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Notes de conférence de presse Haut-Commissariat aux droits de l’homme

Jordanie : inquiétudes face à une législation sur la cybercriminalité et le rétrécissement de l’espace civique

15 août 2023

A partir de

Porte-parole du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme : Liz Throssell

Lieu

Geneva

Il ne fait aucun doute que la cybercriminalité doit être abordée et réglementée. Cependant, nous sommes très préoccupés par une nouvelle loi sur la cybercriminalité qui devrait bientôt entrer en vigueur en Jordanie.

Cette nouvelle loi restreint et criminalise indûment les activités en ligne des particuliers et des organisations. Elle impose des sanctions pour la publication de contenus susceptibles d’offenser les autorités chargées de l’application des lois. Elle risque de faire taire les critiques et d’affaiblir la responsabilité publique. Elle pénalise également le contournement des adresses IP et permet le retrait ou le blocage de contenus par les autorités sans contrôle judiciaire approprié.

Parmi les infractions définies de manière large et vague dans la législation sur la cybercriminalité figurent « la promotion, l’instigation, l’aide ou l’incitation à l’immoralité », « la diffamation », « l’incitation à la sédition ou l’atteinte à l’unité nationale » et « le mépris des religions ». Ces formulations ciblent le contenu de l’expression en ligne, sont ouvertes à une large interprétation et ne respectent pas les exigences relatives au droit international des droits de l’homme en matière de légalité, de but légitime, de nécessité et de proportionnalité pour les restrictions du droit à la liberté d’expression.

La loi prévoit des peines d’emprisonnement allant d’une semaine à trois ans et des amendes allant de 423 à 105 000 dollars américains (300 à 75 000 dinars jordaniens), en fonction de l’infraction.

Nos inquiétudes concernant cette loi sont d’autant plus grandes que l’intimidation, le harcèlement et l’arrestation de militants sont de plus en plus fréquents et que l’espace civique en Jordanie ne cesse de se rétrécir. La précédente loi sur la cybercriminalité de 2015, que cette législation remplace, a été utilisée pour arrêter de nombreux militants des droits de l’homme et journalistes pour « diffamation ».

On peut citer le cas récent du journaliste satirique Ahmed Hassan Al-Zoubi qui, le 9 août, a été condamné à un an de prison en vertu de la loi actuelle pour avoir publié sur Facebook, en décembre dernier, un message critiquant la manière dont les autorités avaient géré la grève des chauffeurs routiers.

Nous reconnaissons la nécessité pour les États de prendre des mesures pour lutter contre la cybercriminalité, mais la protection de la sécurité en ligne et la garantie des libertés en ligne doivent être considérées comme des objectifs complémentaires.

Une stratégie de lutte contre la cybercriminalité doit se fonder sur le droit international des droits de l’homme, être claire et se concentrer sur les cybercrimes fondamentaux, et éviter de créer des infractions fondées sur le contenu de l’expression en ligne.

L’adoption rapide de la législation, présentée au Parlement le 15 juillet, adoptée le 2 août et approuvée par le roi le 12 août, soulève des inquiétudes quant à la transparence et à la participation.

Nous demandons instamment aux autorités jordaniennes de reconsidérer cette législation afin de garantir la conformité avec le droit international des droits de l’homme, y compris le Pacte international relatif aux droits civils et politiques en vigueur en Jordanie.

Nous demandons instamment aux autorités de s’appuyer sur l’expertise disponible, notamment celle des spécialistes des technologies de l’information, des experts juridiques et des organisations de la société civile concernées, ainsi que du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, pour élaborer une législation qui réponde aux cybermenaces légitimes tout en sauvegardant les droits humains fondamentaux.

Pour plus d’informations et pour toute demande de la part des médias, veuillez contacter :

Ravina Shamdasani : +41 22 917 9169 / ravina.shamdasani@un.org ;
Liz Throssell : +41 22 917 9296 / elizabeth.throssell@un.org ; ou
Jeremy Laurence : +41 22 917 9383 / jeremy.laurence@un.org

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