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Communiqués de presse Organes conventionnels

Comité de:s droits économiques, sociaux et culturels: audition d'organisations de la société civile d'Espagne et de Nouvelle-Zélande

19 Mars 2018

Comité des droits économiques,
  sociaux et culturels 

19 mars 2018

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a entendu ce matin des représentants de la société civile d'Espagne et de Nouvelle-Zélande, deux pays dont les rapports seront examinés cette semaine.

S'agissant de la mise en œuvre du Pacte en Espagne, dont le rapport sera examiné mercredi après-midi et jeudi matin, les représentants de plusieurs organisations non gouvernementales ont porté leur attention sur la façon dont les mesures d'austérité adoptées ont pris en compte des recommandations précédentes du Comité quant à la nécessité d'atténuer les effets de ces mesures sur la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels.  Ils se sont plus particulièrement intéressés au taux de chômage important dans le pays, aux expulsions de locataires, aux effets nocifs sur la santé de la pollution engendrée par les centrales au charbon du nord-ouest du pays l'Espagne.  Ils ont formé le vœu que l'Espagne adoptera une législation-cadre juridiquement contraignante sur les émissions de gaz à effet de serre, ainsi qu'une stratégie nationale pour y remédier.

Concernant la Nouvelle-Zélande, dont le rapport sera examiné jeudi après-midi et vendredi matin, de nombreux intervenants ont fait part de l'impact des préjugés à l'encontre des Maoris aux différents niveaux de l'administration néo-zélandaise, ce qui entrave leur accès à tout un ensemble de droits économiques, sociaux et culturels.  Les organisations ont notamment souligné que les Maoris constituaient 50% de la population carcérale masculine et 65% de la population féminine.  En outre, le taux de suicide ainsi que le chômage au sein de cette population sont plus élevés que la moyenne.  La Nouvelle-Zélande devrait adopter une stratégie visant à remédier aux préjugés et au profilage des Maoris.  Le Commissaire en chef aux droits de l'homme de la Nouvelle-Zélande, en tant qu'institution nationale des droits de l'homme, a défendu le droit des Maoris et autres peuples autochtones à un logement convenable.  Les représentants de la société civile ont également mis l'accent sur le droit à la santé.

Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de la République centrafricaine (E/C.12/CAF/1).

Audition d'organisations de la société civile

S'agissant de la Nouvelle-Zélande

Action for Children and Youth Aotearoa & Child Poverty Action Group a traité de l'impact des préjugés à l'encontre des Maoris qui entravent leur accès à toute un ensemble de droits économiques, sociaux et culturels.  En effet, un taux élevé de jeunes Maoris se trouvent dans les institutions de redressement, dans les prisons ou dans les centres psychiatriques.  Les Maoris constituent 50% de la population carcérale masculine et 65% de la féminine.  L'an dernier, la Cour d'appel a cassé une condamnation pour stupéfiants alléguant qu'il s'agissait d'un cas typique de profilage racial à l'encontre d'un Maori.  Il est essentiel que le Gouvernement se dote d'une stratégie pour remédier à ces préjugés et se penche davantage sur le lien entre les travailleurs sociaux, et l'administration en général, et les familles maories.

Peace Movement Aotearoa a mis l'accent sur les droits des demandeurs d'asile, des réfugiés et des membres de leur famille, notamment dans le cadre du Pacte.  L'organisation a aussi souligné l'aggravation du problème du logement en Nouvelle-Zélande et l'augmentation du nombre de sans-abri.  Les loyers ont augmenté de moitié depuis 2008, ce qui pose également un énorme problème aux personnes âgées.  On relève aussi une augmentation du nombre d'enfants hospitalisés à cause de problèmes liés à la mauvaise qualité du logement et de la promiscuité.  Chaque année, 44 000 enfants sont hospitalisés pour des maladies évitables à cause de la pauvreté croissante.  On constate aussi un taux croissant de suicides parmi les enfants et les jeunes maoris et adultes aotearoa.  L'organisation réclame une meilleure qualité des soins de santé et l'amélioration du niveau de vie.  L'attention a par ailleurs été attirée sur l'enlèvement massif d'enfants maoris dans le cadre d'une politique gouvernementale mise en place en 1964.  Elle a exhorté le Comité de recommander que le Gouvernement néo-zélandais résolve cette question d'ici cinq ans par la création, entre autres, d'un mécanisme indépendant des droits de l'homme de sorte à indemniser la génération affectée et les victimes directes.  Il a aussi été demandé qu'une assistance soit apportée aux familles de personnes handicapées afin qu'elles puissent vivre dans de meilleures conditions et aider au traitement des handicapées et à jouir de leur droit de vivre dans la dignité.

Une représentante des syndicats néo-zélandais a signalé que sur les 2 millions de travailleurs actifs, une large part, soit 630 000, vit dans des conditions de pauvreté.  Elle a plaidé pour que les travailleurs puissent négocier collectivement leur contrat et conditions de travail ainsi qu'en faveur de la ratification de la Convention sur les droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille.

M. DAVID RUTHERFORD, Commissaire en chef aux droits de l'homme de la Nouvelle-Zélande, s'est attaché à défendre le droit des Maoris à un logement décent.  L'écart ne cesse de se creuser entre les pauvres et les marginalisés et cette disparité devient honteuse, a-t-il lancé, ajoutant qu'il faut absolument mettre un place une réforme constitutionnelle et réaliser les objectifs de développement durable, en particulier dans le domaine du logement.  Il a réclamé un amendement du Bill of Rights Act 1990, et mis l'accent sur la nécessité de réforme de la législation sur les finances publiques.  La seule agence consciente de ce problème est une agence de placement mais là aussi, les préjugés sont monnaie courante, a-t-il déploré, concluant que le nouveau gouvernement s'est verbalement engagé mais qu'il n'a encore rien décidé.

Un représentant du Mécanisme indépendant de surveillance (Independent Monitoring Mechanism), un Groupe de suivi des droits économiques, sociaux et culturels des Maoris, a noté que la loi Chicana (droit maori) n'était pas respectée.  Il a expliqué que le Groupe s'emploie à la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

He Korowai, au nom également d'autres organisations, a exprimé des préoccupations à la fois en ce qui concerne les effets du changement climatique et quant à l'absence de reconnaissance du droit des maoris et autres groupes autochtones à l'autodétermination en vertu du Traité de Waitangi.  Il a aussi dénoncé la situation en matière de santé de ces populations, qui devrait désormais être considérée comme une urgence de santé publique compte tenu de sa gravité.

Peace Movement Aotearoa a également fait remarquer qu'il n'y pas eu de progrès quant à l'octroi de l'autodétermination des Maoris.  Le Bill of Rights de 1990 ne contient aucune disposition sur les droits économiques, sociaux et culturels des Maoris.  L'organisation a noté l'augmentation effarante des dépenses militaires pour 2018 et prié le Comité de recommander au Gouvernement de transférer une part de ces dépenses au budget des dépenses sociales.  

Un membre du Comité a voulu comprendre les raisons pour lesquelles la Nouvelle-Zélande, jadis avancée en matière de droits de l'homme, a enregistré un recul au cours des dernières années.  Il a aussi voulu savoir pourquoi il existe « un parti-pris inconscient » à l'encontre des Maoris et ce qu'il en est de la situation socioéconomique d'autres communautés ethniques.

Une autre experte a noté que le Gouvernement n'avait pas adopté un Plan national d'action sur les droits de l'homme et les entreprises, demandé par les organisations non gouvernementales.  Qui a été nommé point focal suite au tremblement de terre ayant touché la région de Canterbury et pourquoi ce point focal n'a-t-il pas pris contact avec la société civile ?

L'exercice d'un droit ne dépend pas du bon vouloir d'un Gouvernement, a tenu à préciser la Présidente du Comité, qui a rappelé que bon nombre d'organisations non gouvernementales ont demandé l'adoption d'un plan national d'action pour la réalisation de objectifs de développement durable.  Elle a noté que le point focal national ne disposait pas des ressources nécessaires à l'accomplissement de son mandat et semble isolé, selon les représentants de la société civile.

Selon Action for Children and Youth Aotearoa & Child Poverty Action Group, les enseignants passent moins de temps avec les élèves maoris, qu'ils n'encouragent pas à s'exprimer en classe; il ne s'agit d'une comportement inconscient mais qu'il faut combattre.

M. RUTHERFORD a notamment jugé très utile d'établir un lien entre les obligations en vertu du Pacte et la réalisation du Programme de développement durable à l'horizon 2030.  M. Rutherford a conseillé une approche transversale reliant l'éducation, le logement et d'autres droits.  Il a enfin insisté sur la prise en compte de l'observation générale no.4 du Comité sur le droit à un logement suffisant.

À une question sur les obligations extraterritoriales de la Nouvelle-Zélande, He Kainga Oranga , un programme de recherche sur le logement et la santé, a déclaré que la Nouvelle-Zélande ne disposait pas d'une législation sur les entreprises.  Elle a aussi souligné que la majorité de la population néo-zélandaise était européenne, dont une fraction vit aussi dans la pauvreté, bien que la situation des Maoris soit celle qui attire plus l'attention.  

Human Rights Foundation a insisté sur la discrimination structurelle dans le pays, aggravée par la politique économique libérale et les accords conclus dans ce contexte, sans consentement ni participation des plus défavorisés.

S'agissant de l'Espagne

Plataforma DESC a présenté un rapport écrit au nom de centaines d'organisations de la société civile espagnole, qui porte notamment sur les questions du logement et de santé.

Le Centre pour les droits économiques et sociaux a rappelé que le Comité avait prié l'Espagne d'expliquer de quelle façon les mesures d'austérité adoptées en 2012 et 2016 avaient tenu compte des critères énoncés par les membres du Comité sur la nécessité d'atténuer les effets de ces mesures sur la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels – y compris les droits à la santé sexuelle et reproductive et le droit au travail –, en particulier des personnes et groupes défavorisés et marginalisés (pauvres, handicapés, minorités ethniques, migrants, demandeurs d'asile et réfugiés).  Elle a prévenu que non seulement l'État n'a pas pris de mesures d'atténuation des effets de l'austérité mais il a aussi procédé à des coupes budgétaires, soit -37% sur les programmes en faveur des l'autonomisation des femmes et de l'égalité des sexes, ou encore -36% sur ceux en faveur des chômeurs.  L'État n'a pas daigné adopter un plan contre les pertes générées à cause de placements dans des paradis fiscaux qui s'élèvent à plus d'un milliard et demi de dollars.  Le rapport présente un certain nombre de recommandations plus précises sur ces différents aspects.

Le Centre for International Environmental Law a abordé la question de la pollution atmosphérique des usines à charbon, soulignant que la politique énergétique suivie par l'État avait d'importantes répercussions sur la population locale, des milliers de personnes souffrant de maladies dues à la pollution.  Le Comité des droits de l'enfant avait recommandé, en janvier 2018, de pallier aux effets négatifs du fonctionnement des centrales à charbon sur la santé des enfants.  Tous les acteurs impliqués dans le fonctionnement de ces usines doivent agir, d'autant plus que les effets nocifs se font ressentir dans le pays voisin.  Le Comité devrait prier les autorités espagnoles de se doter d'une législation-cadre juridiquement contraignante, avec un échéancier qui reprendrait au moins 9 des objectifs de l'Accord de Paris sur les émissions de gaz à effet de serre et d'une stratégie nationale pour y remédier.

Un membre du Comité s'est intéressé aux disparités entre les différentes communautés autonomes en Espagne.  Un autre expert s'est demandé si un pays voisin s'est plaint contre l'Espagne de la pollution résultant de l'exploitation de centrales électriques au charbon qui atteint son territoire.  Un autre expert a noté que l'Espagne ne semblait pas donner effet aux obligations européennes concernant ce type de pollution.  Comment parvient-elle à y échapper?

Une experte a demandé comment l'Espagne comptait améliorer la politique s'agissant de l'éducation des Roms.  Un autre expert s'est demandé s'il avait été question d'une réforme du logement et quelles étaient les intentions du Gouvernement de réexaminer la problématique des expulsions et de la crise du logement sur la base des constatations précédemment émises par le Comité.  Un autre expert a mentionné les difficultés financières et économiques qui ont secoué l'Espagne et qui ont conduit à un taux de chômage élevé, particulièrement chez les moins de 25 ans.  Il a espéré que les mesures d'austérité n'allaient pas s'inscrire dans la durée et être retirées dès que cela serait possible.

Plataforma DESC a déclaré que les pouvoirs publics ne donnaient aucune suite aux consultations avec la société civile.  Les mesures d'austérité ont eu un impact négatif dans plusieurs domaines, le maître mot étant « la précarité » ce qui crée une profonde insécurité chez la population.  Comme les coûts des services de base ont augmenté, cela implique davantage de pauvreté pour plus de personnes.  De leur côté, sous l'effet des coupes budgétaires, les collectivités disposent de moins de ressources financières.  Et même dans le cas où elles en disposent, elles n'ont pas le loisir de les dépenser comme elles le désirent, selon les besoins des citoyens.  Pourtant, tout ce qui concerne les droits sociaux comme le logement, la santé et l'éducation est du ressort de ces collectivités.  

La situation des Roms en milieu scolaire est catastrophique, en dépit des efforts consentis, a déclaré Plataforma DESC.  S'agissant des recommandations du Comité sur la question de la sécurité des locataires, la coalition d'ONG a notamment indiqué qu'à Barcelone, 90% des expulsions se font suite à la rupture de contrats de loyer, les pouvoirs publics se déclarant impuissants.  Par ailleurs, une part importante du parc de logements publics a été vendue à des sociétés privées.  Les critères existants dans la procédure d'expulsion ont pour conséquence qu'un grand nombre de locataires se retrouvent à la rue, notamment des mineurs.

Le Centre pour les droits économiques et sociaux a déclaré que les mesures d'austérité adoptées au pire de la crise économique étaient toujours appliquées et avaient des effets négatifs en particulier sur les jeunes sans emploi et qui ne fréquentent pas l'école, c'est-à-dire ceux qui n'ont aucune forme d'activité.  La norme dite sanitaire, adoptée comme mesure d'austérité sans être débattue, demeure en vigueur, a-t-elle dénoncé, ajoutant que cela affecte les pans les plus vulnérables de la société espagnole.

Le Center for International Environmental Law, a signalé quant à lui le fait que les pouvoirs publics ignorent le débat sur les usines de charbon situées dans le nord-ouest du pays.  L'Espagne est le plus grand consommateur de charbon en Europe et ce en dépit d'une augmentation de l'utilisation des énergies renouvelables.  La réglementation de l'Union européenne prévoit des exemptions, ce qui est le cas des 16 usines à charbon espagnoles, qui bénéficient toutes d'une dérogation.  Les émissions de gaz à effet de serre par l'Espagne se poursuivront, a-t-il auguré

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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
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