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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité contre la Torture entend les réponses de la délégation de la Jordanie

30 Avril 2010

Comité contre la torture CAT/10/8
30 avril 2010

Le Comité contre la torture a entendu, ce matin, les réponses apportées par la délégation de la Jordanie aux questions que lui avaient posées hier matin les experts s'agissant des mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Dirigée par M. Shehab A. Madi, Représentant permanent de la Jordanie auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, la délégation jordanienne a souligné que le Code pénal jordanien sanctionne la pratique de la torture et les traitements dégradants. Il n'y a ni impunité, ni immunité pour les fonctionnaires chargés de l'application des lois, a-t-elle ajouté. Plusieurs organes sont habilités à effectuer des visites inopinées dans les centres de détention, à recevoir des plaintes et à mener des enquêtes, a par ailleurs rappelé la délégation. Pour toute plainte déposée par un détenu, une enquête rapide et impartiale est menée et des sanctions strictes sont prises à l'encontre du ou des responsables de l'acte incriminé.

La délégation a en outre apporté des compléments d'informations s'agissant des raisons du retard accusé par la présentation du rapport; de la stratégie d'amélioration des centres de détention; de la situation des réfugiés dans la région; de la conformité des dispositions de lutte antiterroriste avec les droits de l'homme; et de l'interdiction absolue de la torture, s'agissant plus particulièrement de la garantie qu'elle ne sera pas autorisée en cas d'état d'urgence.

En fin de séance, la rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport jordanien, Mme Felice Gaer, a souhaité que la Jordanie veille à ce qu'il soit clairement établi pour chacun dans le pays qu'il ne peut être dérogé à l'interdiction absolue de la torture. Elle a par ailleurs relevé que les conclusions de la visite du Rapporteur spécial sur la torture indiquent que la pratique de la torture semble répandue et systématique en Jordanie. À l'instar de Mme Gaer, le corapporteur du Comité pour l'examen du rapport jordanien, M. Luis Gallegos Chiriboga, a invité la Jordanie à encourager les visites inopinées (dans les lieux de détention) - moyen essentiel de lutter contre la torture.

Le Comité rendra publiques, à la fin de cette session, le vendredi 14 mai, ses observations finales sur le rapport de la Jordanie.

Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du sixième rapport périodique de la Suisse (CAT/C/CHE/6).

Réponses de la délégation de la Jordanie

La délégation jordanienne a expliqué les raisons du retard accusé par la présentation du rapport de la Jordanie en indiquant que le pays a été submergé par ses obligations telles que découlant de tous les instruments auxquels il a adhéré. La Jordanie n'en prend pas moins très au sérieux la Convention et les travaux du Comité, a-t-elle assuré. Elle a précisé qu'un Comité des droits de l'homme a été créé, composé de représentant de différents ministères, qui est chargé, entre autres, de préparer les rapports destinés aux différents organes de traités.

S'agissant des questions relatives à l'état d'urgence, la délégation a rappelé qu'il n'y a aujourd'hui aucun état d'urgence en Jordanie; le dernier qui avait été déclaré s'est terminé en 1992 et il n'y a actuellement aucune raison d'en instaurer un nouveau, a-t-elle ajouté. Quoi qu'il en soit, en cas d'état d'urgence, le droit à ne pas être soumis à la torture serait considéré comme un droit de l'homme auquel il ne saurait être dérogé.

La délégation a par ailleurs indiqué que le Code pénal jordanien pénalise la pratique de la torture et les traitements dégradants. Par ailleurs, a-t-elle ajouté, en vertu de l'article 159 du Code de procédure pénale, toute preuve obtenue sous pression est considérée comme nulle et non avenue. Il n'y a ni impunité, ni immunité pour les fonctionnaires chargés de l'application des lois, a assuré la délégation.

Le Centre national des droits de l'homme créé en 2003 est une institution indépendante de droits de l'homme chargée de veiller au suivi des plaintes déposées par des citoyens, a poursuivi la délégation. Ce Centre peut également effectuer des visites inopinées dans les centres de détention et les établissements spécialisés pour mineurs; il peut également demander que des enquêtes soient menées s'agissant de cas particuliers.

Pour ce qui est du Médiateur, a ajouté la délégation, il peut s'occuper de toute question ou plainte qu'il considère importante. Les plaintes lui sont confiées en toute confidentialité. S'il souhaite prendre connaissance d'un dossier, le Gouvernement a l'obligation d'accéder à sa demande et de les lui transmettre. Le Médiateur a le droit, mais aussi le devoir, de surveiller les procédures administratives. La délégation a par ailleurs fait part de la création, en 2005, d'un bureau au sein du Département de la sécurité générale, spécifiquement chargé du traitement des plaintes à l'encontre du personnel policier.

S'agissant de la situation dans les centres de détention, la délégation a attiré l'attention du Comité sur le plan stratégique pour le développement des centres correctionnels et leur réadaptation mis en place en 2007. Cette stratégie est conforme à l'ensemble des règles minima pour le traitement des prisonniers adoptées lors du Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants tenu à Genève en 1955; elle prévoit une réorganisation de la structure administrative, ainsi qu'un renforcement de la formation du personnel, a précisé la délégation. Entre 2007 et 2010, de nouveaux centres de réhabilitation ont été construits, en vue, notamment, de régler le problème de la surpopulation carcérale, a-t-elle indiqué. En outre, un programme a été développé pour améliorer les conditions de détention, comportant notamment des volets relatifs à la santé, à l'éducation et à la formation professionnelle.

Pour ce qui est des visites dans les centres de détention, la délégation a notamment fait part de la signature d'un mémorandum d'accord entre le Direction de la sécurité publique et le Centre national des droits de l'homme afin de faciliter la conduite de visites inopinées. Les représentants du Ministère de la justice sont quant à eux habilités à effectuer des visites à tout moment. Enfin, la délégation a précisé que le Bureau des droits de l'homme et le Département de la sécurité publique reçoivent toute plainte déposée par des détenus pour mauvais traitements ou torture. Des enquêtes rapides et impartiales sont alors menées et des sanctions strictes sont prises à l'encontre des responsables des actes incriminés. En 2008, 22 policiers ont été poursuivis en justice et des mesures disciplinaires ont été prises à l'encontre de 25 policiers, a précisé la délégation.

La délégation a par ailleurs assuré que les châtiments corporels ne sont pas pratiqués dans les centres de réinsertion. Avant, certaines pratiques comme la flagellation étaient autorisées; mais désormais, toutes ces pratiques ont été érigées en infractions, a-t-elle ajouté.

Un expert ayant regretté que le pays ne soit pas partie au Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture, la délégation a assuré que cette situation ne doit pas être considérée comme un manque d'engagement. La Jordanie est déterminée à améliorer et renforcer les mécanismes existants (de prévention de la torture), a-t-elle assuré.

En ce qui concerne la question des réfugiés, la délégation a rappelé que son pays déploie des efforts considérables pour aider les réfugiés, palestiniens ou iraquiens par exemple. Dans ce contexte, la citoyenneté jordanienne a été accordée à plus de 117 000 personnes, a rappelé la délégation, souhaitant que la communauté internationale reconnaisse le rôle joué par la Jordanie à cet égard et se penche comme il convient sur la question des réfugiés. La délégation a également assuré que la Jordanie est attachée au principe de non-refoulement, conformément aux dispositions de la Convention.

Selon l'article 92 du Code pénal, a par ailleurs indiqué la délégation, le viol est passible d'une peine de travaux forcés de 10 ans au minimum si la victime a plus de 15 ans; dans le cas où la victime a moins de 15 ans, l'auteur du viol est passible de la peine capitale. Pour ce qui est de la suspension de peine prévue par le Code pénal en cas de viol si l'auteur du viol se marie avec la victime, il convient de souligner que cette disposition est assujettie à la signature d'un contrat de mariage en bonne et due forme, c'est-à-dire avec le consentement de la victime; d'autre part, a précisé la délégation, des discussions sont en cours visant la révocation de cette disposition.

Invitée hier à donner des précisions sur le décès de trois détenus morts brûlés, la délégation a expliqué que dans cette affaire, un certain nombre de détenus dangereux avaient mis le feu à l'aile de leur bâtiment, ce qui avait provoqué des émeutes au cours desquelles des violences et des actes de vandalisme furent commis. C'est ainsi que trois détenus sont morts brûlés. Les médecins ont directement procédé à une enquête et à une autopsie et n'ont observé aucune trace de violence ou de torture sur ces trois personnes. Un comité spécial a même été mis en place pour enquêter sur cette affaire et les résultats de son enquête ont montré qu'aucune forme de violence, torture, abus ou mauvais traitement n'avait été commise contre ces détenus.

Pour ce qui est de la traite des êtres humains, la délégation a assuré que la Jordanie sanctionne toutes les formes de traite. Il est même considéré que l'exploitation de jeunes de moins de 18 ans est une forme de traite, même s'il n'y a pas de violence ni emploi de la force. En outre, le consentement de la victime ne permet pas d'atténuer la peine encourue par l'auteur de la traite, a souligné la délégation.

La délégation a par ailleurs assuré que les mesures que prend la Jordanie afin de combattre le terrorisme sont respectueuses des obligations internationales contractées par le pays. Ces mesures antiterroristes ne portent en aucun cas atteinte aux droits de l'homme, a-t-elle insisté. Elle a fait état des dispositions de la loi de 2006 visant à lutter contre le financement des activités terroristes et le recrutement de terroristes.

Questions supplémentaires des membres du Comité

MME FELICE GAER, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de la Jordanie, a souhaité que la Jordanie veille à ce qu'il soit clairement établi pour chacun dans le pays qu'il ne peut être dérogé à l'interdiction absolue de la torture.

Par ailleurs, elle a rappelé que lorsque le Rapporteur spécial sur la torture, M. Nowak, est revenu de sa visite dans le pays, il a indiqué n'avoir pas pu pleinement s'acquitter de sa mission, notamment parce que l'accès à certains centres de détention lui avait été refusé. Les conclusions de M. Nowak indiquent que la pratique de la torture semble répandue et systématique en Jordanie, a fait observer Mme Gaer. La rapporteuse a invité la délégation à s'exprimer sur ce point et a invité la Jordanie à encourager les visites inopinées (dans les lieux de détention), en tant que moyen important de lutter contre la torture. Mme Gaer a par ailleurs souligné que le Rapporteur spécial avait relevé un manque important d'effectifs d'officiers chargés de la sécurité dans les centres de détention; aussi, a-t-elle souhaité avoir davantage d'informations à cet égard.

M. LUIS GALLEGOS CHIRIBOGA, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport jordanien, a quant à lui insisté sur l'importance de lutter contre la violence à l'encontre de la femme, tant au niveau domestique que dans le cadre de la traite de personnes. Il a souhaité obtenir davantage d'informations sur ce point. Il s'est en outre enquis des garanties de sécurité offertes aux personnes qui rendent visite à un détenu en prison.

M. Gallegos Chiriboga a par ailleurs mis en garde contre le risque d'impunité, eu égard au manque de transparence et d'impartialité qui caractérise la procédure de plainte et de poursuite. Il a rappelé que si le système judiciaire n'est pas géré par des entités indépendantes, son fonctionnement est entravé. Dans ce contexte, il a insisté sur l'importance que revêtent les visites inopinées dans les centres de détention. Enfin, le corapporteur a souhaité que la Jordanie mette tout en œuvre pour protéger et soutenir les défenseurs des droits de l'homme.

D'autres experts ont réitéré leur préoccupation au regard de la loi qui permet à un violeur d'échapper à des sanctions s'il se marie avec sa victime et se sont enquis de la formation suivie par les médecins légistes pour pouvoir déceler des signes de torture.

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