aragon qui viennent d'annoncer qu'elles suspendaient leurs services en matière d'avortement pour des raisons budgétaires, la délégation a assuré que la Communauté d'Aragon s'est engagée à assurer la continuité de la fourniture de ce service.
En ce qui concerne le phénomène du botellón («cuite express»), la délégation a indiqué qu'il s'agit d'un phénomène propre à la jeunesse qui constitue un problème grave et important; en effet, cela signifie qu'il y a un changement dans le mode de consommation d'alcool en Espagne, le pays passant d'un modèle de consommation méditerranéen, c'est-à-dire modéré, à un modèle de consommation plus nordique, a-t-elle estimé.
La délégation a souligné que le plan national d'action pour la population gitane pour les années 2008-2012 comporte un volet de santé. La stratégie d'équité dans le domaine de la santé adoptée en 2003 au bénéfice de cette population a permis d'améliorer l'accès aux services de santé. Beaucoup de progrès ont été réalisés en termes, notamment, de généralisation de l'accès des Gitans aux prestations sociales, au logement et aux services de santé, a insisté la délégation. Des programmes spécifiques ont été mis en œuvre dans le cadre d'une démarche axée sur l'équilibre et la complémentarité entre les politiques générales et les politiques spécialisées aux fins de la réduction des inégalités qui persistent encore en Espagne entre la population gitane et le reste de la population, a indiqué la délégation. Les autorités espagnoles s'efforcent de lutter contre les stéréotypes qui subsistent à l'égard des Gitans, a-t-elle ajouté.
Le droit à la culture a rang constitutionnel en Espagne, a par ailleurs souligné la délégation. Pour autant, il n'est pas directement invocable devant les tribunaux, mais il lie tous les pouvoirs publics, le pouvoir judiciaire et le législateur.
En conclusion, la délégation a souligné que la consolidation budgétaire n'est pas une fantaisie ou une obsession mais la voie qui permettra, dans un avenir proche, la relance en Espagne. Pour 2012, la part des dépenses sociales dans le budget total a été augmentée pour atteindre 64,6% contre 63,7% l'année dernière, a-t-elle rappelé. Il n'est en revanche pas possible de maintenir le même niveau de dépenses publiques que ces dernières années, a-t-elle ajouté. L'Espagne n'entend pas reporter sur les plus défavorisés le poids de l'ajustement budgétaire, a assuré la délégation, rappelant notamment l'engagement du Gouvernement à soutenir le pouvoir d'achat des pensions. Quant à la réforme du marché du travail, elle a permis d'introduire davantage de souplesse aux fins de la promotion de l'emploi. L'Espagne est l'un des pays du monde qui assure le mieux les droits économiques, sociaux et culturels, a estimé la délégation.
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