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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité contre la torture entame l'examen du rapport de la Syrie

03 Mai 2010

APRES-MIDI

3 mai 2010

Le Comité contre la torture a entamé, cet après-midi, l'examen du rapport initial de la Syrie sur les mesures prises par ce pays en application des dispositions de la Convention contre la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Le Vice-Ministre syrien de la justice, M. Najm al-Ahmad, dirigeait la délégation, accompagné de représentants du Ministère de la justice et de la Mission permanente de la Syrie auprès des Nations Unies à Genève, pour présenter le rapport de son pays. M. al-Ahmad a souligné que son pays avait réalisé de nombreux progrès dans le domaine des droits de l'homme et ambitionne d'ancrer les valeurs de droits de l'homme dans la société et ce, à tous les niveaux. Le Vice-Ministre a notamment précisé que les droits de l'homme faisaient partie des programmes scolaires et que des programmes de formation sont prévus à l'intention de toutes les personnes chargées d'appliquer la loi. Ces données témoignent de l'attachement et du respect que porte la Syrie à ses obligations internationales en matière de droits de l'homme, a fait valoir le Vice-Ministre.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Syrie, M. Fernando Mariño Menéndez, a salué l'éventail d'instruments internationaux auxquels a accédé la Syrie et s'est félicité de la coopération croissante du pays avec les organes conventionnels et les titulaires de mandat des Nations Unies. Il a toutefois déploré que la définition du crime de torture dans la législation syrienne ne soit pas très claire, le Code pénal mentionnant des «actes illicites de violence», et a estimé qu'une peine maximale de trois ans pour ce type de délit n'était pas suffisante. Les autres préoccupations du rapporteur ont porté sur l'indépendance du judiciaire, l'inspection des établissements pénitentiaires et les conséquences de l'état d'urgence qui prévaut depuis 1963.

Cet état d'urgence rend l'interdiction de la torture très floue en Syrie, a estimé la corapporteuse, Mme Nora Sveaass, qui a ajouté que dans le contexte des mesures de sécurité et de lutte contre le terrorisme, la torture ne semble pas être interdite. Elle s'est inquiétée en particulier des conditions de détention au secret et de cas de détentions arbitraires, ainsi que du manque de surveillance des centres de détention, notamment par un organe indépendant. L'experte a également déploré l'absence d'un mécanisme de plaintes au sein de la police pour les allégations de torture et de mauvais traitements commis par les forces de l'ordre. D'une manière générale, une certaine impunité semble perdurer pour les forces de sécurité, a estimé l'experte.

D'autres préoccupations des experts ont porté sur la compatibilité avec la Convention d'une loi permettant à l'auteur d'un viol, kidnapping ou harcèlement sexuel d'échapper à toute sanction s’il épouse la victime. La mise en œuvre de l'article 3 de la Convention relatif au non-refoulement a également fait l'objet de questions par des experts citant notamment le cas d'Iraniens rapatriés en Iran alors qu'ils y avaient été condamnés à mort par contumace.

La délégation de la Syrie répondra demain après-midi, à 15 heures, aux questions des experts. Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du rapport du Liechtenstein (CAT/C/LIE/3).

Présentation du rapport de la Syrie

M. NAJM AL-AHMAD, Vice-Ministre de la justice de la Syrie, a annoncé que son pays a réalisé de nombreux progrès dans le domaine des droits de l'homme. En effet, la Syrie a adhéré à tous les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme; le pays a régulièrement présenté des rapports devant les organes conventionnels des Nations Unies. Ces faits, a précisé le Vice-Ministre, témoignent de l'attachement et du respect que porte la Syrie à ses obligations internationales en matière de droits de l'homme. La Syrie, a-t-il poursuivi, ambitionne d'ancrer les valeurs de droits de l'homme dans la société et ce, à tous les niveaux. Les droits de l'homme font partie des programmes scolaires, de l'école primaire à l'université. Des programmes de formation existent pour toutes les personnes chargées d'appliquer la loi, a-t-il ajouté. Enfin, il a insisté sur la cohésion sociale qui prévaut en Syrie.

Le Vice-Ministre a profité d'être devant le Comité pour faire part de sa préoccupation face aux souffrances subies par les ressortissants syriens vivant dans les territoires occupés. Il a dénoncé des pressions, des tortures et des traitements inhumains et dégradants. Il a dit attendre avec impatience le jour où les êtres humains ne souffriront plus dans le monde. La Syrie pourra ainsi continuer sa marche vers un monde respectueux des droits de l'homme, a-t-il souligné.

M. FAYSAL KHABBAZ HAMOUI, Représentant permanent de la Syrie auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, a souligné que la Syrie avait énormément progressé sur la voie d'un État moderne, respectueux des droits de l'homme. Il a à titre d'exemple fait part de la signature d'un accord de partenariat avec l'Union européenne: selon lui, cet accord démontre que l'Union européenne reconnaissait les progrès de la Syrie et son attachement aux droits de l'homme. La Syrie s'engage à faire des droits de l'homme des droits respectés partout et par tous, a-t-il insisté.

Le rapport initial de la Syrie (CAT/C/SYR/1) rappelle que la Syrie a adhéré à la Convention contre la torture le 1er juillet 2004. Cette Convention, dont les dispositions sont conformes aux articles et dispositions de la Constitution, fait désormais partie intégrante de la législation nationale. Le rapport précise que les lois syriennes contiennent des dispositions répressives à l'égard de tout individu qui, dans l'exercice de ses fonctions, soumet ou donne l'ordre de soumettre une personne à la torture ou la violence. Le Code pénal syrien interdit la torture des individus, préserve leur dignité et interdit l'exercice de toute forme de contrainte à leur égard. Il interdit également leur arrestation ou détention en dehors des cas prévus par la loi. Enfin, les personnes lésées peuvent réclamer une indemnisation équitable à raison de dommages matériels ou psychologiques. Un certain nombre de verdicts ont été prononcés à l'encontre d'agents de l'État reconnus coupables d'avoir violé la loi, indique le rapport.

Le rapport précise notamment qu'une circulaire de 2004 promulguée par le Ministre de l'intérieur a réaffirmé le contenu de l'article 28 de la Constitution qui proscrit le fait de soumettre quiconque à la torture physique ou psychologique ou à des actes d'humiliation et prévoit la sanction de l'auteur de tels actes. Il a été demandé, en application de cette circulaire, d'organiser des réunions avec les fonctionnaires de police pour les sensibiliser et les éclairer sur les conséquences néfastes du recours à la violence à l'encontre des personnes arrêtées, détenues ou incarcérées et les convaincre de la nécessité d'agir dans un esprit de responsabilité dans l'exercice de leurs fonctions. Par ailleurs, le Ministère des affaires sociales et du travail a élaboré des réglementations et des procédures à l'intention des instituts et des centres de protection sociale, ainsi que des foyers de détention, proscrivant le recours à la violence et à la torture à l'encontre des pensionnaires de ces établissements. Toute personne travaillant dans une de ces institutions et se livrant à l'un des actes proscrits par la Convention est passible des sanctions prévues par le Code pénal.

En ce qui concerne la loi sur l'état d'urgence, le rapport rappelle que la Syrie est effectivement menacée de guerre par Israël depuis 1948. Cette situation, dans laquelle il existe une véritable menace de guerre, où une partie du territoire syrien demeure sous occupation et où il existe une véritable menace d'élargissement de l'occupation, a créé un état de choses exceptionnel dans lequel la Syrie doit mobiliser rapidement ses forces, dans l'urgence, afin que les autorités puissent prendre promptement les décisions voulues face à des menaces imminentes. La loi sur l'état d'urgence doit donc demeurer en vigueur, souligne le rapport. Il assure toutefois que cette loi est assortie de conditions très particulières; elle ne prévaut en aucune manière sur la Constitution ou sur les lois syriennes, ni sur tout autre engagement international.

Le rapport indique enfin qu'il existe un règlement des prisons, qui contient des règles et des directives sur le traitement des personnes en détention et qui prévoit notamment le droit des prisonniers de communiquer avec leurs avocats et les membres de leur famille et les droits de visite. Il interdit en outre à tout agent pénitentiaire d'user de la force contre les prisonniers, de leur donner des surnoms péjoratifs, de leur parler grossièrement, de se moquer d'eux, de les obliger à rendre des faveurs personnelles et de leur demander de les aider dans leur travail, si ce n'est dans des cas particuliers autorisés. Par ailleurs, afin de garantir à toute personne privée de liberté un traitement humain qui préserve la dignité fondamentale de la personne, le Ministère de la justice, le Ministère de l'intérieur et le Procureur général sont habilités à inspecter les prisons afin de vérifier que les détenus sont traités avec humanité. En cas de torture, la victime peut être adressée à un médecin de la police et les prélèvements nécessaires sont effectués à titre d'éléments de preuve à charge pour l'auteur des actes de torture; l'auteur présumé est suspendu de ses fonctions pour une durée allant de trois mois à un an (suspension disciplinaire) pendant que l'enquête suit son cours.

Examen du rapport

M. FERNANDO MARIÑO MENÉNDEZ, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Syrie, a constaté l'éventail d'instruments internationaux auxquels a accédé la Syrie. Il s'est aussi félicité de la coopération croissante du pays avec les organes conventionnels et les titulaires de mandat des Nations Unies.

Pour le rapporteur, la définition du crime de torture n'est pas très claire dans la législation syrienne. En effet, le Code pénal parle d'«actes illicites de violence», une définition peu claire. De plus, le Code ne mentionne pas l'élément de la discrimination. Par ailleurs, les peines encourues pour ce type de délit sont d'un maximum de trois ans ce qui, selon l'expert, n'est pas suffisant. Pourquoi la Syrie n'a-t-elle pas repris la définition contenue dans la Convention, a-t-il demandé? Le rapporteur a également souhaité savoir ce qu'il en est de l'applicabilité de la Convention: notant que le Code civil stipule que les dispositions antérieures au traité ne sont plus applicables, il a souhaité savoir ce qu'il en est des dispositions postérieures. La Convention prévaut-elle sur toutes les lois, même postérieures à 2004, a-t-il demandé ?

D'une manière générale, l'expert a regretté l'absence de statistiques dans le rapport syrien. Il s'est enquis du nombre de personnes détenues pour des raisons de sécurité. Il a constaté que quatre organismes, reliés au Ministère de l'intérieur, sont chargés de la sécurité et des renseignements. Ces agences constituent un monde à part entière, a-t-il noté. Il s'est demandé si l'appareil judiciaire «normal», à savoir les juges et le parquet, peut intervenir dans ces affaires. Il a mis en garde contre les risques qu'il existe en Syrie une immunité des agents des forces de sécurité, y compris pour la torture et les traitements inhumains.

S'agissant de la détention au secret, M. Mariño s'est enquis des garanties des droits des détenus, notamment le droit à l'accès à un avocat. Il a souhaité connaître l'organe qui contrôle ces détentions au secret, ainsi que la durée de la détention.

D'autres questions ont porté sur l'indépendance du judiciaire, l'expert souhaitant connaître les processus de désignation et de destitution des juges dans le système syrien. M. Mariño a aussi requis un complément d'informations sur les procédures d'inspection des établissements pénitentiaires. Il a par ailleurs constaté que l'état d'urgence dure depuis de nombreuses années, puisqu'il a été décidé en 1963. Sur ce point, il s'est demandé ce qu'il en est des nombreuses lois promulguées dans ce contexte depuis cette date.

Citant un rapport d'Amnesty International, le rapporteur a déploré l'absence d'enquête pour les 17 décès survenus dans la prison Sednaya en juillet 2008. Il a souhaité un complément d'informations sur cette affaire. Il s'est aussi enquis de la situation de Libanais détenus en Syrie depuis 2005, ainsi que de membres de la minorité kurde. Par ailleurs, il a requis des informations sur des cas de décès survenus dans le cadre du service militaire. Enfin, il a attiré l'attention sur la disparition de 17 000 personnes et souhaité connaître les mesures prises par l'État syrien concernant les plaintes déposées suite à ces disparitions.

Pour terminer, la délégation a été invitée à donner des détails sur la coopération entre la Syrie et le Liban s'agissant de l'affaire Hariri.

MME NORA SVEAASS, corapporteuse, a pour sa part exprimé sa préoccupation s'agissant de la situation des défenseurs des droits de l'homme en Syrie. Elle a déploré l'absence d'organismes indépendants représentant les voix indépendantes et les minorités. Dans ce contexte, elle a suggéré d'inviter la Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l'homme.

D'une manière générale, Mme Sveaass a déploré que l'interdiction de la torture soit très floue, un fait qui, selon l'experte, tient notamment à l'état d'urgence qui date de 1963. Dans le contexte des mesures de sécurité et de lutte contre le terrorisme, «la torture semble loin d'être interdite», a-t-elle souligné.

Mme Sveaass a également requis un complément d'informations sur les mécanismes de surveillance des centres de détention. Elle a, entre autres, souhaité savoir si des visites inopinées sont menées et si les organisations non gouvernementales peuvent y participer. Elle a dit avoir reçu des informations faisant état d'un problème général dans les lieux de détention, en particulier s'agissant des détenus d'origine kurde. Sept cas de torture ont été répertoriés par l'organisation non gouvernementale Kurdish Human Rights Project, a-t-elle souligné. En outre, certains ressortissants libanais auraient été torturés en prison. L'experte a souhaité savoir si des autopsies sont menées et si des renseignements sont donnés à la famille. Le manque de surveillance, en particulier par un organe indépendant, semble poser un grave problème, a-t-elle souligné.

La corapporteuse a par ailleurs déploré l'absence de mécanisme de plaintes au sein de la police. Elle s'est enquise des moyens offerts à la population pour porter plainte en cas d'allégations de torture et de mauvais traitements commis par les agents de la police. Elle a aussi souhaité savoir si les victimes ont le droit d'avoir accès à un médecin légiste en cas de torture.

Parmi les autres sources de préoccupations de la corapporteuse, figuraient notamment la détention au secret et les détentions arbitraires. Elle a attiré l'attention sur certains détenus qui, bien qu'ils aient purgé leur peine, n'ont pas été libérés. Elle a fait part de rapports d'organisations de la société civile alléguant que les agences de renseignements syriennes semblent agir en toute impunité. D'une manière générale, une impunité et une immunité semblent perdurer pour certains groupes, en particulier pour les forces de sécurité, a estimé l'experte.

Il n'y a aucune indication dans le rapport stipulant le droit à ne pas être torturé, même dans le cadre de l'état d'urgence, a constaté un expert. Il a souhaité que la délégation confirme que l'interdiction de la torture était absolue en Syrie.

La détention avant jugement qui dure des mois, voire des années, a soulevé la préoccupation d'une autre experte.

Un expert s'est pour sa part intéressé à la réserve à l'article 20 par laquelle la Syrie ne reconnaît pas la compétence du Comité pour ouvrir des enquêtes sur une éventuelle pratique systématique de la torture en Syrie. Tout en rappelant que cette réserve est légitime, il a toutefois souhaité que la délégation fasse part des raisons qui ont motivé les autorités à faire cette déclaration et qu'elle confirme que ces raisons perdurent, six ans après l'adoption de la Convention.

Alors que le Code pénal stipule qu'en cas de mariage avec sa victime, l'auteur d'un viol, kidnapping ou harcèlement sexuel, ne voit aucun motif d'accusation retenu contre lui, une experte a souhaité que la délégation explique la compatibilité avec les dispositions de la Convention de cette loi qui, a-t-elle précisé, induit une forme d'impunité. Comment le consentement réel de la victime est-il assuré, a demandé un autre expert ? Il a aussi souhaité savoir si le consentement de la famille vaut celui de la victime.

Citant le cas d'Iraniens rapatriés en Iran alors qu'ils y avaient été condamnés à mort par contumace ou le cas d'un autre Iranien auquel on a coupé les doigts à son retour, des experts se sont enquis des mesures prises par la Syrie pour mettre en œuvre et respecter l'article 3 de la Convention, relatif au non-refoulement.

Enfin, la Syrie a été invitée à ratifier le Statut de Rome et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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