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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels examine le rapport de l'Espagne

22 Mars 2018

GENEVE (22 mars 2018) - Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport périodique de l'Espagne sur la mise en œuvre des dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Le Représentant permanent de l'Espagne à Genève, M. Cristóbal González-Aller Jurado, a affirmé que toutes les mesures prises pour atténuer les répercussions de la crise économique l'ont été en tenant compte des recommandations faites en 2012 par le Comité pour ce qui est de la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels, notamment des plus démunis.  Ainsi, les Gouvernements successifs se sont concentrés sur la création d'emplois s'accompagnant d'un système solide et fonctionnel de protection sociale comme meilleur moyen de lutter contre l'inégalité et la pauvreté.  La couverture des indemnités de chômage a constitué une autre source importante de protection sociale, élargie durant la crise au profit des chômeurs de longue durée.  Le chef de la délégation a fait valoir que l'Espagne avait également poursuivi l'application de la Stratégie intégrale de lutte contre le racisme, la discrimination raciale et l'intolérance qui y est associée; de même que de la Stratégie nationale d'inclusion sociale de la population gitane.  Le Plan national sur les entreprises et les droits de l'homme complète quant à lui la Stratégie espagnole de la responsabilité sociale des entreprises.

L'importante délégation espagnole était également composée de la Directrice générale de l'Institut des femmes et de l'égalité (IMSERSO) et de hauts fonctionnaires des Ministères des affaires étrangères et de la coopération, de la justice, de l'économie, de l'industrie et de la concurrence, de l'intérieur, de l'emploi et de la sécurité sociale, de la santé, des services sociaux et de l'égalité.  Elle a répondu aux questions des membres du Comité s'agissant notamment de l'impact des mesures d'austérité, en particulier sur les couches les plus défavorisés de la société; des politiques de protection sociale des groupes minoritaires, notamment les Rom et les migrants et réfugiés; ainsi que des disparités entre les communautés autonomes du pays.  La délégation a notamment indiqué que des mesures avaient été prises pour la protection des personnes affectées par la crise et ayant des difficultés à rembourser leurs emprunts hypothécaires, ajoutant qu'un code de bonnes pratiques des organismes de prêt avait été adopté.  La délégation a aussi souligné qu'il était très difficile d'adapter ces centres d’accueil des migrants à l'afflux continu des personnes.  Tout pays qui se respecte doit pouvoir faire face au flux migratoire du point de vue éthique et humain.  Elle a en outre fait valoir que l'Espagne couvrait à 100% les soins de santé des migrants irréguliers.

Le vif débat national autour de l'impact des mesures d'austérité pour résorber la crise financière et économique, les coupes budgétaires résultant de telles mesures, les structures mises en place par l'État dans le cadre des réformes et la question de la non-discrimination ont été parmi les principaux sujets d'intérêt du membres du Comité.  Notant que les mesures d'austérité avaient été prises hâtivement et dans l'urgence, les membres du Comité ont tenu à rappeler qu'elles devaient être temporaires et levées dès que possible.  Ils ont également regretté une baisse de l'aide publique espagnole au développement.

Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales sur le rapport de l'Espagne qui seront rendues publiques à l'issue de la session.

Le Comité entame cet après-midi l'examen du rapport de la Nouvelle-Zélande (E/C.12/NZL/4), le dernier prévu au programme de la présente session, qui se termine le 29 mars prochain.

Présentation du rapport de l'Espagne (CCPR/C/ESP/6)

M. CRISTÓBAL GONZÁLEZ-ALLER JURADO, Représentant permanent de l'Espagne auprès de l'Office des Nations Unies à Genève et chef de la délégation, a présenté le sixième rapport périodique de son pays en déclarant qu'en 2012, l'Espagne avait adopté une stratégie de politique économique aux fins de surmonter la crise, qui a permis de récupérer, progressivement, la stabilité macroéconomique et de relancer sa croissance de manière à freiner la chute de l'offre d'emploi et à favoriser la relance.  Le Gouvernement est convaincu que la création d'emplois, assortie d'un système solide et fonctionnel de protection sociale, est le meilleur moyen de lutter contre l'inégalité et la pauvreté.  La couverture des indemnités de chômage a constitué une autre source importante de protection sociale, élargie durant la crise au profit des chômeurs de longue durée.  Toutes ces mesures ont été prises en tenant compte des recommandations du Comité dans l'objectif de maintenir le niveau de jouissance des droits économiques, sociaux et culturels.

Par ailleurs, le pays a poursuivi l'application de la Stratégie intégrale de lutte contre le racisme, la discrimination raciale et l'intolérance qui y est associée.  D'un autre côté, la Stratégie nationale d'inclusion sociale de la population gitane (2012-2020), avec ses dispositions de mise en œuvre, est le document programmatique de fond non seulement pour pallier à l'impact de la récente crise mais surtout pour améliorer les conditions de vie des gitans.  La politique en faveur de la population gitane est désormais une politique d'État.

L'ambassadeur a aussi insisté sur l'attention accordée à la défense des droits de l'homme dans le cadre des activités des entreprises avec l'approbation, en juillet 2017, du Plan national sur les entreprises et les droits de l'homme, qui vient compléter la Stratégie espagnole de la responsabilité sociale des entreprises (2014-2020).

L'Espagne a créé 500 000 emplois par an au cours des quatre dernières années, ce qui permet de se rapprocher de l'objectif de 20 millions de personnes employées à la fin 2019 puisque le chiffre de la population active a atteint déjà 19 millions fin 2017.  Le Représentant permanent a souligné que l'écart salarial entre les sexes s'est réduit de façon significative et se situe désormais sous la barre de la moyenne européenne.  D'autre part, le salaire minimum interprofessionnel a augmenté de 8% et, en décembre dernier, le Gouvernement et les interlocuteurs sociaux sont arrivés à un accord sur l'augmentation de ce salaire, conformément à une recommandation du Comité.  Il a également cité, au titre des nouveautés, le Plan de lutte contre l'emploi irrégulier et la fraude à la sécurité sociale, ainsi que la Loi régissant le système d'inspection du travail et de la sécurité des travailleurs.

Le Représentant permanent de l'Espagne a aussi attiré l'attention sur l'élaboration en cours d'une stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale pour la période 2018-2020; d'une stratégie de promotion de la santé et la prévention au sein du système national de santé; de la stratégie nationale sur les personnes âgées en cours d'élaboration qui comprend des programmes de « tourisme social » et de soins thermaux.

M. González-Aller Jurado a en outre expliqué que le droit au logement était consacré par l'article 47 de la Constitution et que des mesures exceptionnelles avaient été adoptées pour la protection des personnes confrontées à de graves difficultés en matière d'accès au logement suite à la crise économique.  Il a signalé qu'un nouveau plan de gouvernement pour la période 2018-2021 mettait à la disposition des sans-abri ou de personnes à faibles ressources les logements libérés par les banques avec une aide au logement à hauteur de 100% du montant du loyer.

Des mesures législatives ont aussi été mises en place pour alléger le fardeau des ménages ayant contracté des prêts hypothécaires qu'ils ne peuvent plus rembourser.  Dans ce contexte, la Stratégie nationale intégrale des sans-abri (2015-2020) a permis un diagnostic précis de la situation, a ajouté le Représentant permanent.  Il s'est réjoui d'autre part que l'Espagne ait gagné environ 4 ans d'espérance de vie à la naissance au cours des quinze années écoulées.

Le chef de la délégation a ensuite mentionné la création de l'Observatorio Estatal de la Convivencia Escolar (Observatoire étatique de la coexistence scolaire), approuvé par décret royal en janvier 2018.  Le Plan sur l'abandon scolaire précoce (2014-2020) est mis en œuvre par le biais des programmes tels que « Proeducar » qui a permis de faire passer le taux d'abandon scolaire de 30,8% en 1998 à 18,3% aujourd'hui, soit une des progressions les plus positives de l'Union européenne.  Toutes les réformes de l'enseignement qui sont menées mettent en relief le rôle et la place de l'enseignant en tant que composante clé de l'amélioration de la qualité de l'enseignement.  Pour cette raison, un nouveau programme de formation des enseignants a été mis en place en 2017.  Enfin, un nouveau plan stratégique Culture 2020 est un exemple de bonnes pratiques, notamment à travers le programme des arts de la scène (PLATEA) établi dans le cadre des politiques collaboratives mises en place pour surmonter la crise.

En conclusion, le chef de la délégation espagnole a mis l'accent sur l'importance cruciale de l'examen du rapport périodique de son pays car le dialogue avec le Comité et les recommandations de ce dernier aideront dans l'orientation des politiques nationales et à apporter les améliorations qui s'imposent.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

Le groupe de travail du Comité chargé de préparer l'examen du rapport de l'Espagne était présidé par M. RODRIGO UPRIMNY.

M. Uprimny a noté les bonnes performances de l'Espagne en matière des droits de l'homme.  Il a aussi salué le fait que le pays compte parmi les cinq premiers pays de l'Union européenne pour ce qui a trait à l'espérance de vie, d'une autre.
Abordant la question des mesures d'austérité adoptées par l'Espagne ces dernières années pour résorber la crise financière et économique, l'expert a notamment souligné que les mesures d'austérité devaient être temporaires et levées à l'issue de consultations nationales.  Il a cependant noté que les mesures avaient été prises à la hâte, dans l'urgence, sous forme de décrets et sans consultation préalable.

L'expert a aussi relevé que l'aide publique au développement fournie par l'Espagne aux pays en développement avait diminué entre 2012 et 2016, bien qu'il y ait une reprise depuis.  Il s'est interrogé sur le pourcentage actuel de cette aide par rapport au produit intérieur brut.

M. Uprimny a voulu connaître les résultats spécifiques des politiques menées en faveur des Rom et d'autres minorités.  Certaines communautés autonomes ont tenté d'aider ces minorités mais le Gouvernement a eu recours au tribunal constitutionnel sous prétexte que lesdites communautés avaient outrepassé leur mandat, a remarqué l'expert.

Notant l'augmentation considérable du nombre de demandeurs d'asile, notamment dans les enclaves de Ceuta et Melilla en Afrique du Nord, où la situation s'est fortement détériorée depuis 2014, M. Uprimny a estimé que l'Espagne n'accordait pas assez de réponses positives aux requérants.  Il a ensuite sollicité de plus amples informations sur les services d'accueil et les conditions d'octroi du droit d'asile.

L'expert a relevé que le Bureau de l'inspection de la fiscalité avait estimé qu'environ 140 milliards d'euros pourraient aider l'Espagne à relancer son économie et donc permettre la jouissance de droits comme celui au logement, à l'eau et à l'alimentation, en particulier.  Il a aussi voulu savoir dans quelle mesure la jurisprudence ou l'action judiciaire avait évolué ces dernières années en matière de droits économiques, sociaux et culturels.

M. Uprimny s'est dit perplexe devant le paragraphe 156 du rapport qui mentionne l'incorporation, dans la législation espagnole, des deux directives européennes relatives à la non-discrimination, sans autre forme de précision.  Il a toutefois relevé une grande disparité aussi bien des ressources que des résultats scolaires entre les différentes communautés autonomes, avant de s'interroger sur les solutions envisagées.

Parmi les autres membres du Comité, un expert a salué la composition paritaire de la délégation, qui compte 12 femmes et 12 hommes.  Il a déclaré que la question des migrants et des réfugiés n'allait pas s'évaporer par magie vue la proximité de l'Espagne et de l'Afrique.  À la lumière du très probable afflux migratoire qui se profile à l'horizon, les pouvoirs publics s'efforcent-ils de faire respecter les dispositions du Pacte dans le traitement de cette question maintenant et à l'avenir ?

Un expert a relevé que l'article 84 de la Constitution ne prévoyait pas ce qu'il advient en cas de contradiction entre le droit interne et le Pacte.
 
Un expert a souligné que, grâce aux réformes de 2012, la création d'emplois a augmenté et le chômage baissé, mais ce dernier demeure encore élevé.  Prises dans un cadre d'austérité, les mesures sont-elles temporaires, ou stables, dans le souci de rendre l'économie espagnole plus compétitive ?

Le même expert s'est demandé comment le pays envisageait de s'attaquer au chômage des jeunes et à celui de longue durée.  Il a aussi voulu savoir quelles autres mesures avaient été prises pour consolider les services d'emploi locaux et régionaux, qui jouent un rôle crucial dans la lutte contre le chômage de longue durée mais souffrent d'une pénurie de ressources.  Il a ensuite voulu des informations sur la participation des syndicats dans la prise de décisions dans le domaine des politiques de l'emploi.  Le recours généralisé aux emplois temporaires n'est pas un tremplin pour une carrière stable et est souvent associé à de mauvaises conditions de travail, par rapport aux contrats à durée déterminée.  L'expert a aussi relevé que les femmes étaient davantage concentrées dans les secteurs à salaire faible, et que l'écart salarial entre les sexes contraste avec le fait que les femmes sont souvent plus diplômées que leurs homologues masculins.

Une experte a constaté que les dépenses liées au logement étaient celles qui avaient le plus augmenté depuis le début de la crise, et s'est enquise des initiatives qui ont été prises ou envisagées par le Gouvernement pour réglementer le marché du logement, notamment les saisies des crédits hypothécaires.  Elle a aussi voulu mieux comprendre le principe juridique utilisé pour les expulsions, et savoir en particulier celui de la proportionnalité était appliqué, surtout si la personne ou famille expulsée risque de se retrouver sans abri.

Un expert a voulu savoir si le Plan d'action national sur les entreprises et les droits de l'homme allait être actualisé car il n'inclut pas le principe de diligence raisonnable, c'est-à-dire une surveillance active de l'entreprise pour s'assurer que les filiales à l'étranger respectent les principes auxquels l'Espagne a souscrit.  Suite à la réforme de la loi organique du judiciaire, la possibilité d'imposer une juridiction extraterritoriale a été restreinte pour la poursuite des entreprises.  Que compte faire le Gouvernement à ce sujet?

Un autre membre du Comité a constaté une prolifération de décrets et s'est interrogé sur la façon dont ceux-ci sont édictés.  Il s'est par ailleurs enquis des différentes manières dont la sécurité sociale fonctionne d'une communauté autonome à l'autre.

Un expert est revenu sur la question de l'interdiction de la coercition en cas de grève en s'interrogeant sur l'existence ou non d'une législation ou de dispositions « anti-casseurs de grève ».  Il a entre autres mis l'accent sur l'article 315.3 du Code du travail, à la lumière de la déclaration faite à la Commission de la liberté d'expression de l'Organisation internationale du travail.

Quels sont les mécanismes juridiques et institutionnels qui permettent de garantir la mise en œuvre des recommandations du Comité, a demandé un autre expert.  Il a par ailleurs relevé que le rapport apporte peu de réponse à la question relative à la pilule du lendemain, à l'accès à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) pour les femmes migrantes, et à l'accord obligatoire du tuteur légal des adolescentes qui désirent une IVG.  L'expert a réitéré la demande du Comité s'agissant des mesures prises pour que les services et l'information en matière de santé sexuelle et procréative soient disponibles pour tous, sur un pied d'égalité, sur tout le territoire espagnol.

Une autre experte s'est penchée sur la mise en œuvre pratique de la loi organique 3/2007 pour lutter contre les stéréotypes hommes-femmes.  Elle a signalé que la crise économique avait eu des répercussions disproportionnées sur les droits des femmes et que la société a accusé un recul du fait de cette situation de crise.  Elle a aussi noté un manque de coordination entre le Gouvernement central et les autorités régionales, un manque d'images positives des minorités ethniques ou des femmes handicapées dans les médias, et une persistance des stéréotypes sur le rôle des hommes et des femmes au sein de la famille et de la société en général.  La même experte a pointé les disparités dans l'investissement et les politiques d'une région à l'autre.  La structure du pays est aujourd'hui plus diverse, l'Espagne étant devenu une nation d'immigrés puisque ceux-ci représentent désormais 11% de la population totale.  Elle a toutefois déploré que persiste la ségrégation des enfants rom dans les écoles, tandis que les enfants migrants sont également séparés des autres élèves.

Réponse de la délégation

La réalité à laquelle l'Espagne a été confrontée au tout début de la crise en 2008, puis à partir de 2012, a imposé l'adoption d'un ensemble de mesures d'austérité, a déclaré la délégation, qui a ajouté qu'un gouvernement démocratiquement élu a l'obligation de rendre compte à son parlement et prendre en considération les incidences de ses politiques sur sa population.  Les gouvernements qui se sont succédés ont dû faire face à une crise économique d'envergure et se résoudre à « prendre le taureau par les cornes », même si certaines décisions n'étaient pas populaires.

L'exemption fiscale est une véritable initiative politique ayant permis de débloquer des fonds pour les familles les plus nécessiteuses ou les membres les plus vulnérables de la population.  Ce fut un grand pas en avant d'un point de vue économique, a souligné la délégation, ajoutant que l'instance fiscale nationale luttait d'arrache-pied contre la fraude fiscale.  Le Ministère des finances a vu ses initiatives porter fruit depuis 2012 car il a pu récupérer environ 15 milliards d'euros en 2017.

S'agissant des mesures palliatives pour alléger l'impact des politiques d'austérité, la délégation a déclaré que l'emploi est la meilleure forme de relance mais aussi de recouvrement de la dignité personnelle.

La délégation a cité plusieurs lois, transversales et sectorielles interdisant la discrimination dans l'accès à l'emploi et définissant la discrimination directe et indirecte.  Des campagnes de sensibilisation sont en cours concernant la lutte contre la discrimination sur le lieu travail.  Pour sa part, le Plan national de lutte contre la fraude a pour pilier principal l'identification des emplois dans l'économie souterraine.  Par ailleurs, des campagnes de consolidation de l'inspection ont lieu en coopération avec les communautés autonomes.  L'Institut des femmes et de l'égalité est doté, quant à lui, de tout un réseau d'aide et de conseil sur l'ensemble du territoire.  Plus de 2 257 cas de discrimination ont été traités pour identifier tant les profils individuels que les populations susceptibles d'être victimes de discrimination.  La sensibilisation et la prise de conscience de l'opinion publique étant essentielles, plusieurs guides sur la promotion de la diversité, de l'inclusivité et de la tolérance ont été publiés.

Si les Rom ne représentent que 6% de la population, ils bénéficient néanmoins de politiques et de ressources pour remédier aux effets négatifs de la crise économique.  La Stratégie nationale d'inclusion de la population rom, conforme à celle de l'Union européenne, a abouti à des résultats positifs, notamment en termes de logement décent.  La délégation a signalé que l'Espagne ne recueillait pas de données statistiques par appartenance ethnique et qu'elle ne disposait pas d'informations plus précises sur les Rom qui ont bénéficié de cette nouvelle politique de logement.

L'enseignement secondaire de la population rom et l'alphabétisation des adultes ont enregistré des progrès.  Le taux de natalité rom étant élevé, 6 millions d'euros ont été dépensés l'an dernier pour les services sociaux à cette population.  Le Plan national d'éducation est appliqué aux enfants rom dans les établissements publics mais ce qui prime lors de l'inscription scolaire, c'est la proximité avec la résidence de l'enfant.  Les familles rom sont très nombreuses qui vivent regroupées mais leur concentration dans certains centres scolaires n'est pas voulue ni prescrite dans le Plan.  Le Conseil de la population rom créé en 2005 réalise un travail important dans l'éducation, surtout pour lutter contre l'abandon scolaire au sein de cette population.  Le vrai défi réside dans l'abandon scolaire des filles dans le secondaire qui résulte en partie du choix des familles.  Un programme appelé « Promociona » financé par le Fonds européen, complété par les autorités autonomes, soutient la scolarisation des enfants rom et aide à réduire le taux d'abandon des filles et des rom âgés de 12 à 13 ans.  Le matériel scolaire intègre également la langue, l'histoire et la culture des Rom pour que les enfants de toutes les écoles s'y familiarisent et comprennent qu'elles font partie du patrimoine de l'Espagne.

Plusieurs mesures ont également été prises en faveur des personnes handicapées, les entreprises ayant l'obligation d'embaucher un quota de personnes handicapées.  En ces années de crise, les crédits alloués ont augmenté au profit des services sociaux à l'intention des personnes handicapées, ou encore des migrants, qui figurent parmi les groupes les plus défavorisés.  En 2017, 87 153 personnes handicapées ont été recrutées grâce à l'application d'une loi incluant des mesures incitatives pour les entreprises.

Les Centres de séjours temporaires des migrants (CETIS), auxquels on se réfère comme des lieux surpeuplés de personnes étrangères qui vivent dans des conditions inadéquates, visent en réalité à fournir un logement décent et des services et prestations sociales et sanitaires de base et se trouvent dans des situations difficiles suite à l'afflux continu de migrants aux frontières.

Ces centres permettent également de détecter les victimes de la traite, d'offrir une assistance préventive et thérapeutique, psycho-sociale, un suivi clinique de certaines pathologies, et des services d'assistance aux mineurs, incluant également des gardes pour enfants.  Il est très difficile d'adapter ces centres à l'afflux continu des personnes et les différents ministères continuent d'analyser les causes sous-jacentes à la migration de sorte à trouver des solutions d'ordre pratique.  Tout pays qui se respecte doit pouvoir faire face au flux migratoire du point de vue éthique et humain, a-t-elle opiné.  La question n'est pas de savoir comment un individu est entré sur le territoire mais d'abord de comprendre la raison qui l'a forcé à fuir son pays d'origine; il n'y a pas de réponse définitive et précise à la question des migrants.

Répondant à la question de savoir dans quelle mesure la jurisprudence ou l'action judiciaire a évolué ces dernières années en matière de droits économiques, sociaux et culturels, la délégation a insisté sur le fait que l'Espagne s'efforce de promouvoir une éducation inclusive et équitable grâce à des programmes comme « Proeducar ».

Plus encore, dans le domaine du logement, un arrêt de la Cour suprême de 2015 avait stipulé le caractère indérogeable du droit au logement dans une affaire de la communauté autonome de Madrid.  Pour ce qui est du droit à un niveau de vie décent, une autre affaire concernait une famille à qui on avait coupé l'électricité dans la communauté autonome de Barcelone, qui a eu gain de cause.

Par ailleurs, des mesures exceptionnelles de protection des personnes affectées par la crise et n'ayant pu payer les prêts hypothécaires de leur logement ont été mises en œuvre, notamment pour définir un code de bonnes pratiques des organismes de prêt.  La Stratégie nationale globale pour les sans-abri (2015-2020) est développée en consultation avec un grand nombre de parties prenantes, notamment les ministères et les collectivités territoriales.  Il existe à présent 23 000 personnes sans abri en Espagne, chiffre qui pourrait atteindre 30 000 si on y ajoute d'autres personnes qui vivent dans la rue de manière temporaire.  (Plusieurs représentants d'organisations non gouvernementales ont quitté la salle de réunion du Comité suite à cette intervention de la délégation).

La délégation a précisé qu'il faut établir une distinction entre dépossession (lanzamiento) et expulsion forcée, tout en signalant que certaines expulsions sont justifiées et se font selon le principe et les règles de proportionnalité.  Ceci dit, aucune procédure n'a lieu sans que la personne concernée ait une possibilité de recours, dans le cadre de son droit au logement.  Évidemment, les situations de personnes handicapées, de mineurs ou de personnes âgées sont pleinement prises en compte avant toute expulsion.  Autre garde-fou appliqué par le juge: le transfert par les services de protection sociale dans un logement de transition.  La délégation a également fait état de deux plaintes déposées au titre du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.  Elle a indiqué que ces affaires ont aidé à mieux réfléchir aux normes législatives relatives aux expulsions.

Par ailleurs, la Cour constitutionnelle avait aussi conclu qu'il fallait respecter le droit des migrants irréguliers à un niveau de vie décent.  En fait, le système judiciaire va bien au-delà des dispositions du Pacte car l'interprétation est aujourd'hui plus large que celle qui prévalait à une certaine époque.  Les arrêts de la Cour suprême sont conformes au Pacte, eu égard à un certain nombre de droits comme celui de l'intérêt supérieur de l'enfant, tandis que la valeur informative du Pacte aide les tribunaux à rendre certains arrêts.  Ceux-ci tâchent également d'être flexibles dans leur interprétation.  Le Pacte est ainsi devenu une véritable source d'inspiration, surtout lorsque c'est la vie même des intéressés qui est en jeu.

Le budget du Ministère des affaires étrangères a été réduit des deux tiers depuis 2012, a indiqué le Représentant permanent, qui a reconnu que cette situation ne permet pas encore le niveau antérieur de générosité quant à l'aide publique au développement.  Il a espéré que l'Espagne pourra bientôt rétablir sa politique d'aide au développement.

Il existe des différences régionales entre les diverses communautés autonomes, qui dépendent notamment des capacités budgétaires de chacune d'elles, a reconnu la délégation.

Depuis la présentation du dernier rapport, l'Espagne a beaucoup avancé dans les prestations de santé en fonction du niveau de vie de chaque individu et famille.  En outre, 13,4% de la population jouit d'une deuxième couverture maladie.  Les prestations d'ordre diététique sont prises en compte, comme il est désormais possible de bénéficier de soins orthopédiques.  La délégation a renvoyé au décret royal no.16/2012 qui détaille les conditions d'accès à l'aide médicale et les droits des bénéficiaires sur un pied d'égalité.

Dans ce contexte, l'Espagne couvre à 100% les soins de santé des migrants irréguliers, de même que des migrantes enceintes pendant la grossesse et après les accouchements.  Les victimes de la traite peuvent aussi jouir de soins et de traitements sophistiqués, y compris en cas d'interventions chirurgicales, de maladies mentales ou infectieuses.  Les migrants irréguliers peuvent souscrire à une convention de santé publique au même titre qu'un ressortissant espagnol.  Dans ce cas d'espèce, la facture est envoyée au pays d'origine.  Ainsi, 250 000 migrants irréguliers ont tiré parti du décret sur les prestations de santé.

Au sujet des mesures adoptées pour régler les problèmes des groupes les plus défavorisés, la délégation a expliqué qu'un portefeuille commun de services, négocié, est mis à la disposition de toutes les communautés autonomes, et qu'il existe également un système d'évaluation de l'amélioration de l'emploi avec l'aide de la Commission européenne.  La formation est adaptée aux besoins et, chaque année, un plan annuel est appliqué et évalué à l'aune des résultats obtenus en matière de création d'emplois.  L'essentiel est d'avoir des politiques intégrant les besoins de chaque communauté autonome.  Les jeunes de 16 à 30 ans, qui n'étudient pas et ne travaillent pas, sont ciblés par un programme de formation de qualité pour qu'ils puissent soit se réinsérer sur le marché de l'emploi, soit reprendre leurs études.  Entre 2017 et 2018, il y avait 1 million 92 mille inscrits à ce programme.

Le travailleur gréviste ne saurait être sanctionné ni subir des préjudices.  Les piquets de grève, s'ils ont pour objectif de convaincre leurs collègues, sont légitimes, mais ils sont pénalisés s'ils utilisent des moyens coercitifs de persuasion.  Le droit de grève ne peut signifier une contrainte car cela porterait atteinte à d'autres droits.  Au cours des dernières années, il y a eu 80 procédures de poursuites contre des grévistes.  Le Bureau du Procureur indique qu'en 2016, il y aurait eu 22 actes d'accusation collective pour délits liés aux libertés syndicales.  Avec la réforme judiciaire, toute personne prévenue pour ces délits peut bénéficier d'un allègement de la peine.  Ce qui est incriminé, c'est le recours à la violence dans une situation de piquet de grève, par exemple.  Dans un cas récent, un arrêt de la Cour suprême a affirmé l'obligation d'individualiser les responsabilités en cas de violence.  Sans cette individualisation, on ne peut arriver à la phase de condamnation, a précisé la délégation.

Depuis 1994, le système des retraites a été modifié par le Pacte de Tolède, qui est renouvelé tous les cinq ans avec l'approbation de tous les partis politiques au Parlement.  Le renouvellement est décidé à l'issue d'une large consultation qui inclut également les syndicats et les associations d'employeurs.  Un prêt de l'État a été concédé à la sécurité sociale pour contribuer à réduire son déficit.  La crise de 2008 n'a pas particulièrement affecté les retraités espagnols qui se trouvent dans une meilleure situation que leurs homologues européens grâce aux garanties de leur niveau de couverture sociale.  La délégation a indiqué que de plus en plus de personnes continuent à travailler après avoir atteint l'âge légal de la retraite.  Dans ces cas, leur retraite est réduite proportionnellement à leur revenu.  Les retraites ont été revalorisées en 2014.

S'agissant des retraites non contributives, la délégation a souligné que celles-ci sont versées à des personnes handicapées ou invalides qui reçoivent une aide de l'État.  Ces retraites ont augmenté de 6,42% et sont compatibles avec des activités génératrices de revenus autonomes.  Il existe aussi un revenu minimal d'insertion destiné aux personnes qui ne disposent pas des revenus nécessaires à la couverture de leurs besoins élémentaires.  Le montant de ces prestations a augmenté de 10% en 2016 pour atténuer les effets de la pauvreté.

Il existe effectivement une forte disparité entre les différentes communautés autonomes, la situation de pauvreté et d'exclusion sociale était plus élevée dans le sud, en l'occurrence aux Îles Canaries, et dans les cités autonomes de Ceuta et Melilla.  Plusieurs méthodes sont employées par les services sociaux pour réduire ces écarts, en particulier pour fournir des aides aux familles avec enfants.  En effet, la pauvreté infantile a grimpé de plusieurs points depuis le début de la crise économique de 2008.  Pour cette raison, les services sociaux concentrent leurs efforts sur Ceuta et Melilla depuis plusieurs années déjà pour soutenir la protection sociale sur place.  Le Plan d'action national pour l'insertion sociale (PNAIN) comporte en outre 240 mesures spécifiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale.

Un groupe de travail a été créé pour voir si les entreprises internationales espagnoles assument leur responsabilité en matière des droits de l'homme dans le cadre des activités qu'elles mènent dans des pays tiers.  Concernant le respect du Pacte, la délégation a évoqué le rôle des chambres de commerce nationales et étrangères qui agissent comme levier dans ce domaine.  Elle a en outre indiqué que les pouvoirs publics vérifient le respect de tous les engagements de l'Espagne dans l'exécution de projets à l'étranger.  Il y a eu une profonde réforme en 2010 pour confirmer la responsabilité première des maisons-mères par rapport aux violations des droits de l'homme dans leurs filiales.  Le problème est de définir les critères de la responsabilité juridique de ces maisons-mères.

La délégation a ensuite souligné le caractère transversal de la loi organique 3/2007 qui couvre tous les domaines de la vie sociale et cherche à éliminer toute forme de discrimination fondée sur le sexe.  Dans ce contexte, le principe d'égalité de traitement et des chances est intégré dans toutes les politiques d'ordre social, économique et culturel.  Le message est que les femmes ne sont pas uniquement des chiffres mais qu'elles ont également des talents qu'il faut utiliser au plus haut niveau de la direction des entreprises ou de la fonction publique.  L'agroalimentaire, le secteur agricole et de la pêche se voient également appliquer des mesures incitatives encourageant les entreprises à adopter leur propre plan sur l'égalité hommes-femmes.  L'Institut de la femme et d'égalité sociale offre aussi des subventions, 1,25 million d'euros ayant été versés cette année aux petites et moyennes entreprises dans ce but.

La violence contre les femmes demeure un problème très inquiétant, ce qui a poussé tous les groupes politiques et parlementaires (à l'exception de Podemos qui s'est abstenu) à souscrire au Pacte de l'État pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes.  Il est aussi prévu d'investir un milliard d'euros sur cinq ans.  Soulignant le rôle des médias dans la transmission des stéréotypes, la délégation a fait état du travail de l'Observatoire de l'image des femmes qui analyse et transmet les plaintes pour publicité sexistes dans les médias.  La loi 3/2007 met également l'accent sur la responsabilité des médias en matière d'égalité des sexes et de lutte contre les stéréotypes.

Le Ministère de la culture dispose d'un système très élaboré de statistiques qui sont publiées sur Internet.  Des questionnaires sur les pratiques culturelles sont également très courants.  Les dépenses ont lieu au plus près des citoyens, au niveau des autorités locales.  Au total, l'État a investi 672 millions d'euros pour les activités culturelles en 2015, avec une tendance à la hausse durant les années suivantes.  Un festival de cinéma annuel est organisé par le Ministère, qui participe également à des activités de promotion d'égalité des sexes.  Le programme numérique espagnol est un outil transversal utilisé par tous les ministères qui viennent d'achever le premier cycle d'utilisation.  La consommation culturelle des foyers est axée sur la télévision et l'accès à Internet avant d'autres activités à l'extérieur du foyer.

Conclusion

M. CRISTÓBAL GONZÁLEZ-ALLER JURADO, Représentant permanent de l'Espagne à Genève, a salué le travail des membres du Comité, dont les questions, pertinentes et de fond, révèlent un degré impressionnant de connaissance de l'Espagne et de son économie.  Il a dit porter une attention particulière aux travaux du Comité qui permettront à son pays d'avancer.  La crise économique a dicté des mesures nées d'une situation de blocage.  Avec la relance de sa croissance, l'Espagne peut à présent appliquer une politique budgétaire lui permettant d'œuvrer davantage à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels à travers de nouvelles réformes.

M. UPRIMNY a salué la sincérité et le respect qui a présidé au dialogue et aux réponses, « parfois convaincantes, parfois moins ».  L'expert a indiqué que le Comité formulera une nouvelle série de recommandations utiles.  Dans ses observations finales, le Comité mentionnera en particulier trois recommandations exigeant une réponse écrite prioritaire de l'Espagne dans un délai de 18 mois.
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