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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité contre la Torture entame l'examen du rapport de la Jordanie

29 Avril 2010

Comité contre la torture
29 avril 2010

Le Comité contre la torture a entamé, ce matin, l'examen du deuxième rapport périodique de la Jordanie sur les mesures prises par ce pays en application des dispositions de la Convention contre la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant le rapport de son pays, M. Shehab A. Madi, Représentant permanent de la Jordanie auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, a fait observer qu'aucun pays n'est exempt de torture et que la Jordanie n'y échappe pas. Toutefois, la reconnaissance de cette réalité ne signifie pas que le Gouvernement tolère ces pratiques; au contraire, il déploie des efforts sincères pour combler les lacunes dans ce domaine, a-t-il ajouté. M. Madi a reconnu que certains défis restent à relever dans son pays, s'agissant notamment de la surveillance des centres de détention; des réparations pour les victimes de torture; des réformes juridiques nécessaires en matière de prévention des actes de torture; ou encore de l'efficacité des enquêtes menées en cas de torture. Aussi, la Jordanie s'efforce-t-elle d'améliorer la mise en œuvre de la Convention et, dans ce contexte, le dialogue avec le Comité permettra d'aider le pays dans cette entreprise, a déclaré le Représentant permanent.

La délégation jordanienne était également composée de représentants du Ministère des affaires étrangères; du Ministère de l'Intérieur; du Ministère de la justice; et du Département de la sécurité publique.

Après avoir salué un certain nombre d'avancées récentes en Jordanie, la rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport jordanien, Mme Felice Gaer, a fait part de sa préoccupation face à l'absence de jugement prononcé en Jordanie pour acte de torture et, s'appuyant sur des rapports émanant d'organisations de la société civile, s'est dite préoccupée que la torture semble être traitée comme un délit mineur. Mme Gaer s'est étonnée du chiffre élevé de personnes placées en détention administrative - 16 000 selon le rapport - et s'est enquise des garanties offertes à ces personnes. Se référant à un rapport de l'organisation Human Rights Watch, la rapporteuse a en outre demandé à la délégation jordanienne un complément d'informations sur divers cas de décès en détention et sur les enquêtes et poursuites y afférentes. Mme Gaer a également soulevé la question des crimes d'honneur. Elle s'est en outre interrogée sur le bien-fondé de la loi qui permet à un violeur d'échapper aux sanctions lorsqu'il épouse sa victime.

Constatant que le mécanisme de recours et de dépôt de plaintes pour torture impliquant des agents de l'État relève d'un bureau affilié au Département de la sécurité publique, Mme Gaer s'est enquise des mesures prises pour assurer l'indépendance et l'impartialité des enquêtes menées suite à de telles plaintes; une préoccupation également exprimée par le corapporteur, M. Luis Gallegos Chiriboga. Ce dernier a par ailleurs souhaité savoir s'il existe des centres de détention au secret en Jordanie et s'est enquis de la recevabilité, en Jordanie, des confessions et aveux obtenus sous la torture.

Lors de la prochaine séance publique du Comité, demain à 10 heures, la délégation de la Jordanie répondra aux questions des experts.

Présentation du rapport de la Jordanie

M. SHEHAB A. MADI, Représentant permanent de la Jordanie auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, a fait observer qu'aucun pays n'est exempt de torture et que la Jordanie n'y échappe pas. Toutefois, la reconnaissance de cette réalité ne signifie pas que le Gouvernement tolère ces pratiques; au contraire, il déploie des efforts sincères pour combler les lacunes dans ce domaine. La Jordanie œuvre au renforcement des capacités et de la prise de conscience en vue d'aligner les lois nationales sur la Convention contre la torture. Le pays a également été coauteur des nombreuses résolutions sur la torture, a souligné M. Madi.

Le Représentant permanent de la Jordanie a reconnu que certains défis restent à relever dans son pays, s'agissant notamment de la surveillance des centres de détention; des réparations pour les victimes de torture; des réformes juridiques nécessaires en matière de prévention des actes de torture; ou encore de l'efficacité des enquêtes menées en cas de torture. Aussi, a indiqué M. Madi, le Gouvernement jordanien prend-il note avec appréciation des remarques et rapports soumis à cet égard par le Centre national des droits de l'homme et d'autres organisations jordaniennes.

M. Madi a conclu sa présentation en assurant que son Gouvernement continue de prendre des mesures législatives et institutionnelles pour honorer ses obligations en matière de promotion et de protection des droits de l'homme. La Jordanie s'efforce d'améliorer la mise en œuvre de la Convention contre la torture, a-t-il déclaré. Dans ce contexte, il s'est dit persuadé que le dialogue avec le Comité permettrait d'aider son pays dans cette entreprise.

Le deuxième rapport périodique de la Jordanie (CAT/C/JOR/2) fait notamment part de la création du Centre national des droits de l'homme en 2003 - conformément aux Principes de Paris - dont la tâche consiste notamment à recevoir et à traiter les plaintes émanant des citoyens. Le Centre s'est doté d'un groupe chargé des «centres de redressement et de réinsertion» qui a présenté au Gouvernement plusieurs rapports contenant des recommandations pour améliorer la situation des détenus, en application desquelles ce dernier a présenté un plan global prévoyant la construction de nouveaux centres et l'application de mesures pour assurer de meilleures conditions de vie, sanitaires et psychologiques, aux détenus. D'autre part, le Gouvernement a créé un service des droits de l'homme dans plusieurs ministères ; de même, un service des droits de l'homme a été mis en place à la Direction de la sûreté publique pour recevoir les plaintes contre toute infraction commise par un agent de la force publique. Enfin, a été créé un bureau du Médiateur (Diwan al Madhalim) opérant en tant qu'organe de surveillance indépendant chargé d'examiner les plaintes déposées par les citoyens contre des organismes publics.

Le rapport rappelle que la Convention contre la torture fait partie intégrante du système juridique jordanien et a acquis force de loi : tous les tribunaux nationaux doivent, lorsqu'ils sont saisis d'une affaire relevant de la Convention, se référer à la définition formulée à l'article premier de celle-ci. La législation jordanienne actuellement en vigueur a été modifiée pour ériger en infraction la torture, conformément au texte de la Convention. Le rapport souligne par ailleurs que le Gouvernement a enjoint à l'ensemble des organes de la force publique de diffuser le texte de la Convention auprès de tous les officiers et membres de ces organes. Les forces de sécurité coopèrent avec plusieurs organismes, notamment avec le Centre national des droits de l'homme, pour assurer la formation de leur personnel, précise le rapport.

Les conditions dans les centres de redressement et de réinsertion et le comportement de leur personnel sont surveillés par les pouvoirs publics, le bureau de l'Inspecteur général, la Direction de la sécurité préventive, l'administration des centres et le bureau du Médiateur pour les droits de l'homme, poursuit le rapport. Les mesures prévues par la loi sont prises contre toute personne reconnue coupable de mauvais traitement à l'encontre d'un détenu, comme le confirment les statistiques officielles publiées par la Direction de la sûreté publique, ajoute-t-il. Des boîtes destinées à recueillir les plaintes ont été placées dans tous les centres de redressement et de réinsertion. Elles sont gérées par le bureau du Médiateur pour les droits de l'homme, et les plaintes qui y sont déposées sont traitées conformément aux dispositions de la loi. Les membres des forces de sécurité ne jouissent d'aucune impunité en cas de plainte pénale, quelle que soit l'infraction, surtout lorsqu'il s'agit d'actes de torture ou de mauvais traitements, assure le rapport.

D'autre part, le rapport souligne que le nombre d'infractions passibles de la peine de mort a été réduit. Par ailleurs, la peine de mort n'est pas appliquée aux personnes de moins de 18 ans, aux femmes enceintes, ni aux malades mentaux. En outre, la possibilité d'amnistie et de grâce est prévue par le Code pénal : le Roi a le droit d'amnistie et de grâce, ainsi que celui de réduire la peine. Le nombre de condamnés à mort est en diminution constante. L'application de la peine de mort est limitée aux infractions pénales les plus graves telles que le meurtre, les actes terroristes et le viol de mineur. Elle n'est exécutée qu'au terme d'une série de procédures conformes aux normes établies par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, souligne le rapport.

Pour ce qui est de la protection temporaire au bénéfice des réfugiés et de la non-expulsion d'étrangers vers des pays où ils risquent d'être soumis à la torture, le rapport précise que même s'il n'existe pas de lois sur l'asile en Jordanie, les réfugiés y reçoivent un traitement bien meilleur que celui qui leur est réservé dans de nombreux autres pays, de l'aveu même d'organismes internationaux tels que l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche- Orient (UNRWA) et le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. S'agissant des réfugiés palestiniens, le rapport précise qu'il est difficile d'énumérer tous les services qu'a fournis et continue de fournir le Gouvernement jordanien aux réfugiés palestiniens en Jordanie ou de donner des estimations précises de leur valeur, car les réfugiés palestiniens en Jordanie sont des citoyens jordaniens. Ils ont la nationalité jordanienne et ils ont tous les droits et tous les devoirs afférents à cette citoyenneté, en attendant que leur problème trouve une solution.

Examen du rapport

MME FELICE GAER, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de la Jordanie, s'est félicitée de la présence de la délégation jordanienne, quinze ans après la présentation du rapport initial de ce pays. Elle a salué les récentes avancées du pays, s'agissant notamment de la création d'un Centre national des droits de l'homme, de départements de droits de l'homme au sein de nombreux ministères, ainsi que d'un bureau du Médiateur. Elle a également dit apprécier les informations fournies sur les visites effectuées dans les centres de redressement et de réinsertion, le rapport expliquant que le Procureur général et ses assistants, les présidents des tribunaux, les membres du parquet, ainsi que des organisations de la société civile peuvent se rendre dans ces établissements et s'entretenir en privé avec les détenus.

La rapporteuse a toutefois fait part de sa préoccupation face à l'absence de jugement prononcé en Jordanie pour acte de torture. S'appuyant sur des rapports émanant d'organisations de la société civile, elle s'est également dite préoccupée que la torture semble être traitée comme un délit mineur. Le rapport estime que l'absence de condamnation pour torture est plutôt positive, alors que, du point de vue du Comité, une telle absence est plutôt surprenante et inhabituelle et pourrait représenter une forme d'impunité, a souligné Mme Gaer. Elle a par ailleurs souhaité obtenir davantage de précisions au sujet de l'article 208 du Code pénal qui érige la torture en infraction: quelle est sa portée, quelles sanctions prévoit-il et pour quelles raisons personne n'a été poursuivi en vertu de cet article ?

S'agissant des questions de détention, Mme Gaer s'est étonnée du chiffre élevé de personnes placées en détention administrative - soit 16 000, selon le rapport. Elle a souhaité connaître les garanties offertes à ces personnes et s'est enquise, plus généralement, des garanties de base pour tous les détenus - notamment au regard du droit d'avoir accès à un avocat, à un médecin et à un membre de sa famille. Elle a également souhaité savoir si les lois antiterroristes en vigueur en Jordanie ont des effets sur les droits des détenus. D'autre part, Mme Gaer s'est enquise de la procédure suivie lorsqu'un détenu a été maltraité. Combien de médecins sont-ils affectés à chaque centre de détention, a-t-elle demandé ?

Se référant à un rapport de l'organisation Human Rights Watch, la rapporteuse a demandé à la délégation jordanienne un complément d'informations sur divers cas de décès en détention et sur les enquêtes et poursuites y afférentes. Elle a notamment souhaité en savoir davantage sur une affaire concernant trois prisonniers qui sont morts brûlés en 2008; selon Human Rights Watch, a-t-elle précisé, les officiels impliqués auraient été protégés.

Relevant que le mécanisme de recours et de dépôt de plaintes pour torture impliquant des agents de l'État relève d'un bureau affilié au Département de la sécurité publique, Mme Gaer s'est enquise des mesures prises pour assurer l'indépendance et l'impartialité des enquêtes menées suite à de telles plaintes.

La délégation jordanienne a par ailleurs été invitée par la rapporteuse à donner des informations précises sur les activités du Médiateur. Sur les 1124 cas qu'a reçus cette institution, combien ont-ils donné lieu à une condamnation ?

S'intéressant ensuite à la question des crimes d'honneur, Mme Gaer a rappelé que le Comité des droits de l'enfant et le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes se sont tous deux alarmés de crimes commis contre des filles au nom de l'honneur. S'inquiétant d'une éventuelle impunité des auteurs de ces crimes, elle a souhaité savoir combien de condamnations avaient été prononcées dans les 13 cas rapportés en 2009 et si les personnes éventuellement condamnées avaient réellement purgé leur peine.

Parmi les autres sources de préoccupation de la rapporteuse, figure une loi qui permet à un violeur d'échapper aux sanctions lorsqu'il épouse sa victime. Mme Gaer s'est interrogée sur le bien-fondé d'une telle loi; rappelant que le viol est une forme de torture, elle s'est demandée si le fait de permettre à un violeur d'épouser sa victime n'est pas en contradiction avec les normes internationales.

D'autres questions de la rapporteuse ont porté sur l'interdiction des châtiments corporels et sur les raisons pour lesquelles la législation jordanienne n'interdit pas explicitement le refoulement d'une personne qui risque d'être torturée dans son pays d'origine.

M. LUIS GALLEGOS CHIRIBOGA, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport jordanien, s'est enquis de la formation du personnel médical du point de vue de son aptitude à déceler la torture et les mauvais traitements. Cette préoccupation a été relayée par d'autres experts qui se sont notamment demandé si les détenus ont le droit d'être examinés par un médecin de leur choix. M. Gallegos Chiriboga s'est également enquis de la formation des forces militaires et des agents de la sécurité en matière de droits de l'homme, y compris pour ce qui est des dispositions de la présente Convention.

En ce qui concerne les plaintes pour torture, le corapporteur a relevé l'importance de mettre en place un système de réception de plaintes et d'enquête qui soit indépendant et autonome, détaché de la police. Il s'est également enquis des mesures de rééducation et de réinsertion prévues en faveur des personnes victimes de torture.

M. Gallegos Chiriboga a par ailleurs fait observer que la région est durement frappée par le problème des réfugiés. Tout en reconnaissant les efforts déployés par la Jordanie pour y apporter des solutions, il a souhaité connaître les intentions du Gouvernement à l'égard des réfugiés. Le Gouvernement jordanien envisage-t-il leur rapatriement ? Quels contacts entretient-il avec le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés?

M. Gallegos Chiriboga a en outre souhaité savoir s'il existe des centres de détention au secret en Jordanie. Il s'est également enquis de la recevabilité des confessions et aveux obtenus sous la torture. Enfin, il a demandé à la délégation si la Jordanie comptait ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture.

La délégation jordanienne a d'autre part été invitée à donner davantage d'informations au sujet de la peine de mort. Un expert a souhaité savoir si les projets de lois visant l'abolition de la peine capitale - dont fait état le rapport - ont été approuvés.

Un autre expert a constaté que la Jordanie avait, en 1984, apporté une contribution au Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture, puis n'a plus jamais fait de don. Aussi, cet expert a-t-il souhaité savoir si le Gouvernement jordanien comptait de nouveau apporter sa contribution à ce Fonds à l'avenir.

Enfin, des précisions ont été demandées à la délégation s'agissant des possibilités d'amnistie et de grâce prévues par le Code pénal; des possibilités de remise de peine dans les affaires de torture; des mesures prises pour lutter contre la traite des êtres humains; du contenu de la loi sur la protection des mineurs; et des moyens mis en œuvre pour protéger les femmes contre la violence.

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