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Communiqués de presse Organes conventionnels

Comité contre la torture : réponses de la délégation de la Syrie

04 Mai 2010

APRES-MIDI
 
4 mai 2010
 

Le Comité contre la torture a entendu, cet après-midi, les réponses apportées par la délégation de la Syrie aux questions que lui avaient posées hier après-midi les experts s'agissant des mesures prises par le pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

S'agissant de l'état d'urgence qui prévaut en Syrie depuis 1963, la délégation, dirigée par M. Najm Al-Ahmad, Vice-Ministre de la justice, a assuré qu'il ne crée en aucun cas une situation d'impunité pour les cas de torture. L'état d'urgence n'octroie pas non plus de pouvoirs absolus, a-t-elle affirmé. Elle a rejeté les allégations selon lesquelles un décret de 2008 octroyait une immunité aux agents de sécurité pour tout acte criminel commis dans l'exercice de leurs fonctions, ainsi que celles faisant état de décès dans les prisons syriennes des suites de torture. Le chef de la délégation a également affirmé que l'isolement cellulaire était illégal et que la Syrie n'avait pas recours à la détention au secret. La délégation a en outre apporté un complément d'informations s'agissant des réfugiés, qui constituent pour 12,5% de la population. Tous bénéficient des mêmes droits que les Syriens et ont accès à l'éducation et à des soins de santé gratuits. S'agissant de la loi permettant à l'auteur d'un viol d'échapper à toute sanction s'il épouse sa victime - une disposition qui avait soulevé la préoccupation des membres du Comité-, la délégation a assuré que ce cas de figure restait très rare.

En fin de séance, le rapporteur du Comité pour l'examen de ce rapport, M. Fernando Mariño Menéndez, a insisté sur l'importance de disposer d'une définition précise du crime de torture. La question de la définition n'est pas un caprice de juriste, a-t-il souligné; la torture a des manifestations diverses et variées et il est important de couvrir toute cette gamme d'actes de torture. Constatant que les organes de surveillance des centres de détention sont composés de membres du système judiciaire, la corapporteuse, Mme Nora Sveaass, a souhaité savoir s'il était également possible pour des experts ou organes indépendants d'accomplir cette tâche. Revenant sur la question du viol, elle a souhaité connaître les mesures prises par la Syrie pour prévenir ces pratiques, d'une part, et faire en sorte que ce type de crime fasse l'objet d'enquêtes et de poursuites, d'autre part.

Le Comité rendra publiques, à la fin de cette session, le 14 mai, ses observations finales sur le rapport de la Syrie.

Le Comité entame demain, à 10 heures, l'examen du rapport périodique de l'Autriche (CAT/C/AUT/4-5).

Réponses de la délégation de la Syrie

Le chef de la délégation a tout d'abord manifesté son étonnement face à certaines questions des experts qui, selon lui, ne relèvent pas des prérogatives du Comité contre la torture. Il s'agit notamment de questions portant sur les disparitions forcées, les droits des femmes, les droits de l'enfant et les droits des défenseurs des droits de l'homme.

En ce qui concerne la définition de la torture, la délégation a expliqué que depuis l'adhésion de la Syrie à la Convention contre la torture, la définition figurant dans ce texte était devenue partie intégrante du droit syrien. Toute Convention ratifiée par la Syrie est directement applicable, a-t-elle rappelé. Et la loi nationale ne peut pas amender le texte international, ce dernier primant sur le droit interne.

Un expert ayant estimé que la répression pour les actes de torture devrait être plus sévère, la délégation a expliqué que la durée de la peine de prison dont elle avait parlé lors de la présentation du rapport - de trois mois à trois ans - visait les actes de torture les plus simples. En cas d'actes violents qui provoquent par exemple un handicap permanent, la peine se monte à 15 ans de travaux forcés. Si la torture conduit au décès, la sanction peut se monter à 20 ans de travaux forcés.

Pour ce qui est de l'état d'urgence, la délégation a assuré qu'il ne crée en aucun cas une situation d'impunité pour cas de torture. L'état d'urgence n'octroie pas non plus de pouvoirs absolus, a-t-elle assuré.

Répondant à une question relative à certains cas de détention prolongée, à laquelle recourraient certains agents de sécurité afin de conserver un détenu sous la main, la délégation a expliqué que 24 heures après son arrestation, le détenu doit être déféré devant un juge. Ce délai peut être prolongé de 24 heures, au maximum. Au-delà de cette période, l'agent qui a procédé à l'arrestation encourt des poursuites pénales.

La délégation a par ailleurs rejeté les allégations selon lesquelles un décret de 2008 octroyait une immunité aux agents de sécurité pour tout acte criminel commis dans l'exercice de leurs fonctions.

Invitée à donner des informations sur le décès de 17 détenus de la prison Sednaya en juillet 2008, la délégation a rappelé que ces événements se sont produis après des émeutes. Les insurgés ont pris en otage un gardien de la prison et ont menacé de le tuer si les autorités carcérales ne répondaient pas à leurs demandes. Certains gardiens ont été tués. La police n'a de prime abord pas recouru à la force; ce n'est qu'après de longues négociations qu'elle a fini par réagir. Par ailleurs la délégation a rejeté les allégations faisant état de 40 décès dans les prisons syriennes des suites de torture. Elle a demandé au Comité de lui fournir des informations à cet égard. Un membre de la délégation a par ailleurs rappelé que pour tout décès survenu en prison, un médecin légiste procède à un examen pour déterminer la cause du décès.

Pour ce qui est de l'indemnisation pour cas de torture, la délégation a indiqué que l'article 164 du Code civil prévoit le versement de réparations aux victimes de torture. La victime peut faire appel si elle considère que l'indemnisation est insuffisante.

En ce qui concerne l'isolement cellulaire qui, selon des membres du Comité, pourrait entraîner la torture, la délégation a assuré que cette pratique était illégale et que toute personne qui y aurait recours serait tenue pour responsable d'un délit.

D'autre part, la délégation a fait valoir que la Syrie coopérait avec le Groupe de travail sur les disparitions forcées, précisant que plusieurs cas avaient ainsi pu être tirés au clair; 18 affaires doivent encore être élucidées.

La délégation a par ailleurs assuré que la Syrie ne recourait pas à la détention au secret. Elle a indiqué que le Gouvernement en avait informé le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, qui n'en ont malheureusement pas fait état dans leur rapport.

Invitée à donner des précisions sur la Cour de sûreté de l'État, la délégation a expliqué qu'il s'agit d'une Cour spécialisée qui s'occupe des crimes contre la sécurité de l'État. Elle a assuré que les audiences de cette Cour sont ouvertes à tous, notamment aux observateurs internationaux.

En ce qui concerne le processus de sélection des juges, il se fait de deux façons: d'une part, par le biais d'un concours ouvert aux détenteurs d'un diplôme en droit; le candidat se soumet à un examen, puis passe un entretien avec le Conseil suprême de justice; il est ensuite procédé à une sélection selon le classement des candidats; finalement, le Président de la République avalise cette liste. D'autre part, un juge peut être sélectionné parmi les avocats et juristes qui pratiquent leur profession depuis un certain nombre d'années ou parmi les professeurs les plus renommés pour leurs compétences et leur intégrité. La délégation a indiqué que les juges sont protégés par une immunité: ils ne peuvent pas être révoqués, sauf dans les cas où ils auraient commis une erreur préméditée grave.

S'intéressant ensuite au sort des prisonniers libanais, la délégation a tenu à rappeler, avant toute chose, qu'aucun citoyen libanais n'a été enlevé par l'armée syrienne lors du retrait des forces syriennes du Liban. Elle a indiqué qu'il y a effectivement des prisonniers libanais de droit commun dans les prisons syriennes. Elle a fait part d'un projet de convention entre les deux pays visant à extrader les prisonniers libanais afin qu'ils puissent purger leur peine dans leur pays. Cet accord est en phase d'être adopté.

Répondant aux questions portant sur la minorité kurde, la délégation a reconnu qu'il y a eu des décès de Kurdes dans le cadre du service militaire, tout en précisant que ces décès sont liés avant tout à des suicides ou des accidents. Plus généralement, la délégation a tenu à rappeler que la Syrie compte une grande diversité de population. Toutes les catégories de la population sont égales en droits et en devoirs, a-t-elle insisté, précisant que les citoyens kurdes ont, dès lors, les mêmes droits que les citoyens syriens, et notamment ceux de servir dans le fonctionnariat public et d'occuper des postes politiques. La délégation a également rejeté les allégations selon lesquelles les Kurdes ne bénéficieraient pas des mêmes conditions d'amnistie que les autres citoyens.

Pour ce qui est des réfugiés, la délégation a indiqué que le nombre de Palestiniens réfugiés en Syrie après la guerre de 1948 dépasse les 500 000. En outre, 480 000 personnes viennent du Golan occupé et 1,2 millions d'Iraquiens sont arrivés en Syrie des suites de la guerre. Ces chiffres, a précisé la délégation, vont croissant et s'ajoutent aux autres réfugiés comme, par exemple, les Libanais qui ont fui le Liban suite à l'agression de 2006 ou des réfugiés venant d'autres pays. La délégation a souligné que 12,5% de la population étaient des réfugiés, attirant l'attention sur les charges que ce chiffre implique pour le pays. Elle a assuré que les réfugiés bénéficient des mêmes droits que les Syriens et ont notamment accès à l'éducation et à des soins de santé gratuits.

S'intéressant à la question de l'extradition, la délégation a souligné que la Syrie interdit l'extradition des réfugiés politiques. Conformément à l'article 3 de la Convention, elle refuse d'extrader des personnes vers un État où elles risquent d'être torturées.

Réagissant à des informations faisant état de présence d'enfants dans les centres de détention et dénonçant des cas de torture à leur encontre, la délégation a assuré que la détention des enfants n'est décidée qu'en ultime recours. Il existe de nombreuses alternatives à la détention. En vertu du système de justice pour mineurs, les enfants de moins de 10 ans ne peuvent pas être considérés comme pénalement responsables. En outre, aucune sanction pénale ne peut être infligée aux enfants de moins de 15 ans.

S'agissant de la formation des fonctionnaires chargés de l'application de la loi, la délégation a indiqué que les officiers de police sont formés dans un institut spécialisé. Quatre cours de formation ont également été mis en place en collaboration avec des centres des droits de l'homme. Les médecins, pour leur part, se spécialisent plutôt dans des pays étrangers. Il existe toutefois en Syrie un département spécial de médecine légale.

Il y a beaucoup d'organisations qui veillent à la mise en œuvre des droits de l'homme en Syrie, a d'autre part assuré la délégation. Elle a également indiqué que la Syrie s'emploie à mettre sur pied une institution nationale des droits de l'homme.

La délégation a par ailleurs déploré que l'on parle de viol au sein de la société syrienne comme s'il s'agissait d'un phénomène quotidien. Elle a reconnu que le droit syrien permet à la victime d'un viol d'épouser son violeur si elle estime qu'elle a besoin de le faire. La société syrienne est une société orientale, a souligné la délégation, afin que les experts replacent cette loi dans ce contexte. Elle a toutefois précisé que ce cas de figure était très rare.

Le chef de la délégation a conclu ses réponses en soulignant que son pays était ouvert à la visite de titulaires de mandats. Il a toutefois rappelé que toute visite implique, au préalable, toute une série de préparatifs. Il en est de même pour chaque pays, a-t-il fait observer.

Questions et observations supplémentaires des membres du Comité

M. CLAUDIO GROSSMAN, Président du Comité, a tenu à apporter quelques éclaircissements, la délégation syrienne s'étant étonnée que lui aient été posées des questions qui, selon elle, ne relèvent pas de la compétence du Comité. Il a souligné que les disparitions forcées constituent une forme de torture ou de traitement humiliant; il a indiqué que le Comité aborde les droits des enfants et les droits des femmes parce qu'il s'intéresse à la traite des enfants et à la traite des femmes. Ces questions sont posées à tous les pays qui se présentent devant le Comité, a-t-il souligné.

M. FERNANDO MARIÑO MENÉNDEZ, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Syrie, a relevé l'importance que chaque État ait une définition précise du crime de torture. La question de la définition n'est pas un «caprice de juriste», a-t-il souligné; il s'agit de viser le cœur de la souffrance physique ou psychologique causée par des agents de la force publique ou avec leur accord, de la prévenir et d'y répondre. La torture a des manifestations diverses et variées; il est important de couvrir toute cette gamme d'actes de torture, a-t-il insisté.

Le rapporteur a également demandé un complément d'information sur l'application de la peine de mort en Syrie. Tout en reconnaissant que la peine capitale relève des prérogatives de l'État et n'est pas explicitement interdite, il a fait remarquer qu'on assiste au niveau mondial à une tendance à l'assimiler à un traitement inhumain.

M. Mariño a également fait part de ses préoccupations s'agissant de l'indépendance réelle du tribunal de sécurité suprême de l'État. Il s'est également inquiété des cas de détention par les agences de renseignement en Syrie. Enfin, il a aussi attiré l'attention de la délégation sur des informations émanant d'organisations non gouvernementales selon lesquelles un décret permettrait aux agents de police d'échapper à la détention lorsqu'elle les empêche de remplir leurs fonctions.

MME NORA SVEAASS, corapporteuse, a rappelé que les conséquences de la torture sont graves peu importe où elles se produisent. Elle a souligné que la lutte contre ces pratiques est essentielle. Elle a expliqué qu'alors que tous - hommes, femmes et enfants - sont menacés, et compte tenu des diverses manifestations que la torture revêt, le Comité unit ses forces avec d'autres comités et rapporteurs pour lutter contre ce fléau.

La corapporteuse s'est enquise du sort d'une jeune «blogueuse» de 19 ans qui a été arrêtée et détenue. Elle n'a pour l'instant pas eu la possibilité de voir un avocat ou de contacter un membre de sa famille, a-t-elle déploré, demandant un complément d'informations à ce sujet.

Davantage d'informations ont en outre été demandées s'agissant de la formation des médecins légistes pour déceler les signes de torture. Elle a également souhaité savoir si les membres des forces militaires suivent une formation sur l'interdiction de la torture.

Constatant que les organes de surveillance des centres de détention sont composés de membres du système judiciaire, la corapporteuse a souhaité savoir s'il est également possible pour des experts ou organes indépendants d'effectuer cette tâche.

Enfin, Mme Sveaass a déploré que le viol soit un crime souvent sous-estimé partout dans le monde. Elle a souhaité connaître les mesures prises par la Syrie pour prévenir ces pratiques, d'une part, et faire en sorte que ce type de crime fasse l'objet d'enquêtes et de poursuites, d'autre part.

Un autre membre du Comité a souhaité avoir l'avis de la délégation s'agissant des informations d'organisations non gouvernementales selon lesquelles prétendant la Cour suprême aurait souvent omis d'enquêter sur des actes de torture. Il s'est également enquis de la validité des aveux obtenus sous torture.

Enfin, un expert, estimant que l'âge de la responsabilité pénale était très bas, a souhaité savoir si la Syrie compte le relever.

Réponses complémentaires de la délégation

Le chef de la délégation a souligné qu'en aucun cas son pays estime que la question de la définition de la torture est superficielle. Il a rappelé que la Convention était en vigueur en Syrie. Toutefois, la délégation entend soulever cette question devant l'autorité judiciaire compétente; elle abordera aussi la perspective de la discrimination ainsi que l'a recommandé un expert.

Revenant sur la question du décret censé octroyer une immunité aux agents de sécurité pour tout acte criminel commis dans l'exercice de leurs fonctions, la délégation a répété que ce décret n'accorde pas l'immunité. Une copie de ce décret sera transmise au Comité.

Quant à la question de la peine de mort, le chef de la délégation a indiqué que pour sa part, il était opposé à la peine capitale, mais que la législation syrienne la maintenait. Il a toutefois précisé que la peine de mort était très peu appliquée en Syrie. Ni la peine capitale, ni l'emprisonnement à perpétuité ne peuvent être prononcés à l'encontre de mineurs de moins de 18 ans; la décision de peine de mort est reportée pour la femme enceinte jusqu'à son accouchement; la peine capitale n'est pas appliquée le vendredi, le dimanche ou lors des festivités. Enfin, la délégation a précisé que la peine de mort n'a été prononcée que pour les crimes les plus graves, comme par exemple des cambriolages avec homicide ou des viols avec homicide, c'est à dire lorsque des homicides sont commis en liaison avec d'autres crimes.

En réponse à une question, la délégation a indiqué que la formation dans le domaine de la prévention de la torture était destinée aux agents de police; aucune n'est prévue pour les officiers de l'armée.

Invitée à donner des détails sur le décret de 1980 qui prévoit la peine de mort pour les membres des Frères musulmans, la délégation a expliqué qu'il fallait faire face à ce mouvement armé qui a tué des milliers d'innocents. Elle a toutefois précisé que la simple appartenance à ce mouvement n'est pas sanctionnée. Cependant, si cette appartenance s'accompagne d'actions de violence et de crimes graves, elle est passible de la peine de mort.

Les aveux obtenus par la torture n'ont aucune valeur, a aussi indiqué la délégation en réponse à la question d'un expert.

Enfin, la délégation a rappelé que la loi syrienne interdisait l'extradition des réfugiés politiques. Les Iraniens extradés dont les cas ont été mentionnés par des membres du Comité étaient des criminels. Ils ont été extradés conformément à un accord passé avec l'Iran.

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